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Repression des mouvements sociaux
Solidarité avec Ahmed Meguini
30 août 2002
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" Je ne suis pas un criminel, juste un militant " , la député communiste Muguette Jacquaint a rencontré pendant deux heures Ahmed Meguini. Le jeune militant, qui a été condamné lourdement au terme dâun procès approximatif, purge sa peine en isolement. Il continue de clamer son innocence mais ne compte pas faire appel. " Je ne ferai pas appel. Câest inutile. Dans le meilleur des cas ils ne reviendront pas sur la peine, au pire ils lâaggraveront. Je nâai pas lââme dâun martyr ", lâche Ahmed Meguini. Câest un jeune homme brun, mince, presque fluet, qui a pris place dans le parloir de la maison dâarrêt de Strasbourg. Assise face à lui, la députée communiste Muguette Jacquaint lâécoute et prend des notes. En deux heures de rencontre elle va noircir des pages et des pages. En isolement depuis un mois, Ahmed a des choses à dire, à hurler. Muguette Jacquaint est la première personne " de lâextérieur " quâil rencontre mis à part " lâavocat et une fois une aumônier ". Quand il débouche du long couloir qui mène au parloir, et que son regard se pose pour la première fois sur la députée, câest de lâincrédulité que Muguette Jacquaint lit dans ses yeux. " Lâisolé ", comme lâappelle le personnel pénitentiaire nâétait pas au courant quâil recevait cette visite. " On ne mâa rien expliqué, on mâa juste dit que jâavais un parloir, alors quâil nây en a jamais le ", raconte-t-il. Pourtant, la députée a bien failli ne jamais rentrer dans la prison. · 11 heures alors quâelle sâapprête à embarquer sur le vol Paris-Strasbourg, son téléphone portable sonne. Au bout du fil, la directrice adjointe de la prison lui demande de se présenter avec une autorisation du parquet. Un document inutile puisque la loi fait obligation à lâAdministration pénitentiaire de fournir un parloir à un député qui demande à rencontrer un détenu. Et, il faudra lâintervention de la présidente du groupe communiste au Sénat, Nicole Borvo, auprès du ministère de lâIntérieur pour débloquer la situation. Une visite qui fait du bien à Ahmed. Il supporte mal lâisolement. " Je suis enfermé et seul 22 heures sur 24. Je suis seul pendant la promenade quotidienne dans une cour de cinq mètres sur trois. Pour discuter avec dâautres détenus, je dois me mettre à la grille. " Un démenti cinglant au vice-procureur de la République de Strasbourg, qui affirmait dernier : " Ahmed Meguini est détenu seul dans sa cellule mais rencontre les autres prisonniers durant la journée. " En réalité, durant la journée, Ahmed reste seul. " Je lis mon courrier, jâécris, je regarde un peu la télé. Avant, je recevais Libération, ce nâest plus le cas mais lâadministration continue à me le facturer. Sûrement une erreur ", dit-il en souriant. Ahmed ne jette pas la pierre aux personnels de la prison. " Je suis traité avec beaucoup dâhumanité, ce sont juste les conditions qui sont difficiles. Mais surtout je ne comprends pas pourquoi je suis en isolement. On me dit que câest à cause de mes idées, mais ils ne connaissent pas mes idées. Il paraît que je suis pour la fermeture des prisons. En réalité je ne mâétais jamais posé la question ", explique-t-il. Depuis quâil est incarcéré, Ahmed est sous traitement médical, antidépresseurs et anxiolytiques. En un mois il a perdu près de 8 kg. Quand elle le regarde, Muguette Jacquaint a du mal à sâimaginer que le jeune homme ait pu agresser et briser le poignet dâun capitaine de police lors dâune manifestation. Ahmed nie dâailleurs farouchement. " Je paie pour lâexemple, estime-t-il. Au tribunal on nâa tenu aucun compte des témoins qui affirmaient que je ne les avais pas quittés de toute la manif. On les a traités comme des menteurs. On nâa pas tenu compte des contradictions des policiers. Alors, lorsquâon mâa ramené en cellule pour attendre le verdict, je savais que jâallais être condamné. " Câest pour cela quâil ne veut pas faire appel. " Aujourdâhui, ce qui mâimporte, câest de sortir. Avec la préventive que jâai déjà effectuée, il me reste quarante jours, peut-être moins si jâobtiens la conditionnelle. Alors, même si je suis innocent, je ne vais pas prendre le risque de lutter contre la machine judiciaire. Jâai déjà perdu une fois, je ne veux pas que cela se reproduise. " Pour lâinstant, Ahmed tient le coup. " Les lettres que je reçois mâaident énormément. Des lettres bouleversantes dâémotion et dâamour. Je suis en isolement mais grâce à ces lettres, je rencontre des gens. Jâai rencontré Frédérique, Judith et bien dâautres. Des gens sans visages mais de vraies rencontres. Mes amis mâécrivent presque régulièrement ou mâenvoient des mandats pour que je puisse acheter du sucre, des cigarettes, des produits qui améliorent le quotidien dâun prisonnier. Quand jâétais dehors, jâétais solidaire des victimes dâinjustices, aujourdâhui je vis cette solidarité et jâai le sentiment de recevoir plus que je nâai jamais donné. " Même en prison, Ahmed reste un militant généreux. Grâce aux moments de discussion volés lors des promenades il a rencontré Tayeb le sans-papiers. " Il ne veut pas être expulsé pour lâAlgérie, au point que la dernière fois, il a avalé des lames de rasoir. Et, de lui, personne nâa jamais entendu parler. Lui aussi a besoin de solidarité. Il faut lui écrire. " Ahmed se prend la tête entre les mains pour réfléchir. " Il sâappelle Tayeb Belkey, numéro dâécrou 23 350, cellule A 124. Si vous pouvez faire connaître son cas ", dit-il à la députée bouleversée. Ahmed est inquiet aussi pour les dix-sept militants qui passent en jugement ce jour-là pour avoir occupé une annexe du ministère de la Justice à Strasbourg. Il a appris lâaffaire grâce à un codétenu qui lui a fait passer des coupures de presse par la " gamelle ". Les dix-sept demandaient la fin de lâisolement pour Ahmed, ils sont accusés de séquestration. La disproportion le révolte. " Mais pour qui essaie-t-on de faire passer les militants. Pour des terroristes ? Pourquoi ne pas dire carrément "prise dâotage pour exiger la libération dâAhmed Meguini" tant quâils y sont ? Je ne suis pas un criminel, les dix-sept sont des gens inoffensifs et tout le monde le sait. Envoyer le GIPN câest pour faire dans le spectaculaire. Câest typiquement dans la politique de Nicolas Sarkozy. " Et de raconter : " Lorsque les policiers mâont fait sortir du tribunal, jâai cru que jâétais Ben Laden en personne. Ils mâont menotté, jeté dans une 607, devant nous quatre motards ouvraient la route et une autre voiture de police fermait le cortège. · croire que je suis lâennemi public numéro 1. Je ne suis pas un criminel, juste un militant. " Avec Muguette Jacquaint, ils évoquent le cas de José Bové et dâAlain Hebert et cette " criminalisation de lâaction militante ". La députée lui montre lâHumanité du 23 août où il est à la une sous le titre " enfermé pour lâexemple ". Il découvre avec émotion le message dâAlain Hebert qui affirme sa solidarité et souhaite entrer en contact avec lui pour développer le combat pour " la défense des liberté politiques et syndicales ". " Je suis complètement dâaccord avec lui et moi aussi je lui fais part de ma solidarité. Nous avons des combats à mener ensemble. Òtre militant, câest être citoyen, câest agir pour le droit de cité. Aujourdâhui le pouvoir veut faire un amalgame militant-terroriste alors quâon devrait valoriser lâaspect militant-citoyen. Mais quand on se bat démocratiquement pour contester le capitalisme et pour avancer des alternatives, on pose des problèmes. La criminalisation du militantisme nâest pas un hasard, câest une volonté politique, estime-t-il. Je nâai jamais partagé la vision de ceux qui manifestent masqués. Les cagoules ont une connotation lié au banditisme et à la violence. En porter, câest entrer dans le jeu de ceux qui veulent criminaliser les militants. " Avant de partir, Muguette Jacquaint lui demande sâil veut faire passer un message. Les yeux dâAhmed sâemplissent de larmes : " Je nâai pas encore osé écrire à ma mère. Je ne sais pas comment lui dire que je suis en prison. Pour lâinstant elle est en vacances au Maroc. Peut-être quâelle lira le journal. " Alors, sur un bout de papier il griffonne rapidement quelques mots quâil confie à la députée. Dans le couloir qui le ramène vers sa cellule, " lâisolé " se retourne, comme pour profiter encore un peu de " lâextérieur ", et il lance à la députée : " Ta visite mâa fait du bien. " Pour écrire à Ahmed : Ahmed Meguini, maison dâarrêt de Strasbourg, numéro dâécrou 25 375 g, cellule A 126, 6, rue Engelmann, 67200 Strasbourg. |
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