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En direct de l’Assemblée nationale à partir du 10 juin
Débat parlementaire sur les retraites
23 juin 2003








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Débat parlementaire sur les Retraites 11ème journée 23 juin 2003

La journée de 23 juin a vu la poursuite de la discussion sur les articles 10, 11 et 12.

Vous trouverez en annexe les éléments concernant les interventions des députés communistes.

Annexe 1. Rappel au règlement à propos de l’incarcération de José Bové (Alain Bocquet, Jacques Brunhes) âge de la retraite (Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes), salariés âgés (Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard,Alain Bocquet), pré-retraites (Jacques Brunhes), fonds de réserve (Jean-Pierre Brard), Salariés âgés (Alain Bocquet, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard), Pré-retraites (Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard).

Annexe 2. Salariés âgés (Jacqueline Fraysse, Jacques Brunhes), activité des salariés (Jacqueline Fraysse), cessation anticipée d’activité (Frédéric Dutoit, Maxime Gremetz), Qualification (Jacques Brunhes), population inactive (Frédéric Dutoit), Chômeurs âgés (Jacqueline Fraysse).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 23 juin Après-midi

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Alain Bocquet - Un événement grave s’est déroulé hier, qui a scandalisé tous ceux qui sont attachés à la démocratie, à la République et aux libertés syndicales. Hier, en effet, dès potron-minet, le Gouvernement a déployé force moyens - compagnie de gendarmerie, blindés...

M. le Président - Le rappel au Règlement doit porter sur le déroulement de la séance. Je ne vous laisse pas terminer.

M. Alain Bocquet - C’est un scandale !

M. le Président - Il y a d’autres enceintes, il y a d’autres moments. Vous pourrez interroger le Gouvernement demain, lors de la séance consacrée aux questions d’actualité.

M. Alain Bocquet - Je n’accepte pas cela !

M. le Président - Vous pouvez ne pas l’accepter mais je suis maître du déroulement de la séance et j’applique le Règlement (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). M. Alain Bocquet - C’est inacceptable ! Intolérable !

M. Jacques Brunhes - Un rappel au Règlement doit porter sur le déroulement de la séance et tel était bien le cas de celui de M.Bocquet.

M. le Président - Non.

M. Jacques Brunhes - Si vous l’aviez laissé poursuivre, vous auriez vu que si ! Après l’arrestation de José Bové, le groupe communiste et républicain demande en effet à entendre, ici même, le Garde des Sceaux, qui actuellement s’explique devant les radios et télévisions...

M. le Président - Si vous souhaitez interpeller le Gouvernement, il y a des formes et des règles à respecter. Notre ordre du jour est consacré à l’examen du texte portant réforme des retraites, poursuivons donc la discussion.

M. Alain Bocquet - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Brard - Si on commence la semaine ainsi, Monsieur le Président, après deux semaines passées ensemble, qui ont finalement été assez conviviales, le taux d’adrénaline risque de monter et il se pourrait alors bien que nous n’avancions pas au rythme souhaité.

M. le Président - Ce n’est pas le problème. Je suis là pour appliquer le Règlement et faire respecter l’ordre du jour. Il y a d’autres moyens pour interpeller le Gouvernement sur des sujets d’actualité.

M. Jacques Brunhes - L’article 58, alinéa premier, dit que les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale. Notre demande a bien trait au déroulement de la séance puisque nous souhaitons entendre, dans le cadre de ladite séance, le Garde des Sceaux au sujet de l’arrestation de José Bové.

M. le Président - Ce sujet n’a rien à voir avec le déroulement de la séance. Si vous voulez qu’il soit inscrit à l’ordre du jour, adressez-vous au Président de l’Assemblée et demandez la convocation du Bureau (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise à 15 heures 15.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, touchant directement au débat sur les retraites. J’entends beaucoup de commentaires sur le fait que nous n’avançons pas vite, et l’on dit que le Président de la République et le Gouvernement auraient demandé au Président de l’Assemblée de nous bousculer un peu. Mais quand on veut bousculer le groupe communiste... M. Jean-Pierre Brard - Et Maxime Gremetz en particulier (Sourires).

M. Maxime Gremetz - ...on obtient le résultat opposé : on va encore plus lentement. Il y aurait en revanche, Monsieur le ministre, un moyen d’avancer. Malgré le tapage médiatique, le congrès d’un parti que vous connaissez bien, et les déclarations intempestives du type « on a gagné, les gens sont convaincus », vous avez certainement vu l’étude d’opinion parue dans La Croix. De 51 %, le soutien aux organisations syndicales est passé aujourd’hui à 56 %. Pour 61 % des Français, le soutien aux mouvements sociaux se renforce et il est très majoritaire pour 61 % d’entre eux dans le privé, 76 % dans le public. Si on veut vraiment avancer, si vous êtes des démocrates, je vous propose d’examiner immédiatement l’amendement du groupe communiste qui tend à consulter le peuple français par voie de référendum. Sinon, le Gouvernement prendra la responsabilité de retarder les débats, et de les retarder beaucoup.

M. Alain Bocquet - Voici la teneur d’une lettre que je viens d’adresser à M. le Président de l’Assemblée, en lui demandant de venir présider notre séance (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : « Dès l’ouverture de la séance de cet après-midi, j’ai demandé un rappel au Règlement. A peine avais-je prononcé deux mots, relatifs au grave événement qui a scandalisé hier toute la France, avec l’arrestation spectaculaire d’un syndicaliste agricole, José Bové, que M. Baroin, qui présidait la séance, m’a coupé net, d’une manière totalement discourtoise. Jamais, de ma vie de parlementaire, je n’ai connu un tel autoritarisme, et un tel manque de respect pour un député, a fortiori président de son groupe. Serait-ce que du côté de la majorité on perd son sang-froid face à la montée du mécontentement dans le pays, tant à propos du dossier des retraites que des libertés syndicales ? Dans ces conditions, je vous demande instamment, Monsieur le Président, de venir présider la séance. Et je souhaite que le Garde des Sceaux M. Perben, qui s’est répandu sur les ondes toute la journée d’hier, vienne s’expliquer devant la représentation nationale. » Tel était le sens de l’intervention qu’on m’a interdit de prononcer.

M. le Président - Mais cette conclusion cesse d’être vraie, puisque vous avez délivré votre message. Nous n’avons pas, Monsieur le président Bocquet, la même lecture du déroulement d’une séance. La parole est libre, mais il n’y a pas de liberté sans règle. Et comme président de groupe, il vous appartient aussi de respecter le Règlement, qui est notre bien commun. Le rôle de la présidence de séance est de le faire appliquer.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme des retraites. ART. 10 (suite)

M. Maxime Gremetz - L’article 10 repousse de 60 à 65 ans l’âge à partir duquel un salarié pourra voir rompre son contrat de travail sans que cela constitue un licenciement, si ce salarié remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Vous voulez que les salariés travaillent plus longtemps, créant ainsi les « emplois vieux », alors que les salariés sont en sous-activité avant cinquante-cinq ans : c’est un contresens ! Deux actifs sur trois sont déjà exclus du marché du travail avant même d’être en retraite. Vous allongez la durée de cotisation, conformément aux exigences du Medef, alors que dans le même temps le patronat exclut les seniors de l’emploi... Pour stopper cette hémorragie des plus âgés, il faut avant tout agir sur leurs conditions de travail, ainsi que sur les salaires et la formation. Dans la plupart des branches, il est inconcevable de maintenir en activité un salarié usé avant l’âge par la pénibilité de son travail. Nous proposons donc par l’amendement 4739 la suppression de l’article 10.

M. Jean-Pierre Brard - L’amendement 4741 a le même objet. Vous êtes un homme habile, Monsieur le ministre, et les médias apprécient non seulement votre stoïcisme, mais votre art de donner aux mots un sens que le Petit Robert n’avait pas prévu. Jusqu’à présent, un salarié qui a dépassé l’âge de 60 ans et qui remplit les conditions pour bénéficier du taux plein peut être mis à la retraite par son employeur sur ce simple motif. Avec l’article 10, vous donnez le sentiment que vous ôtez au chef d’entreprise ce pouvoir discrétionnaire. Mais le salarié qui fait un travail dur devra demander lui-même à faire valoir ses droits à la retraite, et sera ainsi privé des avantages qu’il aurait pu obtenir si l’employeur avait voulu se débarrasser de lui. En outre votre texte n’améliorera pas la situation des femmes, et c’est peu dire. Comme le rappelle la revue de l’association ATTAC, 39 % seulement des femmes retraitées ont pu faire valider une carrière complète, contre 85 % des hommes. Elles perçoivent 848 € mensuels en moyenne, contre 1461 pour eux. L’allongement de la durée de cotisation leur rendra plus difficile encore de constituer des droits complets à la retraite. En 1997, trois retraités sur dix percevaient une pension inférieure au minimum vieillesse. Parmi ces retraités pauvres, 83 % sont des femmes ! Nous demandons donc la suppression de cet article 10.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 4742 est identique. Cet article révèle une véritable faiblesse : il ignore les conditions d’emplois des salariés « âgés ». Il néglige le fait que, selon l’OCDE, la France a un des plus faibles taux d’emploi des 55-64 ans : 36 % contre 48 % en moyenne. La même étude montre que le manque de formation des chômeurs âgés fait obstacle au maintien dans l’emploi ou au retour à l’emploi de ces salariés. C’est le problème-clef. Nous sommes d’accord pour constater que nous aurons besoin dans le futur de plus de gens au travail, pour supporter le poids de retraités plus nombreux. Mais la solution proposée nous satisfait moins. On ne résoudra pas ce problème en maintenant coûte que coûte au travail des salariés de 55 ans et plus, jusqu’à 65 ans, au lieu d’offrir des perspectives d’emplois aux plus jeunes. Pour le résoudre, il faut changer les attitudes des entreprises, des salariés et des pouvoirs publics. Il faut mettre l’accent sur la formation des travailleurs peu qualifiés : sinon les suppressions d’emploi, comme les dispositifs de préretraites, ne déboucheront que sur le chômage. Aujourd’hui, la retraite à taux plein n’existe pas réellement dans le privé. Elle est soumise à négociation entre partenaires sociaux pour la retraite complémentaire, fixée à 65 ans. C’est ce qui permet le chantage du patronat : ou bien on allonge la durée de cotisation, ou il ne finance plus les retraites complémentaires de 60 à 65 ans... De plus, depuis 1983, il existe des abattements entre 60 et 65 ans si le salarié n’a pas toutes ses annuités. L’inscription dans la loi de la retraite à taux plein à 60 ans fera barrage à toute retraite à la carte, comme le propose le Medef. Pour garantir la retraite à 60 ans, le nombre d’années de cotisations exigées doit être réalisable - 37,5 annuités - et les périodes d’inactivité forcée validées.

M. Maxime Gremetz - Je défends l’amendement 4758, mais d’abord je vous livre mes sources. Les Echos : « Pouvoir d’achat des salaires : léger recul au premier trimestre ». La Tribune : « L’INSEE prévoit la destruction de 60 000 emplois en 2003 »... En dix ans, le niveau des retraites liquidées par le régime général a baissé, suivant les carrières, de 7 à 12 % ; le taux de remplacement moyen pour une carrière complète est tombé de 50 % à moins de 47 %. Votre projet aggravant encore cette dégradation, vous en appelez aux employeurs pour qu’ils permettent aux salariés de travailler jusqu’à 65 ans. Mais comment accepter que, pour avoir droit à une retraite convenable, il faille encore, à 65 ans, travailler derrière un camion poubelle, manier le marteau piqueur ou faire les trois huit ? Parce que chacun doit avoir droit à une retraite décente dès l’âge de 60 ans, nous demandons qu’il soit fait référence dans cet article non à l’âge prévu au 1° de l’article L351-8 - 65 ans - mais à l’âge prévu au premier alinéa de l’article L 351-1 - 60 ans.

M. Jacques Brunhes - Je défends l’amendement 4756. Aujourd’hui un employeur peut mettre fin au contrat de travail d’un salarié âgé de 60 ans sans que cette rupture soit considérée comme un licenciement. En repoussant cet âge à 65 ans, cet article aggravera le taux de chômage des plus de 50 ans. Que feront, en effet les entreprises lorsque leurs salariés « âgés » ne pourront plus assurer le même rythme qu’en début de carrière ? Elles les licencieront... Ce projet ne tient pas compte des aspirations des Français. D’après un sondage de la SOFRES, 67 % d’entre eux pensent que l’allongement de la durée de cotisation ne permettra pas d’éviter une hausse des cotisations. Et ils ne comprennent pas l’entêtement du Gouvernement, à vouloir retarder l’âge du départ à la retraite, alors que d’autres solutions existent.

M. Jean-Pierre Brard - L’amendement 4759 est identique aux deux précédents. L’article 10 a pour but affiché d’augmenter le taux d’activité des seniors. Mais c’est le plein emploi, avant 60 ans et à tous les âges, qu’il est nécessaire d’atteindre. Supprimer les préretraites n’est qu’un aspect du problème. Il faut donner la priorité à la politique de l’emploi, en permettant aux jeunes d’accéder à un emploi stable, et aux salariés âgés qui le désirent de continuer à exercer une activité professionnelle. J’ajoute que des salariés âgés de 60 ans qui n’ont pas cotisé pendant quarante annuités exercent des activités très dures et sont donc eux aussi usés et fatigués.

M. Maxime Gremetz - Je ne comprends pas M. Fillon quand il chante victoire, proclamant que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, la droite, sans reculer, va jusqu’au bout d’une grande réforme sociale. Dans votre esprit, vous avez gagné, et dès lors le Parlement ne sert plus à rien. Pourquoi ne décidez-vous pas d’en finir avec lui ? Pour la forme, sans doute. Mais vous n’avez pas gagné ou c’est une victoire à la Pyrrhus. Je vous ai rappelé l’enquête d’opinion de La Croix. Dans le pays, rien n’est terminé ! J’en viens à l’article 11. Un redressement du taux d’activité des plus âgés reste subordonné à l’évolution des dispositifs comme la préretraite ou la dispense de recherche d’activité ; mais cette évolution est loin d’être fixée. L’ampleur des dispositifs favorisant les retraites anticipées ne fait que refléter la dégradation du marché du travail, laquelle, selon l’INSEE, va encore se poursuivre. Tant que le taux de chômage demeurera élevé, la tentation de se séparer des salariés les plus âgés prévaudra, mais vous ne l’avez pas encore compris. Rompre avec vingt-cinq ans de pratique ne se fera pas sans mal. « Une véritable culture de la préretraite », déclare un chercheur, M. Quintreau, « s’est progressivement installée ». Pour de nombreux salariés, la préretraite apparaît comme une modalité normale de fin de carrière. Moins d’un retraité sur trois déclare qu’il aurait souhaité continuer à exercer son activité professionnelle un an de plus. Ce phénomène est d’autant plus répandu que les fins de carrière sont particulièrement risquées pour les salariés âgés. Seul un tiers des salariés passe directement de l’activité à la retraite, les autres transitent par le chômage ou la préretraite. Au sein des entreprises, la discrimination reste forte à l’encontre de salariés âgés, davantage perçus comme une main-d’_uvre sclérosée que comme une force de travail riche de son expérience et de son savoir-faire. Selon une enquête de la DARES, la moitié des chefs d’entreprise n’envisage pas d’engager des salariés âgés, même en cas de pénurie de main-d’_uvre. La discrimination à l’encontre de ces salariés est plus forte qu’envers les jeunes sans qualification ou les chômeurs de longue durée, du fait de leur coût. Un tiers des chefs d’entreprise estime que le vieillissement du personnel conduirait à une augmentation des coûts salariaux, tandis qu’un sur cinq soulignait la grande résistance au changement et aux évolutions technologiques. Les salariés âgés de 50 et 64 ans avaient ainsi, en 1999, un taux d’accès à la formation continue près de deux fois plus faible que les salariés plus jeunes. Moins formés, les salariés âgés deviennent moins productifs. Rendre le dispositif de préretraite moins attrayant, c’est nier toutes ces données sociologiques. Votre aveuglement nous inquiète.

M. Jean-Pierre Brard - Avec cet article, vous instituez une contribution spécifique affectée au fonds de réserve pour les retraites, assise sur les allocations de préretraite. Fait rare, cette contribution sera à la charge du patronat ; sans doute n’avez-vous pas pu faire autrement, puisque jusqu’à présent, vous faisiez confiance à l’engagement spontané de M. Seillière. En effet, le patronat a pour habitude de dégraisser les effectifs en licenciant les plus âgés. C’est devenu, ces dernières années, notamment dans les plans sociaux, une composante banale de la gestion des ressources dites humaines. C’est vrai, cette mesure est souvent bien accueillie par les salariés, car elle leur permet de cesser une activité professionnelle souvent pénible, stressante et mal rétribuée. Nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur le travail et la manière dont il est vécu. Vous invoquez à tout propos la réhabilitation de la valeur travail, prétendument vidée de son sens par la gauche qui aurait accordé trop d’avancées sociales et découragé les bonnes volontés. Paul Reynaud tenait déjà ce discours après le Front populaire. Les incantations sont éloignées de la réalité du travail salarié d’aujourd’hui, qui devient pénible et aliénant à un point tel qu’une loi a dû traiter du harcèlement moral sur le lieu de travail. Les enquêtes d’opinion montrent le détachement croissant des salariés, y compris des cadres, face à des entreprises dont ils savent qu’elles les licencieront sans état d’âme au moindre froncement de sourcil de leurs actionnaires, inquiets de la baisse de leurs dividendes. Cette situation n’est pas viable, et pourtant les atteintes au droit du travail et aux droits des salariés se répètent, sans parler de l’annulation de nombreuses dispositions de la loi de modernisation sociale par l’actuelle majorité. C’est vrai, il ne s’agirait que d’une suspension, dans le langage, non du Petit Robert, mais du Petit Fillon. Si vous avez une aussi grande longévité que le Petit Robert, c’est un véritable filon !

Mme Muriel Marland-Militello - Oh !

M. Jean-Pierre Brard - Vous n’avez aucun humour, Madame !

Monsieur le ministre, interrogez-vous sur les moyens d’améliorer les conditions de travail dans les entreprises. Respectés et reconnus, les salariés auront envie de travailler plus longtemps. Pour toutes ces raisons, notre amendement 4766 tend à supprimer l’article.

M. Alain Bocquet - Monsieur Pandraud, convenez-en : les députés de la majorité ne vouent pas une grande passion à ce débat. Nous sommes 12 députés de gauche, et vous êtes 12 de l’UMP.

M. Denis Jacquat - De qualité !

M. Alain Bocquet - En pourcentage, de 11 %, vous êtes tombés à 3,5 % de taux de présence ! Comment comprendre l’absence de la majorité, alors que, selon le bon vouloir du Premier ministre, ce débat doit durer tout l’été ! Il est trop facile d’user d’artifices de procédures pour empêcher le débat ! Je demande une demi-heure de suspension de séance pour permettre aux députés de la majorité de venir en masse soutenir le Gouvernement.

M. Jacques Brunhes - L’article 11 rend le recours aux dispositifs de préretraite moins attrayant, en assujettissant les allocations de préretraite d’entreprise à une contribution spécifique affectée au fonds de réserve pour les retraites. Ces allocations constituent aujourd’hui un régime social très avantageux. Elles recouvrent quatre situations distinctes. La préretraite progressive concerne les salariés âgés de 55 à 65 ans qui acceptent de réduire leur temps de travail. L’entreprise s’engage à embaucher ou à éviter des licenciements économiques et elle finance l’indemnité du salarié avec le fonds national pour l’emploi. La préretraite FNE s’adresse aux salariés d’au moins 57 ans. L’allocation est financée par l’Etat et par l’entreprise, et, le cas échéant, par le préretraité lui-même. La préretraite d’entreprise, qui concerne les salariés de moins de 65 ans, procède d’un accord conclu librement au sein de l’entreprise. L’entreprise verse soit une indemnité de départ, soit une allocation pour une durée déterminée. Enfin, la préretraite contre embauche, ou allocation de remplacement pour l’emploi, s’adresse aux salariés d’au moins 58 ans qui remplissent certains critères. L’allocation correspond à 65 % du salaire brut, mais l’entreprise doit compenser chaque départ par une embauche. Rendre les dispositifs de préretraite moins attrayants, c’est remettre en cause la transition entre l’activité et la retraite, et surtout oublier que les préretraites répondent à la fois aux besoins des salariés et à ceux des politiques de l’emploi.

M. Jean-Pierre Brard - L’avis du Gouvernement est lapidaire et mériterait d’être détaillé. Tout le monde est d’accord quant à l’utilité du COR et du fonds de réserve. Mais quid de son financement ? Vous dites, Monsieur le ministre, avoir trouvé une solution qui préserverait les salariés en limitant les préretraites. Si nous étions en période de plein emploi, cela mériterait réflexion. Mais, le chômage augmentant, les préretraites sont plus avantageuses que les licenciements. La disposition que vous prenez, Monsieur le ministre, certes, taxe dans une certaine mesure les employeurs qui ont recours aux préretraites, mais elle nuira surtout aux salariés, qui, en fin de compte, seront sèchement licenciés. Vous nous dites que le fonds de réserve ne permettrait en 2040 que de financer une fois et demie le déficit annuel des retraites, tout en reconnaissant sagement qu’il est bien difficile de faire des projections quarante ans à l’avance - rappelons-nous qu’Alfred Sauvy prévoyait après guerre une population française de 40 millions d’habitants, au lieu des 60 millions que nous sommes actuellement. En disant cela, vous oubliez deux choses : premièrement, que les richesses vont augmenter d’ici là, deuxièmement, que la natalité française est excellente...

M. Pierre Lellouche - N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard - Mais si ! La descendance finale atteint 2,18 enfants par femme, ce qui nous place juste après l’Irlande. Et si l’on développait davantage les équipements pour la petite enfance, ce taux pourrait atteindre 2,35 ou 2,40. Je sais bien, Monsieur Lellouche, que ces données bousculent le discours que vous avez l’habitude de tenir afin de faire passer la réforme, mais la reprise de la natalité est bien réelle. Admettez donc que, comme l’on dit dans ma Normandie natale, qui n’est pas loin de la Sarthe de M. Fillon, vous racontez des « menteries ».

M. Alain Bocquet - Notre amendement 4767 tend à supprimer le I de cet article. Peu d’entreprises françaises s’attachent en effet à gérer leur pyramide des âges en anticipant suffisamment, et quand elles le font, leur démarche consiste surtout à avancer le départ de leurs salariés les plus âgés. Elles n’adoptent qu’exceptionnellement des mesures destinées à maintenir dans leur emploi des salariés en fin de carrière. Au demeurant, les salariés ne sont pas tous considérés comme âgés au même moment de leur carrière et la perception du vieillissement est vraiment affaire d’opinion. La question est donc complexe et l’on ne saurait décourager a priori le recours aux préretraites d’entreprise.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l’amendement 4773. Mais surtout j’attends avec intérêt la réponse du Gouvernement à ma question : que compte-t-il faire pour protéger les salariés âgés qui n’auront pas le nombre d’annuités nécessaires mais dont les entreprises voudront se débarrasser en recourant non à la préretraite mais au licenciement ?

M. le Rapporteur - Considérant que l’article 11 est un article majeur, la commission a repoussé ces amendements qui visent à en supprimer le premier paragraphe et qui ne sont que des amendements de repli aux amendements de suppression que nous venons d’examiner.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire - Même avis.

M. Maxime Gremetz - M. Fillon a tout à l’heure affirmé que la France avait le taux d’imposition du capital le plus élevé d’Europe. En regrettant qu’il soit parti, je me permets de lui citer les chiffres d’Eurostat : en 2001, la charge fiscale globale, c’est-à-dire le montant brut de l’impôt et des cotisations sociales, représentait 41,1 % du PIB dans l’Union européenne, en baisse par rapport à 1999, où il était de 41,8 %, et à peu près stable par rapport à 1995 où il s’élevait à 40,8 %. En 2001, c’est la Suède qui avait le ratio recettes fiscales - PIB le plus élevé, avec 54,1 % - suivie du Danemark à 49,8 %, puis de la Finlande et de la Belgique à 46 % chacune... Je ne comprends pas que dans un débat de cette importance, on utilise des arguments fallacieux, en prétendant comme M. Fillon, que la France est le pays qui impose le plus les revenus du capital ! Je tenais à rétablir la vérité sur ce point.

M. Jean-Pierre Brard - Après le trophée Pinocchio, j’hésitais, pour M. Fillon, entre Merlin l’enchanteur et Gargamel... Mais c’est bien le second qui convient, si l’on regarde les conséquences de vos mesures : les salariés seront pénalisés. Pour eux, le licenciement et la préretraite, c’est très différent. Vous ne nous avez pas expliqué comment un salarié licencié entre 50 et 65 ans retrouvera du travail, et votre silence est un aveu. Sous prétexte de protéger les salariés contre une retraite anticipée, vous allez pousser à les licencier, et leur revenu comme le taux de remplacement auquel ils pourront prétendre diminuera encore davantage.

M. Maxime Gremetz - Je défends l’amendement 4786, qui vise à supprimer le III du I. Les préretraites d’entreprise représentent plus du tiers des départs anticipés dans les établissements de plus de 500 salariés. Les entreprises préfèrent cette formule aux préretraites aidées par l’Etat car elle leur permet, d’une part, d’élargir la cessation anticipée d’activité à d’autres tranches d’âge que celles concernées par les dispositifs publics, d’autre part, d’afficher une politique sociale propre à l’établissement. Une bonne moitié des établissements conservent les « préretraités maison » dans leurs effectifs, alors que les systèmes de préretraite publics entraînent la rupture du contrat de travail. Cette souplesse rend possible le rappel de ces anciens salariés en cas de circonstances exceptionnelles. La préretraite d’entreprise est donc un dispositif à la fois souple et utile aux salariés, qu’il convient de maintenir.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l’amendement 4787. Cette discussion devrait être l’occasion de dialoguer, mais le ministre n’est pas très disert... Sans doute se réserve-t-il pour la séance de nuit. Monsieur le ministre, vous avez prétendu que le licenciement était plus favorable pour les salariés que la préretraite, sous prétexte que pour licencier, il fallait avoir un motif. L’expérience montre que telle n’est pas la réalité... Par ailleurs, M. Lellouche, qui n’a fait qu’un petit passage dans l’hémicycle - il est vrai qu’il doit rentrer chez lui, pour le dîner, à dos de tortue ! - a contesté le fait que la « descendance finale » se situe actuellement à 2,18 enfants par femme (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le ministre, vous n’avez toujours pas répondu à mes questions. Le Parlement est une tribune, un lieu où se fait entendre la voix du peuple. Répondez au moins pour démentir mon affirmation !

M. Maxime Gremetz - L’amendement 4793 vise à supprimer le IV du I de cet article. Quelle est donc la culture de la préretraite dans notre pays ? Les départs anticipés sont souvent perçus comme un facteur de solidarité entre les générations et comme un outil efficace pour rétablir l’équilibre de la pyramide des âges dans certains établissements. D’où leur développement. Selon l’IFOP - mes références à moi sont sérieuses ! -, les trois quarts des Français sont d’accord avec l’idée d’une réduction progressive du temps de travail pendant les dernières années de la vie professionnelle. 95 % approuvent que des salariés ayant exercé des métiers pénibles puissent partir plus tôt à la retraite. Or, ces dernières années, compte tenu du vieillissement accéléré de la population active et des recommandations européennes sur la nécessité d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs âgés, les entrées dans les dispositifs publics de préretraite ont été restreintes. Les départs progressifs sont souvent présentés comme une piste pour maintenir les salariés âgés au travail tout en tenant compte de l’aménagement des fins de carrière. Leur développement a néanmoins été contrarié par le maintien de divers dispositifs de cessation anticipée totale d’activité. Depuis le début de 2002, toutefois, les entrées en préretraite progressive sont en nette augmentation. Ce regain est dû aux restrictions apportées aux entrées ASFNE et à l’intérêt convergent des salariés et des entreprises pour les cessations anticipées d’activité. Votre raisonnement nie cette culture de la préretraite. La suppression qu’amorce votre projet débouchera sur le chômage des salariés les plus âgés et n’améliorera en rien la situation du régime des retraites par répartition. Je demande sur cet amendement un scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Il devrait répondre à mes interrogations. Nous l’avons démontré : il est faux que, pour le salarié, le licenciement soit préférable à la préretraite. Un salarié licencié entre 60 et 65 ans aura bien du mal en effet à retrouver un travail. Qui le réembauchera ? Reconnaissez donc, Monsieur le ministre, que votre proposition est mauvaise pour les salariés et qu’elle a seulement pour but de réduire la dépense publique, les préretraites coûtant plus cher que les licenciements. Demain, les salariés, qui auraient pu auparavant bénéficier de préretraites, seront victimes de licenciements secs. Votre refus de répondre à ce sujet vaut un aveu.

M. Maxime Gremetz - La gestion des départs fait l’objet de peu de débats au sein des établissements. Parmi ceux qui ont utilisé des dispositifs de préretraite au cours de l’année 2000, il n’y en a qu’un tiers à avoir engagé sur le sujet un processus de consultation des institutions représentatives du personnel, seulement un cinquième à avoir négocié, et encore moins à avoir signé un accord. Il est vrai qu’hors situation conflictuelle engendrée par plan social, la mise en place de préretraites ne suscite pas de conflit entre les représentants du personnel et les employeurs. Ce consensus existe également au niveau national dans le cadre de la commission permanente du Conseil supérieur de l’emploi, au sein de laquelle les conventions de préretraites publiques rencontrent la plupart du temps l’approbation des représentants des salariés et des employeurs. Les chefs d’entreprise sont sans doute peu enclins à engager un processus formel de négociation sur un sujet dont ils savent qu’il ne provoquera pas de réticence de la part de leurs salariés. La préretraite étant plutôt favorable au climat social au sein des entreprises, il faut maintenir ce dispositif. Tel est le sens de nos amendements 4795 à 4801, pour lesquels je demande un scrutin public.

Annexe 2 20 juin Soirée

Mme Jacqueline Fraysse - L’amendement 4802 vise à supprimer le III de cet article. On peut s’interroger sur l’idée que se font les chefs d’entreprises sur la capacité des salariés âgés à s’adapter aux nouvelles technologies. Pour trois décideurs sur cinq, le vieillissement apparaît comme un inconvénient bien supérieur à l’avantage que l’on peut tirer de l’employabilité. Plus les effectifs sont âgés, plus on appréhende les effets du vieillissement sur les coûts salariaux. On mesure donc combien il est difficile pour les seniors de se maintenir sur le marché du travail.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 4805 est identique. Les bouleversements technologiques de la dernière décennie ont marqué les esprits. Pour deux responsables sur trois, le premier inconvénient du vieillissement de la main d’_uvre tient à la difficulté d’introduire les nouvelles technologies, en raison de l’obsolescence de la qualification. Il s’agit donc ici davantage du vieillissement du capital humain que du vieillissement biologique. Mais il s’agit surtout d’une appréhension face à l’inconnu puisque le pessimisme est moins fort quand l’entreprise a récemment connu une innovation importante. Dans certains secteurs, comme la construction et l’administration les entrepreneurs sont même optimistes. Tel n’est pas le cas dans l’industrie automobile et dans celle des biens de consommation. Vous semblez nier les difficultés des salariés âgés à se maintenir sur le marché du travail. C’est ce qui nous inquiète.

Mme Jacqueline Fraysse - Les dispositions de l’article 12 sont inacceptables et dangereuses. Dans tous les pays industrialisés, il est de plus en plus rare d’être actif après 55 ans. C’est particulièrement le cas en France. Près de 70 % des Français âgés de 60 à 64 ans étaient actifs en 1970. Tombée à 35 % en 1983, cette proportion s’est établie à 17 % depuis une dizaine d’années. Pour les hommes âgés de 55 à 59 ans, le pourcentage est passé de 83 % à 68 % en trente ans. La tendance, pour les femmes, est moins accentuée. Le développement des systèmes de retraite explique pour une part cette réduction des taux d’activité aux âges élevés. La montée du chômage depuis trente ans dans de nombreux pays industriels a également contribué à l’amplifier, notamment pour les salariés âgés, touchés plus encore que les autres par la dégradation du marché du travail. Depuis la fin des années 1970, nombreux sont ceux qui ont cessé de travailler bien avant d’avoir liquidé leurs droits à la retraite. Ces départs anticipés ont été favorisés par des dispositifs assurant un revenu de remplacement jusqu’à l’âge de la retraite. C’est ainsi qu’en France le nombre de travailleurs de plus de 55 ans en préretraite ou dispensés de recherche d’emploi variait entre 460 000 et 500 000 au cours des années 1990. Dans tous les pays industriels, la vie active est fortement centrée sur les âges de 25 à 50 ans. Plusieurs facteurs y contribuent. D’une part, les gains de productivité et la généralisation des systèmes de retraite ont permis une réduction globale de la durée du travail sur le cycle de vie. D’autre part, le progrès technique a favorisé la concentration de l’activité, en induisant d’une part, un allongement de la période de formation au début du cycle de vie, d’autre part, la sortie précoce d’activité de salariés âgés, réputés moins capables de s’adapter aux changements technologiques. Depuis le début des années 1970, le déclin de l’activité des salariés âgés s’est nettement accéléré, particulièrement en France. Ces données générales permettent de mesurer les implications néfastes de cet article. Votre raisonnement est totalement détaché de ce contexte et plus proche de la situation sociale du XIXe siècle que de notre société et de ses aspirations (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Frédéric Dutoit - Notre amendement 4811 tend à supprimer cet article. Dès 1963, la création du Fonds national de l’emploi entendait répondre à la reconversion de l’industrie sidérurgique et aux restructurations massives des industries lourdes souffrant d’excédents de main-d’_uvre, en instaurant les premières préretraites. On me permettra d’avoir ici une pensée pour les travailleurs de Fos-sur-Mer. A partir du milieu des années 1970, face à la crise et au chômage, ces dispositifs ont été généralisés, avec la création de l’allocation spéciale préretraite FNE. Le nombre total de bénéficiaires d’une cessation anticipée d’activité s’est fortement accru à partir de 1977 pour culminer à 700 000 en 1984, contre 44 000 en 1973. A partir de 1985, une lente décrue s’amorce, consécutive à l’abaissement de l’âge légal de la retraite en 1983. Au cours de la décennie 1990, le nombre des bénéficiaires d’une cessation anticipée d’activité se stabilise autour de 460 000 à 500 000 personnes. La dispense de recherche d’emploi devient désormais le dispositif public prédominant, regroupant 60 % des bénéficiaires. Les dispositifs de cessation anticipée d’emploi rencontraient, au moins jusque dans les années 1990, l’adhésion de l’ensemble des acteurs sociaux. Les entreprises y voyaient souvent le moyen de restructurer les modes de production, d’alléger la masse salariale et de rajeunir la pyramide des âges, à un coût relativement faible grâce à un financement public important. Les salariés y voyaient un moyen de quitter la vie active à des conditions financièrement convenables, et de se prémunir contre les risques de fin de carrière, après une vie professionnelle commencée souvent tôt et dans des conditions parfois pénibles. Quant à l’Etat, il a longtemps considéré ces dispositifs comme un moyen de lutte contre le chômage, jusqu’à ce que leurs coûts et les incertitudes pesant sur le financement des systèmes de retraite ne le conduisent, au début des années 1990, à réviser sa position. La création en 1995 de l’allocation de remplacement pour l’emploi, qui relevait encore explicitement d’une logique « préretraite contre embauches », montre cependant que la tentation reste grande d’exclure de l’activité les salariés âgés les plus vulnérables, lorsque le taux de chômage reste élevé. Or, ce taux reste élevé, et cette corrélation va persister. Alors pourquoi remettre en cause l’efficacité des dispositifs de préretraite ? Tel est le sens de notre amendement.

M. Maxime Gremetz - Vous avez dit tout à l’heure, Monsieur le ministre, que la France avait le taux d’imposition du capital le plus élevé d’Europe. J’ai ici les chiffres d’Eurostat : en 2001, la charge fiscale globale, c’est-à-dire le montant brut de l’impôt et des cotisations sociales, représentait 41,1 % du PIB dans l’Union européenne, en baisse par rapport à 1999, où il était de 41,8 %, et à peu près stable par rapport à 1995 où il s’élevait à 40,8 %. En 2001, c’est la Suède qui avait le ratio recettes fiscales - PIB le plus élevé, avec 54,1 % - suivie du Danemark à 49,8 %, puis de la Finlande et de la Belgique à 46 % chacune... Puis vient l’Autriche, et ensuite seulement la France ! Alors, moi, je veux bien qu’on débatte, mais nous sommes réduits à soliloquer : le Gouvernement, le rapporteur ne répondent plus. Le Premier ministre a pourtant dit qu’il fallait débattre, il est prêt à passer l’été à expliquer, sur le terrain, le bien-fondé de la réforme - et vous, vous ne répondez même pas aux parlementaires ! Nous défendons les amendements, mais à la limite cela ne sert à rien, si on ne nous répond pas. Je vous donne des chiffres : contestez-les s’il y a lieu. Sinon c’est trop facile ! L’amendement 4814 a pour objet de supprimer l’article 12 qui tend à limiter les exonérations de charges sociales aux CATS bénéficiant aux salariés âgés. Comme si l’on pouvait les opposer aux autres ! Et tout cela pour supprimer une bonne mesure, qui permettrait d’aller progressivement vers la retraite. Vous ne cessez de dire que ceux qui veulent travailler plus doivent pouvoir le faire. Mais ceux qui veulent travailler moins ne le pourront plus. C’est une mesure exécrable, dont nous proposons la suppression. Sur ces amendements nous demandons un scrutin public.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 4819 vise à supprimer le I de cet article. L’élévation générale de la qualification peut se traduire par une augmentation des taux d’activité des salariés âgés, du fait d’une entrée plus tardive dans la vie active. Ces effets resteront cependant limités dans les vingt prochaines années d’après les enquêtes consultées. La proportion des personnes titulaires d’un diplôme au moins équivalent au bac est certes nettement plus élevée dans les jeunes générations, puisqu’elle est de 30,9 % parmi les travailleurs âgés de 40 à 50 ans, contre 26,5 % pour les actifs âgés de 50 à 60 ans et 16,6 % pour ceux de 60 à 70 ans, en mars 2000. Cependant, seuls les titulaires des diplômes les plus élevés - au moins bac + 2 - se distinguent par des taux d’activité nettement supérieurs à la moyenne au-delà de 55 ans. Or, la proportion de tels diplômes reste encore faible, même dans les jeunes générations. Cela dit, on peut supposer que les taux d’activité des plus de 55 ans pourraient légèrement augmenter dans les vingt prochaines années. L’augmentation serait surtout sensible, bien que limitée, pour les femmes, du fait de l’élévation de leur qualification. Vos prévisions sont bien trop optimistes ! Et ce n’est pas votre politique de formation initiale et continue qui infléchira cette tendance au retrait du marché du travail des salariés les plus âgés et les moins diplômés.

M. Frédéric Dutoit - Ces amendements visent à supprimer le IV de cet article. Selon le Bureau international du travail, la population inactive regroupe toutes les personnes qui n’ont pas d’emploi et ne sont pas au chômage. Pour certains, le souhait de ne plus retravailler est lié à la proximité de l’âge de la retraite. D’autres sont passés par une période de recherche d’emploi, mais se sont découragés ou ont jugé insatisfaisantes les conditions d’embauche qu’on leur proposait. Ils ont également pu être dispensés de recherche par l’ANPE - en mars 2002, 370 000 chômeurs se sont trouvés dans ce cas. Entre 1975 et 2002, l’inactivité masculine - hors retraite et études - a surtout progressé chez les plus de 50 ans. Ce qui devrait vous interpeller, c’est que les anciens ouvriers sont sur-représentés parmi ceux qui ont quitté leur dernier emploi pour raisons de santé. Pour beaucoup, ces problèmes de santé sont les conséquences de l’exercice de leur métier. Et quelle que soit la cause desdits problèmes, toutes les personnes concernées sont dans l’incapacité de poursuivre une activité professionnelle souvent exigeante physiquement. Vous prétendez avoir introduit la pénibilité dans votre projet de réforme, Monsieur le ministre, mais vous l’avez fait d’une façon qui ne peut ni nous satisfaire, ni nous rassurer.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous proposons de supprimer le dispositif de l’article qui tend à favoriser l’activité des salariés âgés en rendant moins attractif le recours aux préretraites. Il convient en effet de maintenir ce dispositif. En 1999, 70 500 personnes ont adhéré à un dispositif de préretraite et l’UNEDIC dénombrait 202 600 allocataires indemnisés au titre de l’ASFNE, de la préretraite progressive ou de l’ARPE. Le nombre de nouveaux bénéficiaires de préretraites a diminué de 7,8 % en raison de la forte baisse des entrées dans les dispositifs publics, les entrées en ARPE ayant elles-mêmes peu augmenté. Créée en 1995, l’ARPE demeure le dispositif de préretraite le plus souvent mis en _uvre. Elle représentait en 1999 42 % des préretraités. De plus, les salariés âgés de 55 à 59 ans ont été un peu plus touchés par le chômage qu’en 1998 : 71 300 d’entre eux sont entrés en chômage indemnisé. Les mesures récentes prises en faveur des chômeurs âgés concernent près de 110 000 allocataires. C’est dire combien le maintien sur le marché du travail après 55 ans est difficile, ce qui justifie notre amendement.