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Cinéma : Bowling for Colombine de Michael Moore

« Terriblement efficace et dérangeant », « politiquement incorrect », voilà comment on pourrait qualifier l’excellent film du réalisateur américain Michael Moore, diffusé au cinéma de la Maison de la culture jusqu’au 22 octobre. Booling for Colombine dresse le portrait d’une Amérique pétrie de doutes, de peurs ou de certitudes, face à la violence de sa société. Avec plus de onze mille morts, les Etats-Unis détiennent le triste record des décès par armes à feu.

Partant de la tragédie qui avait ensanglanté en 1999 la ville de Littleton, où deux adolescents ont executé une dizaine de leurs camarades du lycée Columbine, Moore descend dans l’inconscient américain pour tenter d’expliquer la brutalité et la violence de son pays. Mise en cause, la facilité avec laquelle on peut se procurer des armes aux Etats-Unis : une liberté reconnue par la constitution américaine, fortement revendiquée par les milices paramilitaires qui existent dans un grand nombre d’Etats, et par la NRA, énorme lobby des armes, que dirige l’acteur Charlton Eston. Seulement Moore ne s’arrête pas là et tord le coup à l’idée que la violence, notamment des jeunes, serait due aux films violents, aux chansons, notamment du chanteur Marilin Manson (dont les propos dans le film sont remarquables). Ces mêmes images, ces mêmes chansons écoutées ailleurs qu’aux Etats-Unis ne produisent manifestement pas les mêmes effets dans les pays où on les reçoit. Pour Moore, la société étasunienne vit sur la peur (des Noirs, des pauvres, des étrangers...), une peur savamment distillée dans certaines émissions de TV, et qui fait le bonheur des marchands d’armes. Le réalisateur pointe aussi la violence des rapports sociaux aux Etats-Unis, des rapports de classes extrêmement brutaux , où la criminalisation de certaines catégories de la population est la règle. Une violence institutionnelle, notamment si l’on songe aux 749 exécutions capitales perpétrées depuis 1976, année de la levée du moratoire sur la peine de mort aux Etats-Unis (rapport Amnesty International, 2002).

Pour Michael Moore, les raisons de cette violence sont aussi à rechercher dans la politique étrangère des Etats-Unis : leur rapport au monde, érigé en modèle de vertu et de droit international, est, pour le cinéaste, un facteur d’explication. Faisant l’inventaire, non exhaustif de l’action des Etats-Unis dans le monde depuis les années cinquante, Moore dénonce l’impérialisme américain, coupable de millions de morts : soutien au coup d’Etat du Shah d’Iran en 1953 contre le progressiste Mossadegh, guerre du Vietnam, coup d’Etat au Chili en 1973 organisé par la CIA, soutien aux Contras au Nicaragua, guerre du Golfe, Soudan, Kosovo, bombardements de l’Irak et embargo... . En montrant ces images, le réalisateur répond ainsi à posteriori à cette question que posaient bon nombre d’Américains après le 11 septembre : « Pourquoi ne nous aime-t-on pas ? ».

Michael Moore signe là un film courageux, qui en ces temps de guerre à forte odeur de pétrole, ne pouvait pas tomber mieux, pour faire taire le crédo pro américain des Revel et consort. Ce film sonne aussi comme une mise en garde, face à l’évolution de notre société, aux lois sécuritaires du Fouché aux petits pieds Sarkosy, et aux mesures ultralibérales du gouvernement Raffarin.

"Requiem pour un pays qui carbure à l’argent, au sang et à la peur", interview de M.Moore, l’Huma du 9 octobre 2002

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