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Dans un courrier adressé ce jour à la Préfète du Cher, Jean-Claude SANDRIER, Député du Cher, sâindigne de lâexpulsion de Monsieur BOUDOUANI, pour lequel il était à plusieurs reprises intervenu (notamment après son interpellation et celle de son fils, en Juillet dernier). Le collectif de soutien aux sans papiers, a rendu pour sa part public un compte rendu des conditions dâembarquement de Monsieur BOUDOUANI le 13 octobre, et interpelle la préfète.
« Madame la Préfète,
Lâexpulsion dâun père de famille algérien, Monsieur Boudouani, les menaces qui pèsent sur un ressortissant du Togo qui demande le droit dâasile politique, mâincitent à vous écrire pour dire mon indignation.
Je ne veux pas croire que dans notre grand pays qui sâappelle la France, dont le nom a retenti dans le monde entier auprès de tous les défenseurs des Droits de lâHomme, il nây ait pas assez dâhumanité pour traiter dignement des hommes, leurs familles, leurs enfants. Comment peut-on renvoyer, en le coupant brutalement de sa famille, quelquâun qui a vécu quinze ans en France, sans problèmes, qui a des enfants au collège, un fils avec un enfant et en voie de « régularisation » ? Dans quel Monde vivons-nous ?
Comment peut-on renvoyer une autre personne, éminent bénévole au Secours Populaire, menacé physiquement dans son pays, dans un autre pays où il est avéré quâil nâa aucune famille et quâil ne connaît pas ? Quel symbole pour ce Monde où la liberté de circulation est réservée aux capitaux et aux marchandises !
Alors direz-vous peut-être « on ne peut accueillir toute la misère du Monde ! » Mais quelquâun croit-il que câest en brisant des familles, des enfants ou en renvoyant à leurs bourreaux des êtres humains que lâon va régler le problème de la misère dans le Monde ? Le courage, ce nâest pas de renvoyer des gens dans le pays dâoù ils viennent sans sâattaquer aux causes qui font quâils viennent chez nous. Non, le courage ce serait de sâattaquer enfin à la misère ! Mais jâentends les voix de quelques nantis crier « Utopie ! »
Alors, comme Martin Luther King, je fais un rêve. Celui que des responsables politiques, des peuples avec eux, osent imposer à ces 225 familles qui possèdent autant de richesses que la moitié des pays les plus pauvres de lâhumanité une taxe contre la misère.
Je fais aussi le rêve quâune partie de cet argent qui spécule dans la sphère financière (et qui est huit fois plus important que celui qui sert à produire des richesses) soit utilisé, sous contrôle démocratique et international, à éradiquer la faim dans le Monde, à soigner, à éduquer. La taxe Tobin (taxation des transactions financières) y suffirait à elle seule. Cette taxe Tobin, objet de tant dâhypocrisie car chacun dit dans son pays quâil la veut mais que câest le voisin qui nâen veut pas ! Aujourdâhui comme hier, ceux qui pensent que lâon peut régler les problèmes graves dâinégalités, de chômage, de pauvreté dans le Monde par des frontières, des barbelés ou des murs se trompent et nous trompent. Il faudra bien, pour ne pas avoir aussi en permanence lâépée du terrorisme au dessus de nos têtes, sâattaquer à la détresse de centaines de millions dâêtres humains.
Oui, je veux rêver dâabord parce que câest lâune des facultés qui différencie lâespèce humaine de lâespèce animale et qui, dâautre part, a permis les grandes avancées de lâhumanité. Avec Victor Hugo, je suis de ceux « qui pensent et affirment quâon peut détruire la misère ». Cela suppose simplement un tout petit peu de courage pour affronter ceux qui vivent sur cette misère.
Madame la Préfète, dites au gouvernement de sâattaquer non pas à lâombre portée mais à ce qui la provoque. Il se grandirait et grandirait la France.
Avec mes plus respectueuses salutations. »
Jean-Claude SANDRIER, Député du Cher
Le Collectif de soutien aux sans papiers de Bourges a publié le communiqué suivant aujourdâhui 14 octobre :
A la suite de lâexpulsion, par injonction préfectorale, le 13 octobre de M. Ahmed Boudouani, séparé arbitrairement de sa famille (femme, filles, fils et petite fille) le collectif de soutien aux sans papiers de Bourges, ainsi que des sympathisants parisiens se sont rendu ce matin à Orly pour tenter une ultime action.
Le collectif a contacté les passagers du vol de 10h pour Alger de la compagnie Aigle Azur, qui collabore aimablement aux expulsions actuelles, pour les informer de la présence de M. Boudouani dans leur avion. La très grande majorité a manifesté ouvertement la condamnation de ces pratiques, et a assuré le collectif de son soutien. Un passager lui a communiqué son numéro de portable et lâa tenu au courant du déroulement de lâembarquement : les passagers ont, dès leur entrée dans lâavion, demandé à parler au commandant de bord, ont refusé de sâasseoir, et discussions et négociations ont duré assez longtemps. Des passagers pleuraient. Lâavion, malgré cet élan contestataire, a décollé, mais avec 25 minutes de retard. Si lâélan est retombé, il a cependant vécu.
Ahmed Boudouani a donc atterri vers 13h avec, pour toute fortune, 20 euros en poche. Après quelques heures de garde à vue, il se retrouve à Alger sans famille, ni amis, ni soutien.
Il est difficile de comprendre lâacharnement de la préfecture du Cher à lâégard de la famille Boudouani. Une stratégie très discutable a été improvisée, consistant à expulser le père et à le séparer de sa famille dans lâobjectif de convaincre la mère et les enfants de le rejoindre volontairement en Algérie.
Rania Boudouani se retrouve donc à Bourges seule avec ses enfants, sans ressources financières. Si elle décide malgré tout de rester en France, elle sait en tout cas, aujourdâhui quâelle peut compter sur la motivation et lâengagement à ses côtés :
Le collectif de soutien aux sans papiers comprend : Lâunion syndicale Solidaires (Sud, SNUI ...), le Collectif des Libertaires, le Comité de Vigilance, le Secours Catholique, Médina, la Ligue des Droits de lâHomme, le Parti Communiste, la CNT, Accueil et Promotion, Attac, le Mouvement de la Paix, la LCR, la FCPE ...
Il est intéressant de remarquer que les termes de la circulaire du 30 octobre 2004, émise par le cabinet du Premier ministre, M. de Villepin, et dédiée au réexamen des cas jugés « dignes dâintérêt » des sans-papiers, font pourtant de la famille Boudouani des candidats tout à fait acceptables à la régularisation. Tel ne semble pas être lâavis de la préfecture du Cher...
Il est donc important et nécessaire, désormais, de suivre attentivement la suite des événements, en particulier le sort réservé par la préfecture à lâégard de Rania Boudouani.
Le 14 octobre 2005