Retour au sommaire
[logo]
Actualités
[logo]
Déclarations
[logo]
Dossiers
[logo]
Jeunes communistes



Henri Malberg sur Radio Résonnance
25 novembre 2002




Henri Malberg s'exprimant au micro de Résonance 96.9" dans l’émission"Les râleurs causent dans le Poste !" programmée le , de 19H15 à 20 heures.

L’insécurité :faut-il mettre ça en exergue, ou ailleurs ? ou nulle part ?

« J'ai envie de parler de Bové, d'abord, vous me permettez ? Voilà une belle réflexion à avoir : hier soir un bateau a sombré avec 76.000 tonnes de pétrole ! Ça empoisonne des bouts de mers, ça va enlever du travail à des milliers de gens, ça porte tort à la vie même de provinces entières. Eh bien, l'armateur n'ira sans doute pas en prison… Par contre, Bové - avec les méthodes qu'il pense bonnes - qui s'est attaqué à la question des organismes génétiquement modifiés, va aller en prison. Eh bien voyez, il n'y a pas de justice. Moi, je serais pour que l'armateur aille en prison, et que José Bové n'y aille pas. »

Le parti Communiste Français a voté contre les lois Sarko. Comment résumer l'opinion générale des communistes vis-à-vis de ces lois ?

« Nous avons évidemment voté contre la loi Sarko, avec ses mesures. Nous nous sommes opposés, depuis que la Droite est revenue au pouvoir, à tout ce qui était en train de se mettre en place concernant la répression… - la répression de qui ? des pauvres gens ! Parce que, au fond, l'abbé Pierre a raison : il faut faire la guerre à la pauvreté et ne pas faire la guerre aux pauvres. Donc, nous nous sommes opposés [à cette loi]. Ce que fait Sarko est très dangereux : il joue avec le feu. Parce que, si on veut réprimer des délits, il y a tout dans la loi française, pour réprimer… Réprimer quoi ? pour réprimer les crimes, évidemment ; pour réprimer les délits, réprimer la mauvaise conduite des gens. Donc, ce que fait Sarkosi avec ce gouvernement, c'est pointer du doigt des catégories de "gens dangereux" - je mets des guillemets. Hors, si on désigne comme dangereux : les gens du voyage, les mendiants, les prostituées, les jeunes, vous vous rendez compte de l'ambiance que ça crée ? Et qu'est ce que ça veut dire, au fond ? Ça veut dire « Vous voyez ! Le danger est là ! » Alors que la danger n'est pas là. Le danger est dans la pauvreté qui se développe, le danger est dans les injustices, le danger est dans le fait qu'une partie de la jeunesse, soyons francs, n'a pas d'avenir. Parce que, petit à petit, l'école ne parvient pas à rattraper des inégalités issues des familles - ce qui s'est fait pendant une période : ma génération arrivait à travers l'école à se refaire un peu de la vie des pauvres. Ce n'est plus le cas. C'est à dire qu'on est en train de pointer du doigt, on montre du doigt les pauvres, on montre du doigt des délits qui existent, qui méritent que la justice passe. Mais, pendant ce temps-là, on cache les vrais problème de notre société. Voilà pourquoi nous sommes contre la loi Sarkosi. »

L'insécurité, ça existe malgré tout. C'est une exigence de milieus populaires dans certains quartiers. Les grandes envolées sur la pauvreté, ça ne règle pas les problèmes immédiats. Que répondre ?

« Oui, bien sûr : il faut vivre en sécurité. A nous, les communistes, on nous dit parfois que nous sommes angéliques, que nous sommes trop gentils, que nous avons toujours une explication à tout. Non. Il faut que la Loi soit appliquée, il faut que les gens qui la transgressent soient punis. Il faut mettre d'ailleurs des moyens humains, y compris des moyens de prévention - il faut beaucoup investir là-dedans. Il faut aussi qu'il y ait assez de magistrats. Évidemment, que les gens réclament la sécurité, c'est normal ! Mais ce qui est terrible dans la politique du gouvernement, ce n'est pas qu'il s'attaquerait à l'insécurité (tout gouvernement doit le faire), c'est qu'il en train de faire de l'insécurité le cœur de tout ! Et du coup, derrière, tout passe : un ministre dit que la santé gratuite, c'est fini ; les privatisations, à l'autre bout… Voilà où est la question. Au gens qui me diraient : « Oui mais chez moi il y a des choses qui ne vont pas ! », je répondrais : oui, il y a des choses qui ne vont pas, eh bien, il faut qu'elles aillent ! La police doit faire son travail, les magistrats doivent faire leur travail. Il y a une justice de la jeunesse, elle doit faire son travail. Il le faut, ça ! mais on ne peut pas tirer toute la société dans ce sens là, parce que c'est une chaîne sans fin. Il y a des jeunes - puisqu'il s'agit de ça - qui ne sont pas intégrés à la vie, qui font des choses qu'il ne faut pas supporter, bien sûr, mais on ne peut pas dire que le centre de la vie de la société, c'est ça ! Dire ça, c'est insupportable. »

Le malaise n'est-il pas plus profond que la situation inconfortable provenant d'incivilités ou de faits de délinquance ?

« Vous voyez bien qu'il y a un problème très profond de société : est-ce qu'on peut accepter une situation où, en France, quelques centaines de quartiers avec des centaines de milliers d'habitants soient littéralement relégués, parce que petit à petit des gens s'en vont, d'autres prennent peur. Ces véritables ghettos de la pauvreté (parce que il s'agit bien de ghettos de la pauvreté - et d'isolement) sont insupportables. Il faut bien quand même qu'avec ces personnes, on trouve une issue pour qu'ils vivent normalement, pour que leur maison soit en bon état, pour qu'on examine, pour une série de jeunes, quelles sont les possibilités de se réinsérer dans la vie et le travail. On ne peut quand même pas créer plusieurs France qui seraient dressées les unes contre les autres ? ! C'est insupportable ! Où on va ? Et qu'est ce qu'on réglera comme ça ? »

Avec la loi Sarko, on dispose de pouvoirs accrus pour la police… mais est-ce le rôle de la police de régenter, seule, des problèmes dont l'origine est sociale ?

« Je sais que les milieux syndicaux de la Police - tous les milieux syndicaux de la Police - se préoccupent. Parce que, évidemment, ils doivent faire leur travail, ils doivent en avoir les moyens, mais la société ne peut pas dire à une partie d'elle-même : « Sur toi, repose l'ordre et tout l'avenir ». La société ne peut pas se défiler et remettre, en somme, aux policiers, aux flics (comme disent parfois les jeunes), le soin d'être les metteurs en ordre de la société. La société se dégage sur eux de ses devoirs, de ses responsabilités. Évidemment, je pense qu'il y a des policiers qui se posent ces questions. Sarkosi a dit : « Je veux la France en bleu… Je veux voir du bleu partout… ». Moi, je voudrais bien en voir partout… des logements confortables ! des enseignants qui ont les moyens de faire leur boulot ! des animateurs de clubs ! des gens qui offrent du travail ! Voilà ce que j'ai envie de voir ! et pas seulement « du bleu ». Il faut aussi « du bleu », mais à sa place. »

Un coup de couteau contre le maire de Paris, une tuerie dans un conseil municipal, une jeune fille brûlée vive à l'essence… Une société française qui voit grandir en elle une violence qu'on croyait réservée aux Etats-Unis… C'est sans espoir ?

« Quand je regarde la société comme elle va… sa violence, son inhumanité, l'exaltation de la réussite individuelle… et puis, il y a ce qu'on montre du doigt : quand je vois Bush parler de l'Empire du Mal, quand je commence à entendre parler des blancs contre l'Islam (c'est comme ça que ça se dit…), des deux cultures qui s'affrontent… je trouve que tout ça c'est très inquiétant. Alors, est-ce qu'il y a assez de ressources dans les peuples, dans leur cultures ? dans leurs croyances, dans leur idéaux ?… - je mets dans la croyance aussi bien les musulmans que les bouddhistes, que les juifs, que les réformés, que les chrétiens, et dans les idéaux, je mets le communisme, et d'autres… Est-ce qu'il y a assez de ressources dans les peuples - et je pense au peuple français - pour faire tourner dans l'autre sens cette sorte d'engrenage qui met les rapports de force au milieu de tout, qui exalte l'individu contre les autres ? Le communiste que je suis continue de penser que oui ! C'est à dire que je pense au fond de moi-même que les humains ont la ressource de construire un autre monde. Seulement évidemment, il y a des moments où il faut être courageux, il ne faut pas laisser le pire prendre le dessus, il faut savoir défendre des idéaux. Lorsque des gens disent « Mais vous y croyez encore au monde meilleur ? ! », he bien, il faut qu'il y ait des gens comme moi, et peut-être comme vous, qui disent « Oui ! » Les gens ne sont pas condamnés à la souffrance, à la guerre, à la haine, non. Évidemment, les individus, ce sont les individus : on ne va pas faire un monde aligné avec des petits anges qui portent des fleurs dans les mains, ça, c'est ridicule, et ça ne mène pas loin, d'ailleurs (la vie l'a prouvé). Mais croire qu'il y a dans l'Homme des ressources suffisantes pour créer un monde un peu plus fraternel, ça, j'y crois ! »