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En direct de l’Assemblée nationale à partir du 10 juin
Débat parlementaire sur les retraites
16 juin 2003








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Débat parlementaire sur les Retraites 6 ème journée 16 juin 2003

La journée de 16 juin a vu le début de la discussion sur l’article 1.

Vous trouverez en annexe les éléments concernant les interventions des députés communistes qui portent, pour la séance de après-midi, sur un rappel au règlement (Maxime Gremetz, annexe 1), la question de la répartition (Jean-pierre Brard, annexe 1), l’emploi et la répartition (François Liberti, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, annexe 1) et les profits des entreprises (Maxime Gremetz, Muguette Jacquaint annexe 1). Pour la séance de en soirée, les amendements défendus par les députés communistes portaient sur le danger de la capitalisation (Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard, François Liberti annexe 2), sur le niveau des retraites (Muguette Jacquaint, Jean-Pierre Brard, Maxime Gremetz annexe 2), sur la prise en compte des années d’étude (Pierre Goldberg, Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Jean-pierre Brard annexe 2).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 16 juin Après-midi

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, sur la base de l’article 58-1 ! Monsieur le ministre, cette réforme, que vous dites majeure pour cette législature, suscite un certain nombre d’interrogations dans la population. Selon une étude commandée pour une émission à laquelle participait notre rapporteur, 53 % des Français considèrent que le Gouvernement devrait rouvrir des négociations avec les syndicats et 12 % souhaitent que vous retiriez votre projet. Qu’attendez-vous, par conséquent, pour accepter notre amendement de sagesse qui vise à soumettre ce projet au peuple, par voie de référendum ? S’il était repoussé, comme je le pense, vous reprendriez les négociations et proposeriez une autre réforme, qui garantisse l’avenir du système par répartition, qui soit plus favorable à l’emploi, qui tienne compte de la pénibilité du travail, bref, qui favorise le développement durable de notre pays.

M. Jean-Pierre Brard - Aujourd’hui chacun s’interroge sur sa propre retraite, ce qui est légitime, mais il faut aussi réfléchir à l’avenir des retraites en général et à ce qui garantit la solidarité entre les générations. C’est un débat crucial. Monsieur le ministre, vous avez souvent fait référence à la CGT, Confédération générale du travail, ce qui était, en quelque sorte un hommage du vice à la vertu (Sourires). Or, la Confédération générale du travail, quand elle s’est créée il y a un peu plus d’un siècle, avait comme première revendication l’obtention d’une retraite ouvrière. A la fin du XIXe siècle, en effet, ne plus pouvoir travailler était synonyme de misère. C’était le bureau d’aide sociale, ou une caisse de secours. Des caisses de retraite très différentes se mirent en place au début du XXe siècle, puis tout ce qui existait fut emporté par la crise des années 1930. C’est en 1945 que s’amorce, sur la base du programme élaboré par le Conseil national de la Résistance, la constitution d’un système de retraite que les progressistes de l’époque voulaient national et unifié, couvrant l’ensemble de la population. Il n’a finalement couvert que la population salariée, puisqu’une partie des cadres ainsi que les artisans et les professions libérales n’en voulaient pas. Ce régime de salariés, en 1945, n’assurait qu’un taux de remplacement de 20 %. Celui-ci a été porté à 40 %, en contrepartie d’un allongement de la durée de cotisation à 65 ans. Mais c’est dans cette matrice de 1945 que s’est construit le système que nous connaissons aujourd’hui, en plusieurs étapes. Le régime de base a été amélioré puis la création des régimes complémentaires a permis, en 1982, la retraite à 60 ans, avec un taux de remplacement supérieur à 75 %. Aujourd’hui, ce système est menacé parce qu’il représente 176 milliards d’euros par an. Les cotisations redistribuées aux anciens actifs retraités suscitent en effet la convoitise d’un certain nombre de puissances financières. Dans d’autres pays, il y a des systèmes de retraite qui sont organisés sur d’autres bases que le nôtre. Ces puissances financières qui veulent élargir leur marché, misent sur les changements démographiques dont nous devons tirer les conséquences. L’allongement de la durée de la vie est un progrès, même s’il ne profite pas de manière égale aux différentes classes sociales. Ce n’est pas cette évolution structurelle qui pose un problème, mais l’arrivée à l’âge de la retraite, dans trois ans pour les premiers de tous ceux qui sont nés dans l’après-guerre. Au lieu des 500 000 départs à la retraite par an, il y en aura 750 000, pendant quinze ans, si bien qu’en 2020, il y aura 50 % de retraités en plus.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard - Ce projet commence par poser le principe de la répartition pour encourager la capitalisation. Vous pratiquez l’endormissement avant de passer à l’acte coupable.

M. François Liberti - Préserver le régime par répartition et assurer son financement passe d’abord par une vraie politique de l’emploi et de lutte contre la précarité. Ce n’est pas la voie que vous avez choisie : du RMA aux « emplois vieux », on fragilise l’emploi. Votre projet est intéressant, comme la position du Medef qui souhaite aller jusqu’à quarante-deux ans de cotisation pour une retraite à taux plein et en même temps avoir les mains libres pour licencier les quinquagénaires. Retarder le moment de la liquidation est pourtant inacceptable. Même incohérence sur l’emploi des jeunes, qui sont déjà les plus touchés par le chômage. Le choix d’études longues accroît certes la productivité de notre économie mais se trouve pénalisé s’il faut ensuite travailler jusqu’à soixante-dix ans, d’autant que le coût d’un rachat d’annuités est exorbitant - 7 000 € en début de carrière. Refusons donc la dégradation de la situation de l’emploi et intégrons, comme nous le proposons, les temps de formation dans la durée d’assurance. Les exonérations de cotisations sociales représentent plus de 16 milliards d’euros pour 2003. Elles ne permettront de créer que 300 000 emplois en dix ans. Encore sont-ils cher payés et précaires. Elles auront donc un impact désastreux à long terme en créant des trappes à bas salaires. Ne payant plus de cotisations sociales sur les bas salaires, les patrons ne les augmenteront pas. La demande de travail non qualifié est faible : les entreprises veulent des travailleurs qualifiés. Pour encourager l’emploi, il faut donc encourager le travail qualifié, qui génère lui-même des salaires plus élevés et davantage de cotisations.

M. Pierre Goldberg - Votre projet, et tout spécialement son article premier, s’en prennent directement à la retraite par répartition. Les salariés payés au SMIC se voient actuellement garantir un taux de remplacement de 83 %. On leur propose une légère hausse qui est une simple prévision à l’horizon 2008. Or, le niveau de vie des retraités ayant touché le SMIC s’est déjà dégradé. Votre projet est loin de remédier à cette situation d’autant plus intolérable que ces salariés ont consacré leur vie professionnelle à des travaux pénibles. L’augmentation annoncée est un leurre : avec 150 trimestres de cotisation, ces salariés touchaient 83 % de leurs revenus d’activité. Demain, ils en toucheront 85 % pour 160 trimestres de cotisation ! Où est l’avancée ? A l’heure actuelle, quatre salariés sur dix liquidant leur pension n’ont pas effectué une carrière complète. Nombreux sont les smicards parmi eux. En 2000, 40 % des retraites nouvelles liquidées le sont au niveau du minimum contributif. Le pouvoir d’achat des retraités a diminué de 10 % ces dix dernières années. En 2020, il aura encore chuté de 17 %, en raison de la suppression de l’indexation des retraites sur les salaires au profit de l’indexation sur les prix. Les prélèvements institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre ont été multipliés par 2,5. Ils représentent aujourd’hui jusqu’à un mois de retraite nette par an. Les retraités au SMIC se sont appauvris. En les appauvrissant davantage, vous voulez imposer les fonds de pension. Votre projet de loi ne prend donc pas en considération ces salariés.

M. Maxime Gremetz - Vous voulez, Monsieur le ministre, réaffirmer le principe historique de la répartition, dû à un ministre communiste, Ambroise Croizat, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et appuyé sur les richesses produites. Mais plus vous essayez de nous persuader que vous voulez sauver ce système, moins nous sommes convaincus. Les interventions qui viennent d’avoir lieu ont démontré qu’on ne peut affirmer vouloir maintenir le système par répartition, augmenter les annuités de cotisation et baisser le niveau des pensions. Vous poursuivez la réforme Balladur qui a remis en question l’équité entre secteurs public et privé. De plus, le montant des pensions est toujours indexé sur les prix et calculé non plus sur les dix meilleures années mais sur vingt-cinq. Depuis 1993, les pensions ont ainsi baissé de plus de 10 %. Le maintien de la retraite à 60 ans est également remis en cause. Compte tenu du système économique, pour atteindre quarante, puis quarante-deux annuités de cotisation, il faudra travailler jusqu’à 62, 63, 64 ans et plus. Vous prétendez prendre en compte la pénibilité du travail. Non ! Vous demandez aux acteurs économiques et sociaux de discuter de cette question dans les trois années à venir. Mais ceux qui, aujourd’hui, font les trois huit, celles qui travaillent de nuit, méritent de partir à la retraite à l’âge de 55 ans avec une pension à taux plein. Vous ne prenez pas en compte la diversité des situations. Beaucoup s’interrogent. Pourquoi le Gouvernement engage-t-il pareille réforme ? Mais, dès 1993, M. Thomas proposait une réforme des pensions. M. Thomas écrit d’ailleurs dans Le Figaro qu’il faut accompagner la réforme des retraites de la création de fonds de pension. Vous réaffirmez le principe de la répartition, mais vous vous dirigez en catimini vers la capitalisation.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 3309 vise également à supprimer cet article qui est en contradiction avec toute le philosophie de ce projet. Votre réforme n’est pratiquement pas financée. Le seul financement prévu repose à 91 % sur les salariés et les revenus financiers sont totalement préservés. Il est vrai que certains, après avoir mené le précédent gouvernement dans le mur, osent continuer à donner leur avis, et affirment, comme M. Piketty, que les revenus du capital n’existent pas...

M. le Rapporteur - C’est vrai !

M. Maxime Gremetz - Pour votre part, Monsieur le ministre, vous avez dit que les grands groupes étaient en déficit. Eh bien, je vais vous donner quelques résultats : Carrefour + 8,5 %, ...

M. Yves Jego - Ça crée des emplois !

M. Maxime Gremetz - ...PPR, + 111,3 %, Arcelor, + 121 % ; Casino, + 17,4 % ; alors que les salaires et le pouvoir d’achat baissent, votre ami Bouygues, + 93 % ; Aventis, + 38,9 % ; Michelin, + 96,2 % ; LVMH, + 5 460 % ! Et il n’y aurait pas de capital, pas de profit, pas de placements financiers... La répartition ne peut être sauvée que par les cotisations. Et vous, vous accordez dans le budget 16,6 milliards d’exonérations aux patrons. Pourtant, tout le monde dit que cela n’a pas de sens. Quand vous refusez d’élargir l’assiette des cotisations et de la moduler et quand vous menez la politique de l’emploi que l’on sait, c’est bien à la répartition que vous vous attaquez et la capitalisation que vous préparez.

Mme Muguette Jacquaint - Lorsque M. Gremetz a parlé des bénéfices de Carrefour, nous avons entendu l’UMP crier que ces bénéfices créaient de l’emploi. Mais allez donc voir chez Carrefour ou chez Auchan le niveau des salaires et le nombre de temps partiels imposés ! On s’étonnera peut-être que le groupe communiste veuille, par son amendement 3308, supprimer un article qui réaffirme le choix de la répartition et qui met celle-ci au coeur du pacte social. Mais il y a quelque audace de la part du Gouvernement à commencer par une telle déclaration de principe, alors que son projet, dans le droit fil de la réforme Balladur de 1993, aura pour effet d’allonger la durée de cotisation nécessaire pour partir à taux plein, d’augmenter les cotisations et de baisser le niveau des pensions - pourtant déjà peu élevées puisque 60 % de pensionnés ne sont pas imposables. A quoi bon l’article premier si la suite du projet le vide de son sens par des mesures qui sont autant d’appels à toutes les formes de capitalisation ?

Annexe 2 16 juin Soirée

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

ARTICLE PREMIER (suite)

Mme Muguette Jacquaint - L’amendement 3315 tend à réécrire partiellement l’article premier. Malgré l’intention louable d’accorder la priorité au régime de retraite solidaire par répartition, l’article laisse la porte ouverte aux formules individualisées de retraite. De nombreux secteurs du patronat français espèrent, de longue date, la remise en cause du pacte social de répartition et la montée en puissance de l’épargne-retraite. Les milliards d’euros en jeu aiguisent l’appétit de tous ceux qui, acteurs des marchés financiers ou aventuriers de la Bourse, ont besoin d’argent frais pour monter des opérations spéculatives. En allongeant la durée de cotisation et en réduisant le montant des prestations, vous créez les conditions d’un recours forcé à la capitalisation, le sauve-qui-peut général remplaçant la solidarité entre les générations. Nous voilà donc face à un vrai choix de société.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C’est vrai !

Mme Muguette Jacquaint - Le système par répartition permet de disposer d’une retraite indépendante de la capacité contributive de chacun.

M. le Rapporteur - Raison de plus pour le sauver !

Mme Muguette Jacquaint - Même si nombre de retraités ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu, la répartition reste un système égalitaire. En développant les formules d’épargne-retraite, votre projet répercute sur les pensions les inégalités de la vie professionnelle. Même si le CAC 40 remonte ces derniers temps, il est moins élevé qu’il y a deux ans, et une nouvelle chute est toujours à craindre. Rendez-vous à l’évidence, Monsieur le ministre ! La majorité des Français n’approuvent pas votre réforme ! M. Maxime Gremetz - L’amendement 3316 est identique au précédent. Pour convaincre, il faut du temps et de la pédagogie ! Pour compléter nos retraites, vous nous poussez vers les fonds communs de placement en entreprise. Or, les fonds d’actions ont diminué de 29,71 %, les fonds diversifiés à dominante d’actions de 19,50, et les fonds diversifiés sans dominante de 14,50 %. Il y a de quoi se méfier ! Par ailleurs, que pensez-vous de nos propositions de financement ? L’élargissement de l’assiette des cotisations aux revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances et des ménages fortunés, rapporterait 23 millions d’euros de recettes supplémentaires ; la modulation des cotisations vieillesse des entreprises en fonction de leur action en faveur de la création d’emplois, de la formation et des salaires entre 15 et 17 milliards ; et la suppression de l’exonération de cotisations sociales patronales, 16,6 milliards. Vous évaluez votre réforme à 56 milliards d’euros, nous vous les apportons. M. Jean-Pierre Brard - On est toujours trahis par les siens, Monsieur le ministre. Ainsi, dans le Monde d’aujourd’hui, Jean-Pierre Thomas révèle vos véritables motivations, qui sont bien éloignées des intentions affichées dans cet article. Jean-Pierre Thomas n’est pas seulement notre ancien collègue, il est aussi associé gérant de Lazare frères Gestion. Il fait partie de ces gens qui, tapis dans l’ombre, attendent le vote de votre projet pour en ramasser les dividendes. Que dit Jean-Pierre Thomas de ce projet ? Qu’il « offre à chacun la possibilité de préparer sa retraite sur deux piliers : répartition et épargne-retraite qui se complètent et non qui s’opposent ». Et de préciser : « Pour éviter une concurrence entre la répartition et l’épargne-retraite, les partenaires sociaux doivent être pleinement associés à sa mise en _uvre à travers la conclusion d’accords collectifs. De même, ils ont toute leur place dans les commissions de surveillance chargées de contrôler la bonne gestion de l’épargne-retraite ». Autrement dit, ils pourront assister à la manière dont on tord le cou à la répartition... Un peu plus loin on lit : « Les plans d’épargne-retraite devraient être gérés par des fonds, structures dédiées et externalisées des entreprises ». Les voilà, les fonds de pension ! Et comme vous l’avez mis en appétit, il ne trouve pas la soupe assez succulente, et il demande plus : « Le projet de loi présenté par François Fillon mentionne le recours à des structures associatives. Attention ! Nous avions eu ce débat à l’époque : je pense que, au regard des exigences de sécurité légitimes des épargnants, il n’est pas certain que la réforme associative soit la plus adaptée ». Il ne peut s’empêcher cependant de vous décerner des lauriers : « Le Gouvernement prouve que, en ce qui concerne les retraites, il n’y a pas de réforme sans courage ni de succès sans volonté. A l’occasion de ce rendez-vous, les parlementaires doivent construire une législation sur l’épargne-retraite, simple, incitative et compatible avec l’Europe ».

M. Thomas ne s’y trompe pas : l’objet du projet n’est évidemment pas la répartition, ce sont les fonds de pension ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Si d’aventure votre bonne foi a été surprise, je vous propose d’adopter notre amendement pour lever tous les doutes et prouver votre sincérité.

M. François Liberti - M. le rapporteur a évoqué le titre V. On y trouve à l’article 78 le principe de l’accès universel à l’épargne-retraite, assorti de deux garanties. La première est la mention de « conditions de sécurité financière », visant à faire prendre les vessies de la Bourse pour les lanternes d’un revenu sûr et protégé, comme s’il pouvait y avoir une protection légale contre les aléas des marchés financiers. C’est le type même de promesse - pour parler comme le Président Chirac - qui n’engagent que ceux qui y croient... La deuxième garantie est une généralisation des déductions fiscales liées aux placements financiers. Quant à l’article 79, il annonce une loi prochaine mettant en place un « plan d’épargne pour la retraite » - formule aussi neutre que possible, derrière laquelle se préparent les fonds de pension. Ceux-ci ne peuvent figurer dans le présent texte, pour des raisons à la fois politiques et de cohérence législative. Apparaissant ainsi en conclusion du projet, ces articles en éclairent la cohérence, que notre ami ultra-libéral Alain Madelin a explicitée en indiquant que ce projet appelait au développement des fonds de pension. Or, ces derniers sont profondément injustes. Faut-il accepter que toutes les retraites baissent, pendant que ceux qui en ont les moyens se paieront un supplément aléatoire ? Qui peut prendre le risque de jouer en bourse le revenu de ses vieux jours ? Certes pas les petits et moyens salaires. Vous avez un moyen simple de clarifier tout cela : insérer dans la loi le rejet de tout choix de la capitalisation comme mode constitutif de pension de retraite. Cela permettrait de vérifier votre sincérité.

M. le Président - Sur l’amendement 3315 et ceux qui lui sont identiques, le groupe communiste et républicain demande un scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Sur le fonds de réserve, je souhaite répondre à M. le rapporteur : nous avons déposé des amendements en vue de l’abonder autrement. Nous sommes hostiles à son abondement par les surplus de l’assurance vieillesse, et bien sûr par les recettes de privatisations. Nous proposerons de l’abonder notamment en augmentant l’impôt sur la fortune. Nous sommes, d’autre part, hostiles à son fonctionnement spéculatif. M. le ministre m’a fourni des chiffres : en voici d’autres. Entre 1980 et 2001, la part du salaire dans la valeur ajoutée des entreprises est passée de 81,5 à 65 % ! Or moins de salaires, c’est moins de ressources pour la sécurité sociale et les retraites. La part des profits dans la richesse produite s’est pour sa part accrue de 7 points. Entre 1985 et 2000, les placements financiers des entreprises sont passés de 8,2 à 149 milliards... Si on élargissait l’assiette de cotisation, il y aurait moins de spéculation financière, et plus de ressources pour l’investissement et pour la protection sociale. A la majorité de 94 voix contre 25 sur 119 votants et 119 suffrages exprimés, les amendements 3315, 3316 et 3317 ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Cet article, sous des apparences séduisantes, remet en question le mode de financement de notre régime général par répartition. Lisons en effet chaque mot : « Tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité. » C’est ouvrir la voie à une forme d’individualisation. Même si les salaires constituent aujourd’hui la base de calcul des cotisations, celles-ci ne sont pas autre chose qu’un prélèvement sur la richesse créée, à usage immédiat. Les cotisations acquittées aujourd’hui par les actifs ne servent pas à constituer une sorte de compte d’épargne, mais à financer les pensions d’aujourd’hui. Elles sont le témoignage effectif de la solidarité de la collectivité avec ceux que l’âge ne met plus en situation de travailler, conformément à nos principes constitutionnels. Or, si on suit la logique de l’article 2, le droit à allocation serait strictement lié au montant des cotisations acquittées tout au long de la vie professionnelle. Cela reviendrait à transformer les cotisations en points d’épargne accumulés, les inégalités de rémunération se répercutant sur le montant des prestations servies. Le droit à une allocation d’un niveau suffisant serait donc apparenté à une forme de droit d’entrée dans un club. C’est miner, l’air de rien, l’un des fondements de notre système par répartition. Ainsi, il ne serait plus possible d’ouvrir des droits aux étudiants en formation longue ou aux mères de famille. Que devient la majoration enfant ? Et que deviennent les chômeurs ? L’article 2 montre donc la philosophie générale du projet : rabaisser le niveau des garanties collectives, au profit de la rentabilité du capital. Je demanderai donc la suppression de cet article. M. Jean-Pierre Brard - Cet article se présente comme un brevet d’équité pour l’ensemble du projet, mais l’analyse du texte montre qu’il pose un problème majeur. Contrairement à ses déclarations, le Gouvernement ne préserve pas les retraites des salariés les plus modestes. Comme à l’article premier, vous procédez par antiphrase. Je reconnais votre savoir-faire. Contrairement à M. Thomas qui s’était comporté comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, vous avancez à pas de loup (Sourires). Dans une ville comme Montreuil, on compte un grand nombre de petites retraites. Je ne parle pas de l’allocation vieillesse, qui relève d’un autre mécanisme, mais bien du minimum contributif. Il en va de même pour le minimum de la fonction publique. Aujourd’hui, 40 % des retraites liquidées le sont au minimum contributif. Il n’y en avait qu’un tiers il y a dix ans. L’application des mesures Balladur de 1993 a donc augmenté de près de dix points le nombre de retraites liquidées au minimum contributif. Nous avons fait la projection : avec l’évolution programmée des retraites, il y aura demain 55 à 60 % des retraites liquidées au minimum contributif. Aujourd’hui, nous sommes à 83 % du SMIC net avec la partie ARRCO, alors que nous réclamons qu’aucune retraite ne soit inférieure, pour une carrière complète, au SMIC net. On risque d’arriver à un taux de remplacement de 55 à 60 % seulement. On nous présente comme une victoire la garantie à 85 % du SMIC, alors que nous sommes à 83 % aujourd’hui. C’est un peu comme le voleur qui ne vous dérobe pas tout votre portefeuille et qui dit : « vous voyez, je vous ai laissé quelque chose, je suis honnête ». On est dans la logique du « ça pourrait être pire », celle de François Chérèque. En outre, cette garantie ne s’applique pas aux retraites liquidées, c’est-à-dire aux 4 millions de personnes qui sont au minimum contributif. Et puis ces 85 % ne vont plus être calculés sur 150, mais sur 160 trimestres. A travail égal, on tombe donc à 78,4 % du SMIC. Il n’y a pas de petites économies sur les retraités. Cette réforme va accroître les inégalités en abaissant le niveau des pensions versées à certaines catégories de la population. Les trois quarts des femmes ont une carrière incomplète. Elles vont travailler plus pour gagner moins. Non plus trente-sept annuités et demi, ni quarante mais quarante-deux en 2020. Aujourd’hui, trois quarts des femmes ne cotisent pas pendant trente-sept ans et demie. Même si elles travaillaient un peu plus, leur niveau de retraite serait quand même inférieur. Mais il est vrai, Monsieur Fillon, que Jean-Pierre Thomas est là pour compléter ce que vous aurez rabioté. M. Maxime Gremetz - La sécurité sociale, à l’origine, était quasi exclusivement financée par les cotisations, qu’elles soient salariales ou patronales. La nature des deux cotisations est en réalité la même : toutes les deux appartiennent collectivement aux salariés. Pendant longtemps, le patronat a privilégié la baisse des cotisations, car c’est là une façon discrète d’augmenter les plus-values en baissant les salaires. Tout est mis en _uvre pour réduire toujours plus le coût du travail. La création de la CSG et la multiplication des exonérations patronales constituent une autre manière de réduire le financement social en faveur de l’entreprise puisque la CSG est prélevée sur les ménages et que les exonérations sont largement compensées par le budget de l’Etat, quasi exclusivement financé par les ménages. Mais où sont les emplois créés par plus de cent milliards d’exonérations et 350 milliards de cotisations transférées vers l’impôt par le biais de la CSG ? Les emplois précaires et à temps partiel, eux, se multiplient. La concentration des exonérations autour du SMIC a créé une « trappe à bas salaires » qui tire tous les salaires vers le bas. Neuf millions de salaires sont ainsi inférieurs à 1,4 fois le SMIC. Nous vous demandons, Monsieur le ministre, de créer une commission d’enquête parlementaire et de lancer un vrai débat sur ces 100 milliards d’exonérations. Nous proposons de remplacer des aides qui ne créent pas d’emplois par des aides ciblées sous forme de prêts bonifiés conditionnés à la création d’emplois qualifiés et bien rémunérés. Cela permettrait de mobiliser des prêts bancaires en démultipliant les fonds publics.

M. Pierre Goldberg - Les années de formation initiale ou continue ne sont pas systématiquement prises en compte dans le calcul des annuités. Or, l’un des éléments fondamentaux de l’évolution du monde du travail est l’allongement de la durée de formation initiale des salariés, et l’on ne peut que s’en réjouir. Dans l’enseignement, les élèves des écoles normales d’instituteurs, deux ans après le baccalauréat, étaient en situation d’enseigner ; les professeurs des écoles, aujourd’hui, doivent effectuer trois ans d’études après le même diplôme, dans le cadre des instituts universitaires de formation des maîtres. La plupart des jeunes atteignent le niveau du baccalauréat et ceux qui entreprennent un parcours universitaire sont de plus en plus nombreux. Dans le même temps, les entreprises demandent des personnels plus qualifiés qu’auparavant. De plus en plus de jeunes ne commencent réellement leur carrière professionnelle qu’après l’âge de vingt et un ou vingt-deux ans, voire beaucoup plus tard. Il est donc paradoxal que cette exigence des entreprises se traduise par une remise en cause du droit des salariés à la retraite à soixante ans. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Dès lors que l’on décide d’accroître le nombre des annuités nécessaires pour ouvrir le droit à la retraite pleine et entière, c’est le droit à la retraite à soixante ans que l’on met en question. Avec 42 annuités, pour partir à 60 ans, il faut avoir commencé sa vie professionnelle à dix-huit ans. C’est donc contradictoire avec l’exigence de qualification et le besoin de formation. Il est temps de considérer les périodes de formation comme un élément de la vie professionnelle, comme une étape dans le processus d’insertion des jeunes dans la vie active, et un atout pour le développement du pays. A moins que l’un des paramètres de la réforme ne soit le développement de l’emploi sous-qualififé et sous-rémunéré ? Notre système de retraite par répartition doit intégrer le temps de la formation initiale et continue dans les modalités de calcul des pensions et retraites. Tel était l’esprit de l’un de nos amendements, qui n’a pas passé le cap de l’article 40.

Mme Muguette Jacquaint - L’amendement 3322 supprime l’article, qui prévoit une « allocation en rapport avec les revenus tirés de l’activité ». S’agit-il de perpétuer les inégalités de ressources en stigmatisant les personnes victimes de la précarité ? S’agit-il de partir du principe que plus le montant des revenus tirés de l’activité sera élevé, plus le montant de ce qui sera garanti sera important ? Nous devons au contraire poser le principe d’une pension proportionnelle, mais non en rapport avec la stricte capacité contributive. Les retraites servies par le régime général constitueraient ainsi un socle représentatif, permettant à chaque pensionné et retraité de bénéficier d’une garantie au moins équivalente à ce qui existe aujourd’hui. Nous en ferions la base d’un véritable revenu de remplacement, base améliorée par des dispositions spécifiques pour les salariés ayant connu des carrières plus faiblement rémunérées - mères de famille ayant élevé des enfants, étudiants ayant prolongé leurs études. Les termes de cet article n’offrent pas les garanties nécessaires à l’ensemble des salariés. Un fort régime de retraite par répartition doit permettre aux retraités d’être partie prenante de la collectivité nationale et de contribuer à son développement.

M. Maxime Gremetz - Comme convenu, je profite de nos amendements de suppression pour évoquer en même temps l’un de ceux qui ont disparu sous le coup de l’article 40. Quand la formation continue se déroule dans un cadre normal, sa prise en compte ne pose pas de problème puisqu’il s’agit de périodes durant lesquelles la rémunération du salarié est maintenue et par conséquent intégrée dans le calcul de ses annuités. Mais lorsqu’elle se déroule dans un cadre différent, lié par exemple au chômage, il en va différemment. Or, ces vingt dernières années, beaucoup de salariés ont connu ce type de formation, je pense par exemple aux jeunes passés par des dispositifs d’insertion sociale et professionnelle, tels que les CUC ou les contrats emploi-solidarité. Il faut que ces périodes soient intégrées dans le calcul des annuités, quitte à ce que leur valeur soit majorée par des dispositifs spécifiques.

M. Jean-Pierre Brard - L’article 2 dit que « tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité », ce qui ne veut pas dire grand-chose. Un rapport de 90 % ? De 10 % ? On ne sait pas. Si vous aviez écrit par exemple « dans un rapport qui ne pourra être inférieur à 85 % des revenus », cela aurait été plus parlant. Mais tel qu’il est rédigé, cet article sert juste à abuser les nigauds. Prenons le cas des femmes, en particulier celles qui auront été condamnées au temps partiel toute une partie de leur carrière : elles auront assurément une retraite « en rapport » avec leurs revenus antérieurs, c’est-à-dire partielle elle aussi, et ce d’autant plus que certains avantages familiaux disparaissent. En effet, la bonification pour enfants n’existera plus demain, ou plutôt elle ne sera accordée que si la femme a cessé de travailler pour élever un enfant. Celle qui a eu un enfant mais a continué de travailler n’en bénéficiera plus. Jusqu’où la mesquinerie ne va-t-elle pas se nicher ! Quant à ceux qui ont fait des études et qui ont donc commencé à travailler à 23 ou 24 ans, on leur dit que ces périodes ne comptent pas mais qu’ils ont le droit de racheter jusqu’à trois ans d’études. Coût : environ 30 000 € ! Qui pourra le faire ? Le médecin recruté par Aventis, qui paiera pour lui, mais certainement pas l’ouvrier peu qualifié ou le jeune qui a galéré. Votre projet présente donc le défaut majeur d’aggraver les inégalités, défaut qui est bien, lui, « en rapport » avec l’ensemble de votre politique sociale.