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EN DIRECT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE À PARTIR DU 10 JUIN
Débat parlementaire sur les Retraites

11 juin 2003

par PCF Bourges

Les médias se sont largement faits l’écho des différentes péripéties du début de ce débat parlementaire. Par conséquent je n’y reviens pas, mais tout cela a retardé le début des discussions et modifié les ordres du jour prévu.

Le débat sur l’exception d’irrecevabilité (s’appuyant sur l’inconstitutionnalité de la loi) présentée par le groupe socialiste s’est poursuivi et celle-ci a été mise au vote. Vous trouverez ci-dessous l’explication de vote du groupe communiste et républicain présentée par Maxime Gremetz (annexe 1).

Est ensuite venue en débat la question préalable défendue par Alain Bocquet, Président du Groupe communiste et républicain. Vous trouverez cette intervention intégrale ci-dessous ainsi que les premières réponses du Ministre Fillon (annexe 2). A la suite, l’intervention de Maxime Gremetz au nom du groupe communiste et républicain (annexe 3).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats ». Vous trouverez aussi, ci-dessous l’ordre du jour de la journée du 12 juin (annexe 4).

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1

M. Maxime Gremetz - Nous voterons cette exception d’irrecevabilité défendue par le groupe socialiste (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce n’est pas un scoop ! Nous souhaitons dans le même temps que nos collègues soutiennent la demande de référendum que nous avons formulée. Face à la droite et à ce projet néfaste, il faut en effet dire non, comme le font d’ailleurs des millions de Français. M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Ce n’est pas vrai.

M. Maxime Gremetz - D’après les sondages (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), 66 % de nos concitoyens jugent ce projet mauvais et soutiennent ceux qui sont descendus hier, descendent aujourd’hui et descendront demain dans la rue pour repousser votre réforme de régression sociale et imposer d’autres choix. Nous ne nous laisserons pas détourner par vos man_uvres, qui consistent à utiliser n’importe quel prétexte pour parler d’autre chose que des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour notre part, nous entendons bien parler au cours de ce débat des retraites, en particulier de la réforme que nous proposons. La réforme des retraites doit être négociée. Or, contrairement à ce que vous prétendez, vous n’avez pas négocié (« Si ! sur les bancs du groupe UMP) et refusez de prendre en compte toute proposition des syndicats, des formations politiques autres que la vôtre ou des associations. En réalité, vous ne voulez rien toucher à un projet qui n’est que celui du Medef ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Votre réforme est profondément injuste. Comment le contester quand son coût est supporté à 91 % par les salariés et que rien n’est demandé aux entreprises ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Nous avons tout le temps de débattre, dites-vous. Mais vous avez une bien curieuse conception du débat ! Pour vous, c’est le couperet ! Voici (M. Gremetz brandit une liasse d’amendements) cent amendements de fond déposés par le groupe communiste... Plusieurs députés UMP - Les six mille autres, c’est quoi alors ? M. Maxime Gremetz - ...sur les quatre premiers articles du texte, tous déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Lorsque la commission des finances aura terminé d’examiner nos 6 500 amendements, que restera-t-il, dans ces conditions, de nos propositions ?

Plusieurs députés UMP - Rien !

M. Maxime Gremetz - En réalité, vous souhaitez empêcher le débat sur de véritables propositions alternatives car, contrairement à ce que vous prétendez, il en existe. Simplement, cela vous gênerait de les examiner. Si vous étiez vraiment attachés au débat démocratique, nos amendements visant à maintenir le niveau des pensions, à ne pas allonger la durée de cotisation, à mettre à contribution les revenus financiers et ceux du capital devraient pouvoir venir en discussion, de façon à débattre projet contre projet. J’espère, Monsieur Fillon, que vous demanderez que l’on passe outre l’article 40 (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Monsieur Gremetz, une fois n’est pas coutume, vous n’avez pas épuisé votre temps de parole ! Je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur l’exception d’irrecevabilité.

Annexe 2

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Alain Bocquet - Il y a une alternative, Monsieur le Premier ministre, à votre projet de réforme du système des retraites, mais vous entendez le maintenir contre vents et marées, au mépris des aspirations de nos concitoyens, et des exigences d’un mouvement social que soutiennent deux Français sur trois. Que les pressions ultra-libérales doivent être fortes, pour que le Gouvernement se tienne ainsi arc-bouté sur un projet dont le pays ne veut pas ! Au-delà de la perversité de vos dispositions autoritaires, ce qui vous irrite et radicalise votre discours, c’est précisément le fait qu’une autre réflexion s’élabore, que d’autres propositions surgissent, et soient débattues. C’est que de nouvelles sources de financement soient opposées aux mensonges du Medef et à vos mesures. C’est que grandisse l’exigence de coupler financement des retraites et politique de l’emploi et de la formation, alors que la récession, le chômage, l’exclusion, la précarité accroissent leur pression depuis des mois, en se nourrissant de vos orientations politiques et de vos coupes budgétaires. Nos concitoyens affichent leur volonté de s’emparer de ce dossier qui les concerne tous, car il est indissociable de leur avenir, comme de l’identité sociale de la France. Très loin du souci du ministre des affaires sociales de ne surtout pas « puiser dans les plus-values des entreprises et les échanges boursiers », c’est bien d’un choix de société qu’il s’agit et les Français ont leur mot à dire. Aussi notre première exigence sera-t-elle d’ouvrir d’urgence ce débat national pour que la confrontation de projets puisse s’exprimer pleinement. C’est malheureusement incompatible avec votre tentative de faire passer en force dans cette assemblée - après avoir rejeté notre demande de constitution d’une commission spéciale - des orientations qui exigent d’être largement débattues avec la population française. Dans ce contexte, l’attitude du Gouvernement confirme son incapacité à retenir le message délivré par le scrutin présidentiel du 21 avril 2002. Vous ignorez les déceptions, les attentes et les colères de nos concitoyens face à une société foncièrement injuste, au manque de citoyenneté, à l’insolence de la richesse et des profits. Les dossiers de l’éducation nationale et de la décentralisation, celui des retraites et les mouvements contre la recrudescence des plans sociaux témoignent de l’existence d’une lame de fond, nourrie des effets de la mal-vie et de l’exigence de choix démocratiques. Ainsi, « le temps de l’action » est bien là. Mais ce sont des Françaises et des Français inquiets et mécontents d’être voués à travailler plus longtemps, cotiser plus fortement pour vieillir plus pauvres, qui entendent en régler la marche. Il est encore temps, Monsieur le Premier ministre, d’écouter et d’entendre l’aspiration du monde du travail à une vraie réforme porteuse de progrès social et d’efficacité économique. A cet égard, nous comptons beaucoup sur la complémentarité entre cette expression forte du mouvement social et la détermination de notre action. Les rapports de forces dans le pays, en faveur d’un autre projet de réforme des retraites, moderne, social, progressiste, doivent peser sur le rapport de forces au Parlement.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Alain Bocquet - Vous avez avancé beaucoup d’arguments et dépensé beaucoup d’argent public en communication de masse, pour tenter de prouver l’urgence et la nécessité de votre projet. Comme si des mesures qui engagent les cinquante ans à venir ne pouvaient souffrir d’être différées de quelques mois ! Comme s’il suffisait d’un peu de « lobbying » ministériel et d’une forte dose de médiatisation partisane pour régler, contre leur gré et si possible, à leur insu, le sort de soixante millions de Français ! On comprend mieux votre empressement à confisquer le débat, à le passer au rouleau compresseur de votre majorité parlementaire pour en finir à la hussarde. Tout cela n’a plus rien à voir avec l’élaboration démocratique des véritables mesures économiques et sociales dont notre pays a besoin. Août 1993 avait favorisé le projet de M. Balladur contre les retraites des salariés du privé. La volonté de mettre à profit l’été 2003 pour parachever le mauvais coup que vous préparez, en dit long sur la continuité de vos méthodes et objectifs et sur la rupture avec une histoire sociale marquée globalement par le progrès. Les attaques les plus récentes - en 1993 et 1996 - témoignent de la volonté du Medef, avec le soutien des forces que vous représentez, de revenir sur cet acquis du monde du travail qu’est notre système de retraites, conquête essentielle à l’égal des congés payés, des salaires minimum garantis, de l’encadrement du temps de travail ou de la couverture maladie. En liant le travail à la retraite, les actifs aux retraités, les jeunes aux personnes âgées, le système par répartition transcende les générations et maintient le lien entre les différentes périodes de la vie. Fondé sur cette solidarité des âges et des individus, et sur un financement par prélèvement direct sur les richesses, il offre encore aujourd’hui les meilleures garanties de protection sociale. Il y a un peu plus d’un demi-siècle, la France libérée du fascisme s’attelait à la reconstruction tout en se dotant d’une remarquable ambition : s’affranchir de l’insécurité sociale. La sécurité sociale allait voir le jour, sous l’autorité d’un gouvernement au sein duquel un ministre communiste, Ambroise Croizat, assuma la responsabilité de cette tâche. L’aspiration au temps libre après une vie de travail, telle qu’avaient pu permettre de la faire éclore les décisions du Front populaire, resurgissait. Tirant les leçons de la faillite financière d’avant guerre, avec les assurances privées, rentes ouvrières et paysannes que les efforts actuels pour introduire une capitalisation et une épargne-retraite reprennent en dangereux écho, Ambroise Croizat et les gouvernants de 1946 s’inspirèrent du modèle par répartition, en vigueur depuis 1853 pour les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises. La répartition s’apparenta très vite à une assurance tous risques, car seule la faillite improbable de toute l’économie pouvait la mettre à bas. L’actualité récente, avec Enron ou Vivendi, a montré qu’une retraite tributaire de la bourse peut signer la ruine de ses cotisants. Il faut sans plus attendre, et avec les intéressés eux-mêmes, réformer la réforme pour, par exemple, conforter la capacité de notre système actuel à ajouter à la solidarité des générations la solidarité des individus et celle des métiers. Celle des individus parce que chacun doit être assuré d’acquérir des droits à la retraite tout au long de sa vie de salarié, même lorsqu’il ne peut plus cotiser. Celle des professions ensuite, puisque tous les régimes de retraite sont reliés entre eux par une compensation démographique qui permet que ceux qui disposent proportionnellement du plus d’actifs cotisants et du moins de retraites à servir reversent une part de leurs cotisations aux régimes confrontés à la situation inverse. La répartition couvre désormais toute la population active, salariés ou non, y compris les cadres. Les professions indépendantes, les commerçants et les artisans s’y sont ralliés. Le premier coup d’arrêt de 1993 entacha de façon indélébile ces pages exceptionnelles de notre histoire sociale. Faut-il qu’il soit relayé par les dispositions que le Gouvernement s’efforce d’appliquer, dispositions qui ne conduiront qu’à fragiliser nos régimes de retraite alors que le système par répartition a non seulement les moyens d’absorber les évolutions démographiques, mais également ceux de s’attaquer aux inégalités qui se sont creusées entre ses bénéficiaires ? Notre système de retraites a besoin d’élargir le régime des droits et d’assurer leur financement par de nouvelles ressources. Ni l’une ni l’autre de ces priorités ne figure au nombre de vos orientations. Comment dès lors accréditer l’idée qu’elles seront en mesure de répondre aux aspirations populaires ?

M. Baroin remplace M. Debré au fauteuil présidentiel. PRÉSIDENCE de M. François BAROIN vice-président

M. Alain Bocquet - Il faut revenir devant les Français. La démarche que j’évoque se situe à l’opposé de celle que vous dicte le Medef : maintenir le système actuel a minima ; ouvrir l’espace social à une irruption et à une montée en charge de systèmes alternatifs individualisés indexés sur des placements boursiers ; faire progresser les cotisations sociales ainsi que le note le journal La Tribune : « Le Gouvernement peine à l’avouer. Son projet de réforme comporte un risque de hausse importante des cotisations sociales à hauteur de 11 milliards d’euros, pour financer pas moins des deux-tiers de son plan pour les salariés du privé, à l’horizon 2020 » (M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles s’exclame). Le patronat ne cache d’ailleurs pas son projet de faire coup double : en renvoyant les risques sur les salariés et en captant sur les places boursières les capitaux énormes investis dans l’épargne retraite.

M. André Chassaigne - Ce sont les marchands du Temple !

M. Alain Bocquet - L’affaire n’est pas sans risques, les exemples ne manquent pas. « L’épargne salariale est pénalisée par la bourse, titrait récemment le journal Le Monde, qui ajoute : « Confrontés à la chute des marchés financiers, nombre de salariés-épargnants ont vu la valeur de leurs avoirs fondre au cours des derniers mois. Les fonds communs de placements d’entreprise investis en actions ont chuté de près de 30 % pour la seule année 2002. » Pour au moins un salarié sur trois engagé dans ces dispositifs, la nécessité de se constituer un complément de retraite est citée comme la première motivation de cet investissement captif. Or une étude récente a établi que les fonds de pension d’entreprises fragilisent leurs bilans et que les sociétés des pays où existe un système de retraite par répartition sont favorisées. La revue Encadrement magazine observe que la mise en place d’une retraite capitalisée conduirait inévitablement à des prélèvements supplémentaires. Les fonds de pension britanniques ont mis en place un système à prestation définie, c’est-à-dire que les risques boursiers sont supportés par les entreprises ou les compagnies d’assurances. Mais la situation boursière s’étant dégradée, les compagnies d’assurances et les entreprises disent « pouce », et opèrent un transfert vers des fonds à cotisations définies reportant ainsi le risque boursier sur les salariés. » En Angleterre, un retraité sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Des papys de soixante-dix ans sont obligés de prendre n’importe quel petit boulot pour compléter leur minimum vieillesse et essayer de survivre. Après avoir supprimé les emplois jeunes, vous devrez instaurer les emplois vieux.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. le Ministre - Mais nous faisons justement l’inverse !

M. Alain Bocquet - Faut-il rappeler qu’en annonçant l’allongement de la durée du « plan partenarial d’épargne salariale volontaire », votre gouvernement réintroduit les fonds de pension, avec l’objectif d’en faire un complément de retraite appelé, qui sait, à devenir un jour la retraite elle-même ?

M. le Rapporteur - Non ! Ça, c’est Fabius !

M. Alain Bocquet - Votre projet ne vise donc pas à sauvegarder le système par répartition mais tend à son éclatement.

M. le Rapporteur - C’est pas possible !

M. Alain Bocquet - Vous devez y renoncer, afin que les priorités puissent être redéfinies avec les Français. La rentabilité ne peut être le critère ultime de l’action d’un gouvernement.

M. le Rapporteur - C’est de la vitrification !

M. Alain Bocquet - Le Premier ministre écrit dans la lettre qu’il a adressée le 7 mai dernier à nos concitoyens : « En 1960, quatre actifs finançaient la pension d’un retraité. En 2000, ils n’étaient plus que deux ; en 2020, chaque actif devra subvenir aux besoins d’un retraité. Cela signifie que si nous ne faisons rien aujourd’hui, dans moins de 20 ans, nos pensions seront réduites de moitié ».

M. le Rapporteur - C’est la vérité.

M. Alain Bocquet - C’est un raisonnement en trompe-l’_il dont le débat national improvisé dans la rue et dans les entreprises n’a pas manqué de relever les faiblesses. Si la logique économique est celle que la propagande ministérielle martèle depuis des mois, comment expliquer qu’entre 1960 et 2000, période pendant laquelle le rapport entre actifs et retraités a été divisé par deux, le montant des retraites ait pu augmenter sans conduire le pays à la ruine ?

M. Michel Vaxès - Très bien !

M. Alain Bocquet - La France a franchi l’obstacle. Pourquoi vouloir tout bouleverser ? La part de la population retraitée condamnée à vivre en dessous du seuil de pauvreté, est passée de 30 % dans les années 1970 à moins de 5 %. Allez-vous remettre en cause cette évolution et le progrès de civilisation que cela constitue ? Je vous demande de déprogrammer la paupérisation qu’organise votre dispositif sur les retraites. La Confédération française des retraités, dans le numéro d’avril 2003 de « Actualités-retraites », a démontré le tour de passe-passe auquel se livrent Gouvernement et Medef : « En quarante ans, de 1960 à 2000, le ratio entre les actifs et les retraités a été divisé par 2,59. Dans les quarante ans à venir, selon les prévisions du plan Charpin, il doit être divisé par 1,27. L’effort à faire est donc deux fois moindre que ce qui a été déjà fait sans drame majeur ». Il en va de même pour la part des retraites dans le produit intérieur brut. « En quarante ans, le pourcentage du PIB consacré à l’ensemble des retraites a doublé, de 5,4 % à 12,6 % ; en dépit d’une baisse dans la dernière décennie, le niveau de vie global des retraités s’est amélioré. Dans les quarante ans à venir, ce pourcentage doit, selon les dernières prévisions du COR, passer à 16 % ». Si tout s’est passé sans drame majeur, c’est parce que, grâce à la productivité, la richesse nationale a augmenté entre 1970 et 2000, passant de 121 milliards d’euros à 1 416 milliards, soit près de douze fois plus. Or, toutes les prévisions annoncent une augmentation de ce PIB pour 2040 ; le rapport Charpin l’a même estimé à 2 800 milliards environ. Il n’y a donc aucune raison pour que la situation à venir soit plus difficile à gérer que celle du passé. C’est une question de volonté politique ». La notion-clé de « productivité » est absente des propos que vous avez tenus le 3 juin dernier, Monsieur le ministre, devant la commission de l’Assemblée nationale. Le mot lui-même n’apparaît pas dans les vingt-cinq pages de votre intervention. C’est dire l’écart qui sépare aujourd’hui l’exigence de préservation des profits, de la prise en compte des besoins. Les évolutions démographiques, personne ne les conteste. Elles constituent le premier élément qui justifie une réforme du système des retraites. Mais une réforme qui soit une consolidation et un progrès, pas un appauvrissement individuel et collectif. La seconde contrainte liée à la démographie découle de l’allongement de l’espérance de vie. Contrairement au patronat, qui n’y voit qu’un danger, une charge et un coût financier, nous y voyons un progrès de civilisation. En 2050, la France devrait compter trois millions d’actifs en moins et 10 millions de retraités en plus. Je l’ai dit, ces constats ne sont contestés par personne. Contrairement à ce qu’on tente de faire croire, il n’y a pas d’un côté une minorité consciente et réaliste, et de l’autre côté, une France mal informée ou revancharde, droite dans ses acquis comme d’autres dans leurs bottes et fermée à toute évolution. C’est une caricature qui ne vise qu’à pervertir le débat. Je doute qu’elle suffise à décourager le mouvement social en cours. Au moment où les gouvernements s’attachent à traduire en actes les engagements libéraux du sommet de Barcelone, cela ne marche pas mieux chez nos voisins. L’Europe sociale par le bas n’y fait pas recette. Le citoyen européen, on l’a vu en Autriche, n’est pas prêt à se laisser tondre la laine sur le dos. Evidemment, vous vous efforcez d’inscrire cette dimension européenne dans votre argumentaire, et prétextez que nous sommes les derniers de la classe. Mais d’une part, si j’en juge par les statistiques qu’ont popularisées les médias, l’âge effectif de départ en retraite est en Europe inférieur à 60 ans. Il est de 58,2 ans en France. Nous sommes loin des 63 ou 64 ans que vous promettez aux Français. D’ailleurs, on ne gouverne pas par mimétisme. Cela me conduit tout naturellement au deuxième enjeu de fond : celui du financement. La part des personnes retraitées dans la population devant grandir inéluctablement, n’est-il pas juste d’envisager, comme le réclament nos concitoyens, de lui consacrer un pourcentage accru de la richesse nationale ? Nous répondons oui et nous ne sommes pas les seuls (M. Gremetz approuve). La réponse du Medef est connue : pas un sou de plus pour les retraites. On retrouve dans votre dispositif ce diktat du baron Seillière. « Beaucoup d’interlocuteurs, déclariez-vous le 27 février, sont tentés par le recours à l’élargissement de l’assiette du financement : profits financiers des entreprises, valeur ajoutée, cotisations sur la consommation... » Toutefois, selon vous, la « solution du prélèvement » devait être reléguée au « dernier rang » ! Et voici quelques semaines, répondant à mon interpellation, vous enfonciez le clou en déclarant que taxer les bénéfices non réinvestis serait tout bonnement « irresponsable ». Le patron du Medef n’a pas craint de déclarer qu’il « n’y a pas de raison que des Français soient plus avantagés que d’autres ». Parlait-il de Jean-Marie Meissier, qui en six mois passés à la tête de Vivendi Universal, a gagné 5,6 millions d’euros ? Pensait-il à son successeur, Jean-René Fourtou, qui s’est attribué un salaire fixe d’un million d’euros et dont le bonus sera de 150 à 200 % ? En comparaison, Patrick Le Lay touche un salaire de misère avec 1,5 million d’euros et son grand patron Martin Bouygues s’est contenté sagement de 1,8 million d’euros. Mais M. Seillière ne visait pas les 39 patrons qui gagnent ensemble 7,4 millions d’euros, soit 554 fois le SMIC. C’étaient les salariés du secteur public qu’il dénonçait ! Vous le rejoignez sur ce point, quand vous dites ne pas savoir pourquoi les fonctionnaires seraient « exonérés des efforts demandés à tous les Français ». Mais cela ne vous empêche pas de défendre fermement l’exception boursière, l’actionnariat et le profit des entreprises, parce que, dites-vous, « il serait irresponsable d’alourdir la barque » et que « la France est déjà fort mal placée dans le domaine des prélèvements obligatoires ». C’est une argumentation très contestable. Le mouvement syndical n’a pas manqué de rappeler que les entreprises françaises ne croulent pas sous les cotisations sociales. Globalement, les cotisations des employeurs ont baissé de 40 milliards d’euros en quinze ans, alors que celles des salariés ne cessaient d’augmenter. La France est par exemple aujourd’hui, suivant les estimations, au sixième ou septième rang européen pour le coût de la main-d’_uvre dans l’industrie. Mais ces cotisations sont mal réparties. Une de nos propositions est précisément d’en réformer le calcul. C’est toujours la même antienne : on nous dit que le profit et l’allégement d’aujourd’hui seront l’investissement de demain. On renvoie l’emploi à plus tard, alors que la France flirte avec les trois millions de chômeurs. En trente ans d’allégements des charges et d’accroissement des profits boursiers, on a vu s’aggraver le chômage, l’exclusion et la précarité. Il est temps d’en finir avec l’hypocrisie. Il y a dix ans, les allégements de cotisations patronales représentaient moins d’un milliard d’euros. En 2002, ils représentent 21 milliards d’euros, et n’ont servi pour l’essentiel qu’à tirer vers le bas qualifications et salaires, au détriment de l’activité économique et du financement des retraites. Tout le discours gouvernemental et patronal ne vise, au nom d’une « croissance à préserver » dont nos concitoyens sont systématiquement spoliés, qu’à faire oublier que la base de financement des retraites doit demeurer l’entreprise. Dans leurs contre-propositions, les organisations syndicales n’avaient pas manqué d’aborder, dans son principe, le problème du financement, préconisant de droits nouveaux. Il n’est pas étonnant que vous ayez choisi d’écourter l’audience ! En proposant de donner la priorité aux politiques de l’emploi, pour mettre un terme à l’exclusion par l’âge, elles rappelaient la nécessité de relever le taux d’activité. C’est le plus sûr moyen d’assurer, via les cotisations sociales, les ressources des régimes de retraites. Les jeunes ne trouvent pas de travail, alors que les plus de 50 ans en sont chassés. Plus d’emplois, c’est plus de cotisants et plus de consommation. Trois millions de chômeurs, ce sont trois millions de cotisants en puissance, c’est-à-dire plus de demande, plus d’activité et plus de richesse. Plus de richesse, ce devrait être plus d’investissements... C’est là que le bât blesse, avec l’expansion des placements boursiers. En méconnaissant délibérément la nécessité d’associer la réforme des retraites à une politique de soutien à la création d’emplois et à l’investissement productif, vous choisissez de faire reposer sur les seuls salariés le poids des mesures mises en _uvres. Le financement de votre projet épargne en effet les entreprises. C’est un fait calculé par les syndicats : 91 % des efforts à fournir seront exigés des salariés, et pèseront sur leurs seules épaules, alors que votre Gouvernement allège l’impôt de solidarité sur la fortune. Sur les 90 milliards d’euros qu’il faudrait dégager pour équilibrer les régimes à l’horizon 2020, le monde du travail devra donc fournir l’essentiel, supportant la baisse des pensions, l’allongement de la durée réelle d’activité et les redéploiements des cotisations. Ce n’est acceptable ni pour nos concitoyens ni pour l’économie nationale dont l’essor repose d’abord sur la consommation des ménages. Dans sa Lettre aux Français, le Premier ministre écrit : « Je me suis engagé à vous dire la vérité : la solution, c’est un effort partagé ». Les salariés constatent que, pas plus que celle d’une vraie concertation, cette promesse ne sera pas tenue. Ainsi se trouvent rapidement fixées les limites de « l’équité », donnée comme une des grandes orientations de votre démarche. Je rappelle à ce sujet vos propos, Monsieur le ministre : « La deuxième orientation de cette réforme est celle de l’équité et de la justice sociale ». Rien n’est plus faux. Le mouvement social, qui redoute une « course au toujours moins » pour les salariés, sait de quoi il parle. L’égalité public-privé que vous mettez en avant est en fait un alignement sans gloire sur la situation dégradée des salariés du secteur privé. Présenter les fonctionnaires comme des privilégiés et réclamer l’alignement de leurs régimes de retraite sur celui des salariés du privé relève d’une belle hypocrisie. L’équité entre le public et le privé, oui, mais à 37,5 annuités !

M. Yves Bur - Voilà les conservateurs !

M. Jean-Pierre Brard - Provocateur ! « Unterbrecher » !

M. Alain Bocquet - Le vrai scandale réside dans cette réforme de 1993, jamais abolie, y compris sous la gauche malgré nos demandes. Réforme qui programmait l’appauvrissement des retraites du régime général et qui visait ensuite, après un matraquage de l’opinion sur les prétendus avantages des régimes publics, à démanteler ces derniers. Le passage de 37,5 à 40 annuités va frapper directement les salariés des générations 1943-1947, dont 20 % au moins, d’après le conseil d’orientation des retraites, seront contraints de retarder leur départ en retraite pour pouvoir la toucher à taux plein. Il en ira de même pour 44 % des salariés des générations des années 1970-1974. Autant dire : un sur deux ! La réforme Balladur a aussi modifié le mode de calcul du montant des pensions, en prenant comme référence les 25 - et non plus les 10 - meilleures années et en indexant les pensions sur les prix. L’impact fut énorme. Il le demeure, et selon le conseil d’orientation des retraites, le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le dernier salaire et la pension, pourrait « perdre une douzaine de points, de 1994 à 2010 ». La réforme de 1996 sur les retraites complémentaires vint aggraver ces difficultés. Et le cumul des deux signifie déjà pour un salarié cotisant à l’ARRCO, que son taux de remplacement passera de 84 % en 2000 à 71 % en 2020 et 67 % en 2040 ; tandis que pour un cadre cotisant à l’AGIRC, ce taux régressera de 75 % en 2000 à 62 % en 2020 et 58 % en 2040. C’est vers une régression du même type que vous entendez conduire les régimes de retraites du secteur public, aidé en cela par des campagnes réactionnaires et mensongères, largement orchestrées par le Medef. Votre projet, Monsieur le ministre, repose sur un allongement sans précédent de la durée d’activité. Mais il faut savoir que la durée moyenne validée est aujourd’hui d’environ 35 ans dans le secteur privé, où l’on s’insère plus tôt, et de 32,5 dans la fonction publique. Que penser alors de votre déclaration selon laquelle « le droit de liquider sa retraite à 60 ans est confirmé » ? Dans les conditions que vous prévoyez, ce droit n’est plus qu’une coquille vide. D’ailleurs dans vos propres rangs cette éventualité est envisagée avec scepticisme. En témoigne une enquête des Échos indiquant que « les entreprises ne sont pas prêtes à faire travailler les salariés âgés plus longtemps » et rappelant la culture d’exclusion et de discrimination qui reste trop souvent celle de l’entreprise à l’égard de ses salariés les plus âgés. La même enquête montre que « les entreprises accélèrent le recours aux préretraites, avant la réforme Fillon ». Quel gâchis humain ! Quelle absence de respect pour ces catégories de salariés ! Seuls 82 % des hommes et 52 % des femmes arrivant à la retraite ont le plein de leurs droits. Que reste-t-il alors de cette « nouvelle liberté » que vous laissez miroiter ? Sachant qu’à l’heure actuelle, deux salariés sur dix seulement sont encore en activité au moment de liquider leur retraite, qui peut raisonnablement penser qu’en 2020 la majorité de salariés travaillera 42 ans pour toucher une retraite à taux plein ? Ce ne sera généralement pas le cas et cinq années manquantes leur coûteront le quart de leur pension. Quand on sait que 30 % des salariés nés après 1960 ont moins de 10 ans de cotisation à 30 ans et que 50 % des salariés du privé, partis en 2001, n’avaient pas 40 annuités, on mesure les dégâts que prépare votre réforme. Alors que les retraités du privé ont déjà perdu 10 % depuis 1994, le cumul des législations en cours et de vos projets se traduirait pas des pertes de 20 à 50 % selon les situations. Dans ces conditions, la retraite ne serait plus qu’un « minimum vieillesse ». On voit comment l’allongement de la durée de cotisation ne constitue pour vous, à l’instar du licenciement boursier pour le patronat, qu’une variable d’ajustement, qui fait peu de cas du respect dû au salarié et de la parole de l’Etat. Ce n’est pas en effet le moindre des problèmes posés par votre réforme que cette trahison des dispositions sociales et statutaires qui ont pu conduire des femmes et des hommes à s’engager dans tel ou tel secteur du service public. Ces générations de salariés ont, eux, tenu leur engagement et respecté leur parole tout au long de leur vie professionnelle. Ils l’ont fait, aussi, je pense notamment aux agents retraités d’EDF revenant sur le terrain après les tempêtes de l’hiver 1999, lorsque les circonstances exigeaient qu’ils assument cette responsabilité morale qui continue de les lier au service public, après leur cessation d’activité. Le choc démographique n’est pas le seul problème auquel notre système est confronté. Le creusement des inégalités en est un autre, auquel le Gouvernement devrait s’attaquer. En effet, des centaines de milliers de retraités vivent encore avec une pension indécente, et l’on compte près de 800 000 personnes soumises au minimum vieillesse. Inégalité encore quand l’espérance de vie d’un cadre supérieur à 60 ans est de 24,4 ans et celle d’un ouvrier spécialisé de 17,4 ans. Porter la durée de cotisation à quarante-cinq ans, comme ont pu l’envisager M. Seillière ou M. Guillaume Sarkozy, reviendrait à réduire la durée de vie en retraite de 42 % pour l’ouvrier spécialisé et de 31 % pour le cadre supérieur. Inégalités enfin que subissent les femmes, dont le journal L’Humanité a rappelé à juste titre qu’elles demeurent les plus mal « retraitées ». La réforme de 1993 a fortement pénalisé celles qui travaillent dans le secteur privé, et voici que votre réforme, Monsieur le ministre, étend cette régression au secteur public. Les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de moitié à celles des hommes. Le temps partiel imposé, les emplois précaires, les carrières interrompues pour s’occuper des enfants, les salaires au rabais, le chômage représentent autant de caractéristiques « moyenâgeuses » du salariat féminin. Et ces caractéristiques convergent fatalement vers des retraites difficiles. Selon les calculs de la DARES, les femmes à la retraite disposaient en 2001, « avec 848 € mensuels, d’un montant inférieur de 42 % à celui des hommes ». 80 % des femmes vivent avec une pension en dessous du SMIC, ce qui est le cas de 40 % des hommes. En contrepartie de leur travail, 10 % des femmes n’ont acquis qu’un montant de retraite de 151 € par mois. En outre, les femmes prennent en moyenne leur retraite deux ans plus tard que les hommes. L’allongement de la durée de cotisation punira un peu plus ces parcours incomplets, et fera des ravages chez les femmes liquidant leur retraite. Où est l’équité, Mesdames les députées de la majorité présidentielle ? Où est l’équité quand on sait que la réforme affecte particulièrement les quatre retraités sur dix - dont deux tiers de femmes - qui touchent les pensions minimales ? Je rappelle aussi l’épée de Damoclès que constitue l’instauration des décotes dans le secteur public. Dans les métiers pénibles et fortement féminisés, comme ceux de la fonction publique hospitalière, le départ à 55 ans n’est plus, de ce fait, garanti. Après avoir été dès 1993 les précurseurs du travailler plus longtemps pour toucher moins dénoncé par la sociologue Annette Langevin, les femmes se voient d’ores et déjà installées au premier rang des retraités qui seront frappés par l’extrême pauvreté et dont le sort devra dépendre de l’Etat et de l’aide sociale. Le projet du Gouvernement est foncièrement inadapté à l’aspiration de la population à bénéficier de son droit à la sécurité, au bien-être, au repos, au terme de son activité salariée. Monsieur le ministre, vous avez évoqué à la tribune les 6 milliards d’humains qui attendent d’avoir leur part du progrès sur notre planète, pour aussitôt ajouter que les Français devaient renoncer à la retraite à 60 ans. Non content de liquider le droit à la retraite à 60 ans, vous passez rapidement l’éponge sur une construction sociale qui autorise à parler d’« exceptionnalité française ». Si aujourd’hui les citoyens du monde demandent leurs droits, nos luttes et nos acquis sociaux n’y sont pas étrangers, et nous devons en être fiers. La France a tout à gagner à rester à la pointe de l’invention sociale. Nous sommes de ceux qui veulent contribuer au rayonnement d’un nouveau modèle social français ! Fruit des luttes sociales, notre système de retraite par répartition est fondé sur la solidarité nationale, principe d’une ardente modernité qui pourrait être étendu à toute l’humanité. Le progrès, ce n’est pas comme vous le martelez, la remise en cause du progrès social, mais sa généralisation. Les richesses et les technologies d’aujourd’hui le permettent, dès lors qu’on accepte de débattre de leur répartition. Votre projet rompt avec la longue tradition humaniste et progressiste dont les luttes de nos concitoyens ont imposé la prise en considération. Imposer aux générations futures de vivre moins bien que celles d’aujourd’hui ou d’hier, est-ce vraiment un progrès social, une avancée de la civilisation ? Est-ce juste quand l’argent s’accumule d’une manière arrogante à un pôle de la société ? Ce projet est une tentative de réforme foncièrement réactionnaire, dont les conséquences sociales et économiques doivent être résolument écartées. Il n’est pas recevable dans de telles conditions d’élaboration, qui excluent la confrontation des idées et ne laissent d’autre choix aux partenaires sociaux, pour se faire entendre, que d’appeler à l’action des salariés et à la grève. Il ne l’est pas davantage dans son contenu, qui ne vise qu’à la précarisation de l’immense majorité de nos concitoyens, avec l’implosion du système de retraite par répartition et l’intrusion des fonds de pension et de la capitalisation. La société française toute entière sera tirée vers le bas par l’irruption du loup de la capitalisation dans la bergerie de la répartition solidaire.

M. André Gerin - Très bien !

M. Alain Bocquet - Nous serons alors loin de la solidarité intergénérationnelle. Recevable, votre projet ne l’est pas non plus dans son financement : plus de 90 % de l’effort reposera sur les seuls salariés, tandis que seront épargnés ceux qui continuent de gagner de l’argent en dormant, pour reprendre une formule célèbre. C’est pourquoi nous nous opposerons fermement et définitivement à votre projet. Nous considérons qu’il n’est pas du ressort de la représentation nationale de débattre d’un texte que le pays condamne. Il est au contraire de notre responsabilité de vous demander de le réécrire en concertation étroite avec les partenaires sociaux, tous les partenaires sociaux. Au nom de quoi les organisations syndicales majoritaires seraient-elles méprisées ? Les trois syndicats engagés dans la lutte, qui appellent à une journée d’action demain, la CGT, FO et l’UNSA, ont remporté 55 % des suffrages aux dernières élections prud’homales. Quant à la CFTC, qui ne s’est pas ralliée à l’accord du 15 mai dont vous vous enorgueillissez, elle n’a obtenu que 10 % ! 65 % de voix, cela se respecte, et il faut en tenir compte

(Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

D’autres hypothèses de travail ont été avancées. Des solutions novatrices ont été proposées au Gouvernement. Il faut suspendre la discussion parlementaire pour continuer de débattre dans le pays. M. le Premier ministre a déclaré à la presse qu’il y était prêt tout l’été. Raison de plus pour ouvrir une véritable négociation avant de trancher à l’automne prochain. Un avenir à cinquante ans peut bien souffrir trois mois de délai.

M. Yves Bur - On n’est plus à cinq ans près !

M. Alain Bocquet - Dans le cadre de ces démarches auxquelles vous n’avez prêté qu’un mépris poli, les députés et les sénateurs communistes et républicains ont élaboré des propositions. La réforme doit obéir à un objectif : apporter des améliorations réelles à la situation des retraités. Les solutions que nous préconisons ont été discutées avec le mouvement syndical et associatif ainsi qu’avec des experts...

M. Yves Bur - Les nôtres aussi !

M. Alain Bocquet - Nous sommes au siècle du social et non de la Bourse ! (Approbations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Pourquoi le groupe communiste et républicain intervient-il sans cesse lorsque M. Bocquet s’exprime ? Peut-être cela lui donne-t-il de l’élan ?

M. Alain Bocquet - Nos solutions visent à garantir l’architecture de notre système par répartition en même temps qu’à assurer un niveau élevé de pension, en affirmant le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, afin que chaque retraité puisse vivre dans la dignité la troisième partie de son existence. Elles sont indissociables d’une politique orientée vers la construction d’un nouveau système de sécurité d’emploi et de formation, ainsi que vers la progression du pouvoir d’achat nécessaire au soutien d’un nouveau type de croissance fondé sur le développement des ressources humaines. Les retraites ne sont pas une charge pour l’économie. En libérant des emplois et en consommant, les retraités contribuent au contraire à faciliter le renouvellement des générations d’actifs. La productivité du travail et la demande effective s’en trouvent stimulées et, partant, la croissance et l’emploi. De plus, de meilleures conditions de travail, une formation jusqu’à la retraite, l’amélioration de la santé et de la sécurité au travail, l’accroissement du temps libre permettent une retraite active à une plus grande part de la population. C’est pourquoi il faut rompre avec la régression du pouvoir d’achat et revaloriser les retraites. Loin d’être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il faut inverser la tendance et fixer des garanties au montant et à l’évolution des retraites, qui permettront de les revaloriser et de rattraper le pouvoir d’achat perdu. Nous proposons donc : une augmentation immédiate des retraites et pensions, incluant une première étape de rattrapage du pouvoir d’achat ; la ré-indexation des retraites sur l’évolution moyenne des salaires bruts ; la garantie d’une retraite totale au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années de la carrière dans le secteur privé, ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois pour le secteur public ; la prise en compte, pour le calcul des pensions, de la totalité des rémunérations - primes et heures supplémentaires comprises - et leur intégration dans les traitements indiciaires pour le secteur public ; la suppression des prélèvements obligatoires ou temporaires sur les pensions. Le minimum contributif doit retrouver son niveau de 1983 par rapport au SMIC, ce qui porterait son montant à 727 euros par mois. Il faut également modifier les règles d’attribution de la pension de réversion et augmenter son taux : supprimer les conditions restrictives d’attribution, en particulier les règles de cumul et de plafond de ressources, porter son taux à 60 %. Bien évidemment, nous demandons l’abrogation des lois et décrets Balladur-Veil de juillet-août 1993. Et nous proposons d’octroyer le droit de partir à la retraite à taux plein, à 60 ans, avec 37,5 annuités. Pour cela, les périodes non travaillées telles que les études, contrats d’insertion, la recherche d’un premier emploi, les périodes de chômage et les fins de droits devraient être validées gratuitement. La suppression des abattements supplémentaires pour carrière incomplète et de tout principe de décote des pensions fait partie des mesures à mettre en _uvre, de même que la possibilité de choisir librement, moyennant toutes les garanties nécessaires, le moment auquel interrompre partiellement ou en totalité une activité professionnelle. Dans ce cadre, ceux qui ont exercé des travaux pénibles ou contraignants doivent pouvoir faire valoir leur droit à la retraite à taux plein dès 55 ans, et tout salarié doit pouvoir partir après 40 années de cotisations, même s’il n’a pas 60 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Bien que cela ne soit pas prévu dans le projet du Gouvernement, il faut réaffirmer la pérennisation des régimes spécifiques. Comme l’a noté le conseil d’orientation des retraites, il n’y a pas de situation privilégiée des salariés du secteur public et le retour à la situation d’avant 1993 dans le privé rétablirait une équité de principe. C’est un point particulièrement important, dans la mesure où ces régimes sont menacés, malgré vos dénégations, par un effet domino, comme le confirment les révélations récentes sur la privatisation d’EDF ou l’intox lancée par le Gouvernement à propos des retraites RATP, SNCF, Banque de France. Dans l’esprit de réforme progressiste que nous soutenons, il faut poursuivre l’amélioration des retraites agricoles, notamment par la parité du montant de la retraite du conjoint avec celle du chef d’exploitation ; par la suppression des coefficients de minoration et la mensualisation du paiement des retraites. Alors que, par tabou, vous excluez de toucher à l’actionnariat et aux profits spéculatifs des entreprises, nous proposons, nous, un financement dynamique des retraites de demain. L’emploi et la croissance sont déterminants pour l’avenir des régimes de retraite. Il convient donc d’accroître la part des salaires dans la valeur ajoutée globale, de faire de celle-ci une base de cotisation, et de mener une politique familiale dynamique afin d’assurer un renouvellement suffisant des générations. Cela doit aller de pair avec une politique de formation de tous, tout au long de la vie, y compris pour les travailleurs vieillissants, aujourd’hui rejetés hors de l’emploi. Les besoins de financement supplémentaires ne sont pas insurmontables, comme le confirme d’ailleurs le rapport du conseil d’orientation des retraites. Ils supposent une croissance durable et une autre répartition des richesses. En 2040, il faudra affecter au financement des retraites 4 à 6,5 points supplémentaires de PIB. Dans cette perspective, nous proposons de refondre le financement de notre système de retraite par répartition, et plus généralement de la sécurité sociale, en mettant un terme aux exonérations de cotisations patronales et en abaissant sélectivement le coût du crédit. Il faut notamment mobiliser le crédit en faveur de l’emploi et de la formation ; limiter l’appel aux marchés financiers en France et en Europe, ce qui suppose une réorientation de la politique de la Banque centrale européenne ; abaisser de façon sélective les taux d’intérêt en fonction des créations effectives d’emplois et des formations prévues dans les projets d’investissements. Il faut de même modifier l’assiette des cotisations sociales patronales afin qu’elle favorise davantage l’emploi et la qualification. Aujourd’hui, plus une entreprise embauche et augmente les salaires, plus elle paye de cotisations, alors qu’une entreprise qui licencie, comprime les salaires et fait des placements financiers, en paye, elle, moins. Les entreprises de main-d’_uvre, notamment du bâtiment et du textile, voient leur part de cotisations sociales dans leur valeur ajoutée représenter plus du double de celle des banques ou des compagnies d’assurances. Tout en souhaitant que les cotisations restent calculées sur la base des salaires bruts, nous proposons donc de moduler l’assiette des cotisation patronales. Une telle réforme structurelle ferait progresser l’emploi en quantité et qualité et pénaliserait la croissance financière. La modulation encouragerait les entreprises qui augmentent les salaires, facilitent la formation et développent l’emploi, mais pénaliserait celles qui investissent contre l’emploi, placent leur argent en Bourse, délocalisent, économisent sur les salaires et rognent sur la qualification de leur main-d’_uvre. En augmentant dans les entreprises le ratio dépenses de salaires et de formation, valeur ajoutée globale, on contribuerait à améliorer l’efficacité sociale de la production et à soutenir la demande globale. Les prélèvements sociaux devraient par ailleurs être étendus à tous les revenus financiers. C’est bien aux ménages les plus aisés qu’il faut demander l’effort. Nos concitoyens qui supportent les coups les plus rudes ne tolèrent plus, par exemple, que les revenus financiers des entreprises et des banques échappent à tout prélèvement. Soixante-dix milliards d’euros sont ainsi « à l’abri ». Les taxer au taux de 10,35 %, comme nous le proposons, rapporterait sept milliards d’euros. Ainsi pourrait-on envisager un rééquilibrage structurel des comptes sociaux, dans une dynamique nouvelle. Contrairement à vous, nous ne pensons pas que le « gâteau à partager » est limité, mais qu’il est au contraire possible de l’accroître en modifiant le contenu de la croissance et en amorçant un dépassement du marché. C’est dans le cadre de telles réformes structurelles qu’il faudrait aborder la question du financement des retraites. Contrairement aux mesures que vous voulez imposer aux Français, celles que nous préconisons répondent à l’impératif de justice sociale et d’équité, le mouvement social ne s’y trompe d’ailleurs pas. En les présentant, les députés communistes et républicains témoignent de leur ouverture au débat et de leur volonté constructive. Monsieur le ministre, votre projet ne répond pas aux aspirations de nos concitoyens, ne garantit pas leur droit à la sécurité et au bonheur à tous les âges de la vie. Il ne tient pas compte non plus des richesses de notre économie et de sa capacité, réelle, à satisfaire ces aspirations. Vous préférez nier ou passer sous silence cette capacité, afin de mieux servir les intérêts de la haute finance. Nous vous demandons tout simplement de retirer votre projet et de rouvrir de vraies négociations. Ouvrez sans attendre un Matignon des retraites, sous l’autorité du Premier ministre et avec l’ensemble des partenaires sociaux, de façon à parvenir à un projet approuvé par tous les représentants du monde du travail ! Entendez l’exigence de justice sociale et de démocratie qui s’exprime et grandit dans le pays ! L’histoire sociale de la France a été marquée de grands rendez-vous comme les accords de Matignon en 1936 pour instituer les 40 heures et les premiers congés payés... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Goldberg - Vous hurliez déjà à l’époque, Messieurs !

M. Alain Bocquet - ...comme les accords de Grenelle en 1968.

M. Pierre Goldberg - Vous hurliez encore, Messieurs de la droite !

M. Alain Bocquet - Pourquoi pas, en 2003, une conférence de Matignon sur les retraites ? Nous refusons, avec beaucoup d’autres, de céder au chantage de la mort annoncée de notre système de retraite par répartition et nous savons bien, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, que l’alternative n’est pas entre votre réforme ou la retraite par capitalisation. Il existe d’autre solutions. Pour toutes ces raisons, parce que votre projet de réforme n’est ni juste ni équitable, nous demandons à l’Assemblée d’adopter par scrutin public cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Ministre - Il faut reconnaître au parti communiste le mérite d’avoir un projet en matière de retraites, qui vaut ce qu’il vaut. Simplement la politique économique et sociale qu’il préconise n’a plus cours dans aucun pays d’Europe ni du monde.

M. Jean-Claude Lefort - Si, en Belgique !

M. Yves Bur - L’Union soviétique est morte !

M. le Ministre - Cette politique, qui tend à étouffer l’économie pour financer le contrat social, conduit au déclin économique et au chômage.

Plusieurs députés communistes et républicains - C’est tout le contraire !

M. le Ministre - Le parti communiste pense qu’il existe un « trésor caché » que taxes et prélèvements obligatoires sauront bien débusquer. Pour lui, la réforme des retraites n’est qu’un moyen de contester l’économie libérale.

Plusieurs députés communistes et républicains - Nous la contestons en effet.

M. le Ministre - C’est votre droit, nous le respectons, mais tel n’est pas notre choix. Non, notre projet n’est pas calqué sur les souhaits du Medef. Plusieurs députés communistes et républicains - Si !

Annexe 3

M. Maxime Gremetz - Enfin, une réforme des retraites ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Ne vous réjouissez pas trop vite : si nous souhaitons une réforme, en aucun cas nous n’approuvons la vôtre ! Personne ne conteste la nécessité de relever le défi démographique qui aura un impact sur notre système de retraites par répartition : d’ici 2040, le nombre des retraités aura doublé. Les travaux du conseil d’orientation des retraites montrent que le besoin de financement des retraites passera de 12 à 16 %, voire 18 % du PIB. Mais cela ne semble pas insurmontable. En effet, de 1959 à 1990, la part des prestations vieillesse dans le PIB est déjà passée de 5,9 à 12,6 %, sans que cela conduise à remettre en cause la retraite par répartition. Selon le COR et le rapport Charpin, en 2040 le PIB aura été multiplié par deux pour atteindre 3 000 milliards. La part à consacrer aux retraites sera de 540 milliards, ce qui laissera donc 82 % des ressources pour les actifs et les investissements. Cela permet d’envisager d’autant plus sereinement l’avenir que la charge des départs en retraite s’étale sur 40 ans. Surtout, le problème de la retraite par répartition n’est pas dans l’augmentation du nombre de retraités, mais dans la faculté des actifs à contribuer au financement des pensions, laquelle dépend du niveau et de la qualité des emplois, ainsi que du niveau des rémunérations soumises à cotisations sociales. Et c’est bien là que la situation est préoccupante en raison de la politique de précarisation de l’emploi menée par le Gouvernement. C’est pourquoi, vous en conviendrez, les propositions des parlementaires communistes sont marquées par la cohérence. Dès 1993, nous avons bataillé jour et nuit contre les mesures Balladur qui furent à l’origine de cette inégalité entre public et privé que vous mettez aujourd’hui en exergue. Dès 1997, nous avons exigé en vain que ces dispositions soient remises en cause. Nous avons aussi, sans relâche proposé une réforme et un nouveau financement de la protection sociale. C’est au nom de ce que vous qualifiez d’insupportable inégalité, que vous voulez rogner les droits des différents régimes, niant ainsi leurs origines et leurs spécificités. Il ne vous restera plus ensuite quâ€™à « croquer » les régimes spéciaux. Mais l’égalité ne signifie ni régression sociale, ni recul de civilisation. Et l’exemple de nos voisins qui ont déjà fait ces choix douloureux ne mène pas bien loin. Voyez ce qui se passe en Autriche, en Italie, en Allemagne, où l’introduction de fonds de pensions et l’allongement de la durée de cotisation ont considérablement paupérisé les retraités. Monsieur le ministre, le « copier-coller » n’est pas une politique ! Votre projet de loi tourne le dos au progrès de civilisation, au choix de société qu’il convient de faire. Regardez dans la rue : les actifs, tous secteurs confondus, n’en veulent pas ! Ils appellent à l’ouverture de véritables négociations et demandent une autre réforme, dont le contenu novateur répondrait aux aspirations de notre peuple, de notre société. Votre pilonnage médiatique n’y change rien : 66 % des Français soutenaient la journée d’action de dernier. Personne ne veut de votre réforme qui vise à allonger la durée de cotisation jusqu’à 42 ans alors que les jeunes peinent à trouver un emploi, que la liste noire des licenciements s’allonge tous les jours, que les plus de 50 ans en sont les cibles privilégiées. Personne ne veut de votre réforme qui rogne le niveau des pensions, instaure des décotes et exige toujours plus de sacrifices de la part des actifs et des retraités. Personne ne veut de votre réforme qui ne prend pas en compte la pénibilité du travail, qui rend illusoire le droit à la retraite à 60 ans à taux plein, qui répond épargne retraite individuelle à ceux qui sont attachés à la répartition. Personne ne veut de votre réforme qui fait supporter 91 % du financement aux salariés. Où est l’effort partagé ? Sûrement pas dans les 16,6 milliards d’exonérations de cotisations patronales que vous accordez aux entreprises sans contrepartie véritable en termes d’emploi. Sûrement pas non plus dans vos allégements de l’ISF alors que les 39 plus gros patrons ont une rémunération cumulée de 7,4 millions soit 554 fois le SMIC... Sûrement pas, enfin, dans le passage, ces dernières années de 30 à 40 % de la part des revenus du capital dans la valeur ajoutée. Vous avez fait le mauvais choix, celui de remodeler en profondeur et durablement les structures de notre société pour mieux l’adapter aux exigences d’une construction européenne inféodée aux règles du capitalisme mondialisé. Seuls les intérêts du Medef sont saufs avec cette réforme. Mais n’est-ce pas là pour vous l’essentiel ? D’autres solutions existent, auxquelles souscrivent des millions de Français. Ces propositions que nous portons visent à garantir ce qui fonde notre système par répartition mais aussi à assurer un haut niveau de pension, en affirmant le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, afin de permettre à chaque retraité de vivre dans la dignité la troisième partie de son existence par l’obtention de pensions au moins à 100 % et non à 85 % pour les quatre millions de salariés au SMIC. Ces propositions prennent en compte l’évolution du mode de vie, des conditions du passage de la vie active à la retraite, de l’espérance de vie, des besoins et des aspirations des retraités. Elles traduisent la reconnaissance des droits que ces derniers ont acquis par leur contribution passée à la richesse nationale et par leur apport actuel à la société. Pour mener à bien les réformes nécessaires au financement des retraites, il faut inciter à augmenter la masse des richesses produites et dissuader l’accumulation considérable des profits financiers. Ces réformes sont indissociables d’une politique orientée vers la sécurité d’emploi et la formation. Le premier axe de ces propositions est la rupture avec la régression du pouvoir d’achat. Le remplacement en 1993 de l’indexation sur les salaires par l’indexation sur les prix a rompu le lien de solidarité intergénérationnelle. Les accords AGIRC-ARRCO de 1993, 1994 et 1996, ont amplifié cette tendance en répercutant une baisse des pensions de 12 %. Les prélèvements sur les retraites, institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre puis par le plan Juppé, ont été multipliés par 2,5 entre 1993 et 1997. Il représentent près d’un mois de retraite nette chaque année. Bien loin d’être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il est donc urgent d’inverser la tendance. Pour cela, nous proposons notamment d’indexer les retraites sur l’évolution moyenne des salaires bruts, de garantir une retraite totale au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années dans le secteur privé ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois dans le public ; de prendre en compte, pour établir le montant des pensions, la totalité des rémunérations, primes et heures supplémentaires comprises. Nous voulons aussi augmenter significativement les basses retraites, notamment le minimum contributif qui, à sa création en 1983, représentait 63 % du SMIC brut et qui n’en représente plus aujourd’hui que 45 %, ainsi que la pension de réversion, en modifiant ses règles d’attribution et en portant son taux à 60 %. Deuxième axe de nos propositions, garantir le droit à la retraite à taux plein à 60 ans. Les mesures Balladur ont fortement réduit le niveau des pensions, d’autant que les carrières incomplètes sont sanctionnées une seconde fois par une décote supplémentaire par trimestre manquant. Des pénalités du même ordre s’appliquent aux retraites complémentaires, l’abattement pouvant atteindre 22 % à 60 ans. Pour corriger cela, nous proposons d’abroger les dispositions de 1993, mais aussi de garantir le droit de partir à la retraite à taux plein, à 60 ans au plus tard, avec 37,5 annuités. Pour cela, les périodes non travaillées comme les études, les contrats d’insertion, la recherche d’un premier emploi, les périodes de chômage et les fins de droits doivent être validées gratuitement comme de vraies annuités ; quant à la décote, il faut en abandonner le principe même. Il convient aussi de prendre la mesure des situations particulières. Aussi, les femmes et les hommes ayant exercé des travaux pénibles ou contraignants doivent-ils pouvoir faire valoir leur droit à la retraite à taux plein dès 55 ans. Tout salarié, après 40 ans de cotisation, doit pouvoir immédiatement obtenir sa retraite à taux plein, sans attendre son soixantième anniversaire. C’est ce qu’ont proposé les groupes communistes à l’Assemblée comme au Sénat. Enfin, les personnes ayant ou ayant eu à charge un enfant ou un adulte handicapé ou une personne âgée dépendante ne doivent pas être pénalisées dans leur constitution de carrière. Telles sont les principales dispositions de justice sociale et d’efficacité économique que nous défendrons devant vous, parmi beaucoup d’autres. Bien sûr, vous nous répondrez, Monsieur le ministre, que ces mesures ont un coût. Cela serait malvenu car vous n’assurez pas vous-même le financement de votre réforme.

M. Alain Néri - C’est vrai !

M. Maxime Gremetz - Vous repoussez le traitement de la question du financement à 2008 en prévoyant en tout et pour tout d’augmenter le taux de cotisation vieillesse de 0,2 % au 1er janvier 2006, ce qui rapportera un peu plus de 900 millions, soit 1 % du besoin de financement global des retraites en 2020... Pariant sur un taux de chômage de 5 %, vous chiffrez le besoin de financement supplémentaire des retraites du régime général à 9,8 milliards, ce qui représente environ trois points de cotisation. Si le taux de chômage restait à son niveau actuel de 9 %, le besoin serait de plus de 13 milliards et il faudrait par conséquent augmenter les cotisations. Vous estimez pouvoir atteindre un tel taux de chômage grâce à votre politique d’allégement de cotisations patronales, les cotisations chômage excédentaires étant alors affectées au financement des retraites. Mais c’est un marché de dupes : les exonérations de cotisations patronales n’ont jamais eu d’impact important sur les créations d’emplois. Alors que vous insistez sur l’urgence de réaliser la réforme avant l’apparition des déficits, vous repoussez la réforme du financement à 2008, au moment même de l’apparition de ces déficits. L’équilibre financier n’est pas assuré par votre réforme...

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - C’est faux !

M. Maxime Gremetz - ...Il est plus facile d’imposer une nouvelle mise à contribution aux salariés que d’aller chercher l’argent là où il nuit le plus à l’emploi... Ce besoin de financement pose le problème de la répartition de la richesse nationale. En dix ans, la productivité du travail a progressé de 26 %...

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Elle a gravement baissé avec les 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Il suffirait d’une augmentation moyenne de 2 % par an pour que les retraites soient financées mieux et durablement. Mais pour cela il faudrait inverser la tendance à l’accroissement de la part de la valeur ajoutée revenant au capital au détriment de celle qui revient aux salaires. Elle est passée de 30 % à 40 % en France, soit bien plus que les 33,5 % des Etats-Unis, votre modèle... Plusieurs députés UMP - Mais non !

M. Maxime Gremetz - ...ou que les 31,5 % de la Grande-Bretagne. Les plus gros capitalistes ne sont pas ceux que l’on croit ! Comment répondre à ce besoin de financement ? Nous avons des propositions, que nous partageons avec les syndicats majoritaires et nombre d’associations. Pour nous, la réforme des retraites passe par une vraie politique de l’emploi et des salaires. Un million de chômeurs en moins, c’est un point de richesse supplémentaire, soit 20 milliards. Nous proposons de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de charges sociales patronales - ce qui équivaut à 18 milliards -, par une incitation sélective à investir dans l’emploi et la formation. Nous proposons d’élargir et de moduler l’assiette des cotisations sociales patronales, ce qui représente 23 milliards. Nos propositions coûtent 50 milliards dites-vous. C’est vrai. Mais les voilà ! La réforme des cotisations patronales est la plus importante pour financer les retraites. La modulation serait faite en fonction de la masse salariale par rapport à la valeur ajoutée globale, produits financiers compris. Enfin, il faudrait étendre les prélèvements sociaux à tous les revenus financiers. Appliquer aux ménages, sur ces revenus, un taux identique à celui de la cotisation acquittée par les salariés sur leur salaire rapporterait 15 milliards chaque année au régime général. Appliquer aux entreprises et institutions financières le taux pesant sur les ménages aisés rapporterait 16,6 milliards. Vous voyez que le financement est assuré ! Ne me répondez pas que les prélèvements sociaux sont déjà trop importants en France : ils représentent 45 % contre 52 % en Suède et 50 % en Norvège.

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis - Il y a d’autres exemples.

M. Maxime Gremetz - Il ne s’agit pas de partager un gâteau, il s’agit d’en avoir un plus gros, en changeant le contenu de la croissance. Vous êtes la majorité dans cette assemblée, mais nous sommes la majorité dans le pays (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP). 66 % des Français disent non à la régression sociale que vous proposez, oui au progrès. Puisque vous vous dites partisans du dialogue, acceptez donc notre amendement qui prévoit de soumettre la réforme à référendum... Si la majorité du peuple vous dit non, vous devrez ouvrir de véritables négociations pour prendre en considération les propositions alternatives. Vous êtes au pied du mur. Il vous faut choisir entre le passage en force, avec ses conséquences imprévisibles, et la sagesse de la démocratie. A vous de jouer (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Annexe 4

ORDRE DU JOUR DU 12 JUIN 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (n° 885) portant réforme des retraites. M. Bernard ACCOYER, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 898) M. François CALVET, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées. (Avis n° 895) M. Xavier BERTRAND, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. (Avis n° 899) Mme Claude GREFF, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.(Rapport d’information n° 892)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE Suite de l’ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE Suite de l’ordre du jour de la première séance.

PCF Bourges