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EN DIRECT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE À PARTIR DU 10 JUIN
Débat parlementaire sur les retraites

20 juin 2003

par PCF Bourges

Débat parlementaire sur les Retraites 10ème journée 20 juin 2003

La journée de 20 juin a vu la poursuite de la discussion sur les amendements après l’article 5, puis sur les articles 6, 7, 8, 9 et 10.

Vous trouverez en annexe les éléments concernant les interventions des députés communistes.

Annexe 1. Rôle et mission du COR (Marie-George Buffet, Daniel Paul, Muguette Jacquaint) puis sur la question des compensations (Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Daniel Paul).

Annexe 2. Question des compensations (Daniel Paul, Jean-Pierre Brard), information des assurés (Maxime Gremetz, Muguette Jacquaint, Daniel Paul, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard)), emploi des plus de 50 ans (Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard, Muguette Jacquaint).

Annexe 3. Travail des « seniors » (Maxime Gremetz, Muguette Jacquaint, Jean-Pierre Brard, Marie-George Buffet, Jacqueline Fraysse), retraités agricoles (Jacqueline Fraysse, Muguette Jacquaint) et âge de la retraite (Muguette Jacquaint, Jean-Pierre Brard).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 20 juin Matinée

Mme Marie-George Buffet - Cet article est intéressant et nous devons donc en traiter de façon constructive, mais j’ai bien peur qu’on ne cherche à limiter les missions du COR et à le priver d’une partie de son pouvoir de débattre de solutions alternatives. Créé en mai 2000, le Conseil d’orientation a joué un rôle important en raison de sa composition pluraliste : en effet, il comprend à la fois des parlementaires, des représentants des partenaires sociaux, des associations familiales, des retraités et des personnes âgées, ainsi que des experts et des représentants de l’Etat. Chargé de suivre la situation de notre système d’assurance vieillesse, d’établir des diagnostics, d’émettre des recommandations et, éventuellement, de proposer des réformes, il a démontré son efficacité, permettant de piloter de façon transparente l’ensemble de nos régimes, et nous nous félicitons donc que la loi consacre son existence. Le décret fondateur a fixé sa composition et ses missions, ses méthodes et son calendrier de travail étant arrêtés par ses membres eux-mêmes. Le conseil a ainsi pu mener des expertises sur tous les sujets qui lui paraissaient essentiels et il a publié un premier rapport en décembre 2001. Aujourd’hui, vous lui assignez pour missions de décrire la situation et les perspectives financières de nos régimes de retraite, d’apprécier les conditions propres à garantir la viabilité de ces régimes, de veiller à la cohésion du système de retraite par répartition en assurant la solidarité entre les régimes et le respect de l’équité, et de formuler, le cas échéant, des recommandations de réforme. Mais, pour garantir effectivement le financement du système et l’égalité de traitement, notre groupe estime que ces missions devraient être élargies, et il présentera des amendements à cet effet. Ils ont trait au débat sur les différentes options en matière de financement et sur la pénibilité du travail, notamment. Les adopter permettrait au COR de contribuer encore davantage à la pérennité de notre système par répartition.

M. Daniel Paul - Depuis son installation, le COR a en effet réalisé un travail de qualité et chacun admet le bien-fondé de la démarche adoptée par ses membres et sa détermination à examiner toutes les solutions, sans exclusive ni tabous. Dans son premier rapport, il a insisté comme il convenait sur le lien essentiel entre retraite et travail. Le conseil est un lieu de débat libre et ouvert, non une instance de négociation, et les rapports reflètent cette atmosphère de concertation constructive qui a permis de trouver le ton juste : le conseil a choisi la lucidité contre le catastrophisme et il a privilégié l’innovation et la diversité des réponses, plutôt que des solutions « clefs en mains ». Avant sa constitution, le débat était bloqué. Tous les chiffres étaient contestés, l’examen exhaustif des solutions était impossible. Grâce à son travail, les esprits ont évolué, la réflexion a progressé, le dialogue a remplacé l’anathème, ce qui doit permettre de choisir en connaissance de cause. C’est à juste titre que le conseil rappelle les succès de notre système par répartition et la nécessité de le conserver. L’augmentation de l’espérance de vie et l’arrivée de générations nombreuses à l’âge de la retraite ne doivent pas conduire à remettre en cause le choix fait à la Libération. Mais il ne suffit pas de se dire attaché à la répartition si l’on veut éviter le déclin de régimes qui ne seraient plus capables que de verser des pensions minimales, le reste devant être apporté par des compléments individuels. Il faut aussi améliorer l’emploi des salariés de plus de 50 ans, ce qui fournira des cotisations supplémentaires et consolidera le lien entre taux d’activité et retraite tout en nous permettant de tirer profit de l’expérience de ces hommes et femmes. C’est un point qui fait l’unanimité au sein du conseil et que nous approuvons. Il faut aussi faire en sorte que les dettes patronales soient acquittées. Rien que pour l’agglomération du Havre, elles se montent à 54 millions d’euros, et à 230 pour la Haute-Normandie, au titre de la seule année 2002. On peut donc estimer le manque à gagner, en un an, à plus de 5 milliards pour toute la France ! Ce n’est que si chacun de nous peut cotiser en sachant que la génération suivante financera sa propre retraite que pourra se maintenir la chaîne de solidarité, élément essentiel de notre pacte social !

Mme Muguette Jacquaint - Les méthodes de travail du Conseil d’orientation ont été arrêtées par ses membres eux-mêmes, lors de leur première réunion plénière, le 3 juillet 2000. Le COR se réunit à un rythme soutenu, en principe une fois par mois. La transparence de l’information est assurée par des ordres du jour précis et par l’envoi à chaque membre, avant chaque séance, d’un dossier de travail. Les réunions sont préparées par des groupes de travail, auxquels peuvent être associés les représentants d’organismes ou d’institutions disposant de données utiles - ainsi les caisses de retraite et la Caisse des dépôts. Pour préparer le premier rapport, trois axes principaux d’investigation ont été explorés. Un groupe « âge et travail » a étudié la question de l’emploi des salariés âgés et de la valorisation de leur expérience. Un groupe de travail ad hoc a analysé la diversité et l’inégalité des situations face à la retraite. Enfin, un dernier groupe de travail s’est consacré à une prospective générale, et à la recherche de perspectives financières pour les régimes de retraite. Des études régulières ont étayé la réflexion du Gouvernement pour la préparation de cette réforme, et il est satisfaisant de voir le COR conforté dans son travail, même si ses moyens de fonctionnement restent obscurs. L’article 6 devra améliorer la définition et les conditions de travail du COR...

Mme Muguette Jacquaint - La consultation de la commission de compensation sur tous les « projets de modification des règles affectant les mécanismes de compensation » et la publicité de ses avis sont des mesures bienvenues mais, dans le même esprit, il conviendrait de mieux informer nos concitoyens sur la nature de cette compensation. Les régimes de base n’évoluent pas tous de la même façon, leur situation dépendant du rapport entre nombre de cotisants et nombre de retraités, ainsi que des capacités contributives desdits régimes. Quant aux fonctionnaires civils et militaires, ils n’ont pas de caisse de retraite depuis 1853, et le budget de l’Etat finance donc leurs pensions. Pour assurer un équilibre entre les régimes de base, la loi de 1974 a institué un mécanisme de compensation qui comporte deux niveaux : est d’abord prise en compte la situation démographique, afin d’assurer la solidarité entre régimes des salariés et des non-salariés ; ensuite, en fonction des capacités contributives de chacun, peut se déployer une solidarité plus importante. En 2000, 18,7 millions de salariés cotisaient à la CNAVTS pour 9 millions de retraités de droit direct ; 1 660 000 fonctionnaires territoriaux et hospitaliers pour 560 000 retraités, et 665 000 salariés agricoles et 697 000 exploitants pour 4 435 000 retraités agricoles. Dans la fonction publique d’Etat, 1 600 000 retraités étaient pris en charge par le budget, pour 2 500 000 « cotisants ». En 1986, a été créée une compensation spécifique aux régimes spéciaux : la surcompensation. Le budget de l’Etat, la CNAVTS et la CNRACL contribuent à cette solidarité, notamment en faveur des régimes spéciaux comme ceux des mines, des marins, des ouvriers de l’Etat, de la SNCF ou des cultes... En 2002, la CNAVTS contribuait pour 24 % à cette surcompensation, et la CNRACL pour 35 %. Cette dernière a même dû contracter pour cela un emprunt, ses fonds propres étant insuffisants ; elle est aujourd’hui en déficit. Quant à l’Etat, il contribue pour 33 %. La récente décision de comptabiliser les chômeurs au titre de la CNAVTS a augmenté le niveau de sa contribution de 830 millions d’euros, l’Etat en profitant au passage pour diminuer sa propre contribution. Cette décision, prise sans concertation aucune, a donné lieu à une vaste campagne d’intoxication, laissant entendre que les pensions du secteur privé seraient ponctionnées pour financer celles du secteur public - et ce à quelques mois de la réforme des retraites ! Ainsi, compte tenu des déséquilibres démographiques prévisibles des régimes spéciaux, car engendrés par le non-renouvellement des postes dans ces secteurs d’activité, la procédure de compensation entre régimes est devenue un parfait argument de diffamation, préparant la voie à la casse de ces régimes, ce que nous ne pouvons tolérer. Si nous sommes favorables à la transparence sur les règles de compensation entre régimes, l’esprit de cet article ne semble pas répondre à ce seul objectif, mais plutôt tendre à verrouiller les procédures de compensation actuelles afin d’accentuer encore les déséquilibres financiers nés des déséquilibres démographiques.

M. Maxime Gremetz - L’article 7 étend les compétences de la commission de compensation à l’examen des mesures affectant les mécanismes mêmes de la compensation. Cette commission donne en effet un avis consultatif sur les seuls montants des transferts entre régimes. Dans son rapport pour 2002, la commission des comptes de la sécurité sociale a estimé le montant de ces transferts pour la vieillesse, à 5,047 milliards d’euros pour 2002, et à 5,441 milliards pour 2003. A juste titre, la Caisse nationale d’assurance vieillesse et les organisations syndicales avec elle s’est insurgée contre le hold-up du Gouvernement sur les excédents. Ce sont 830 millions d’euros qui ont été ainsi ponctionnés. Si la compensation est un mécanisme justifié au regard des évolutions démographiques, ses modalités doivent faire l’objet d’un débat préalable. Actuellement le système de la surcompensation constitue un autre hold-up, dont est victime le CNRACL, au point qu’elle a dû souscrire un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Ce système pénalise, en outre, les administrés via l’augmentation de la fiscalité, faute de rechercher des financements nouveaux, assis sur une assiette plus large. Enfin, le transfert des agents techniques, ouvriers et de service de l’éducation nationale aux collectivité locales aura un impact sur le financement de leur régime de retraite : les cotisations patronales versées par les collectivités locales augmenteront de 15 à 20 %, ce qui représente pour l’Etat un moyen de réduire ses dépenses.

M. Daniel Paul - En 1947, la CNRACL, à laquelle sont affiliés les fonctionnaires et agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière se substituait aux 3500 caisses de retraite alors existantes dans ce secteur. Si ce régime compte aujourd’hui 2,76 cotisants pour un pensionné, la caisse est néanmoins en difficulté, du fait des transferts opérés à son détriment, et au bénéfice de régimes lourdement déficitaires - salariés agricoles, marins, mineurs, etc. La loi de 1974 avait instauré, au sein de l’ensemble des régimes de retraite des salariés, un mécanisme de compensation, justifié par le principe de solidarité et de réduction des inégalités. A ce premier mécanisme s’en est ajouté, en 1986, un second dit de surcompensation, entre les seuls régimes spéciaux. Cette surcompensation s’est traduite, la première année par un prélèvement de 4 milliards de francs sur la CNRACL. En 1992, le taux de prélèvement, jusqu’alors fixé à 22 %, a été porté par décret à 30 %, puis à 38 % l’année suivante, de sorte que le montant de la surcompensation atteignit 9 milliards de francs en 1999. Ces ponctions ont d’abord affecté les réserves des caisses, qui se sont épuisées dès 1994. Pour pouvoir maintenir le mécanisme de la surcompensation, le Gouvernement a alors décidé de majorer de 3,8 points le taux des cotisations employeurs. Parallèlement, le ratio cotisants-actifs du régime s’est dégradé, et continuera de le faire, selon le COR, au cours des vingt prochaines années, passant de 2,6 aujourd’hui à 2 en 2010 et à 1 en 2025, de sorte que la CNRACL devrait bénéficier à son tour, de la surcompensation. Déficitaire depuis 1998, son besoin de financement s’élevait en 2000 à 4 milliards de francs. Par deux décrets du 20 décembre 1999, le Gouvernement a décidé de relever le taux de cotisation employeur d’un demi-point en 2000 et 2001, et consenti à ramener le taux de surcompensation à 30 % en 2001. Ces mesures ont été arrêtés au vu des conclusions d’un groupe de travail du comité des finances locales, présidé par M. Frécon, qui a fait apparaître la dégradation de l’équilibre démographique du régime, vouée au déficit structurel à partir de indépendamment des mécanismes de compensation et de surcompensation. Nombre d’élus locaux ont dénoncé de transfert de charges vers les collectivités locales, qui a permis à l’Etat de diminuer, depuis 1986, le montant des subventions d’équilibre qu’il versait jusqu’alors aux régimes spéciaux. Voilà le résultat des politiques inconséquentes, menées au nom du dogme du « toujours moins d’impôts », du « toujours moins d’Etat », alors que les cotisations ne sont pas une charge, mais un salaire indirect et qu’il est patent que les cadeaux fiscaux n’ont aucun effet sur l’emploi !

Annexe 2 20 juin Après-midi

M. Daniel Paul - L’amendement 4569 est de suppression. L’article 7 élargit les compétences de la commission de compensation à l’examen des mesures affectant les mécanismes de compensation. Actuellement, la commission ad hoc, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, est composée de représentants des régimes. Elle donne un avis consultatif sur les montants des transferts de compensation entre les régimes de sécurité sociale. L’exposé des motifs de l’article indique que « les mécanismes de compensation démographique entre régimes de retraites seront réexaminés à travers une concertation spécifique avec les partenaires sociaux ». En ce qui concerne le dispositif de surcompensation, l’objectif poursuivi est de tendre à sa suppression. Dans son rapport pour 2002, la commission des comptes de la sécurité sociale estime le montant des transferts de compensation pour la branche vieillesse à 5 047 millions d’euros pour 2002 et à 5 441 millions pour 2003. L’ampleur des compensations, une fois de plus, met en lumière le besoin de financement. Je ne peux que me répéter quant au manque à gagner induit par les dettes patronales. L’URSAFF du Havre fait ainsi état de 52 millions d’euros de dettes pour 2002. Elles s’élèvent à 320 millions pour la Haute-Normandie. Certes, dans certains régimes, il existe bien un problème démographique ; certes, le principe de compensation participe de la solidarité, mais toutes les mesures de compensation doivent être appliquées dans la transparence et donner lieu à un débat au Parlement, ce que n’envisage pas cet article.

M. Jean-Pierre Brard - D’une certaine façon, l’article 7 est platonique. « La commission de compensation est consultée pour avis sur tout projet de modification des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale et ses avis sont rendus publics ». Soit. L’exposé des motifs de l’article précise que le Gouvernement s’est engagé à réexaminer les mécanismes de compensation démographique entre régimes de retraite à travers une concertation avec les partenaires sociaux. Voilà qui n’engage que ceux qui y croient.

M. Maxime Gremetz - Qui pourrait s’opposer à l’information des assurés sur leur retraite ? Une information sincère leur permettrait de mesurer précisément ce qu’ils vont perdre avec cette réforme ; mais au lieu de cela, ils ont droit à une lettre du Premier ministre qui prétend que c’est une réforme équitable et qu’elle fait l’objet d’une réelle adhésion... Pourtant, 65 % des Français disent et répètent sur tous les tons - et vont continuer à le faire, n’ayez pas d’illusions là-dessus, Monsieur le ministre - que c’est une mauvaise réforme. Du reste, vous avez tellement de difficultés que vous accusez tout le monde de désinformer nos concitoyens ! Dans cet article, vous transférez à l’assuré la responsabilité d’obtenir l’information qui le concerne et vous déchargez les caisses de leurs devoirs en ce domaine. C’est totalement anormal ! Un exemple : moi-même, étant député, je pensais que je ne pouvais pas liquider ma retraite du privé. Or j’ai appris incidemment que j’y avais droit depuis l’âge de 60 ans, donc depuis deux ans... Ma caisse ne m’en avait jamais informé ! En laissant l’information à l’initiative des individus, vous favorisez les salariés les plus formés, vous aggravez l’inégalité devant l’information. Les assurés doivent être informés sans en faire la demande : tel est le sens de nos amendements.

Mme Muguette Jacquaint - Il paraît a priori positif d’instituer un droit d’information des assurés. En réalité, ce qu’on propose d’inscrire dans la loi existe déjà dans la pratique, les caisses du régime général et les caisses complémentaires répondent aux demandes des assurés et leur fournissent des informations de façon automatique à partir de 58 ans - et bientôt 55.

M. Pierre Hériaud - Sauf à M. Gremetz !

Mme Muguette Jacquaint - Sans doute cette information gagnerait-elle à être étendue, mais sa qualité paraît actuellement satisfaisante. Dans ces conditions, pourquoi légiférer sur ce sujet ? S’agit-il d’opérer un coup médiatique auprès des assurés, ou de créer un instrument à d’autres fins, par exemple fournir aux assurés aisés des informations sur des opportunités pour investir dans des fonds de pension ? Vous prétendez servir la démocratie. Permettez-moi d’en douter. Le GIP sera libre de fournir les informations de son choix, par exemple pour convaincre les retraités et futurs retraités que la réforme est bonne, alors que tout prouve le contraire. Nous sommes favorables à une information complète des assurés, et hostiles à une information uniquement publicitaire.

M. Daniel Paul - Comment qualifier cet article 8 ? Sous son apparence innocente affleure un parfum de perversité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Qu’en dit le rapporteur ? « Le présent article reconnaît aux assurés le droit de connaître de manière globale leurs droits. Cela doit, le cas échéant, leur permettre de prendre à temps les décisions nécessaires afin de préparer leur retraite en toute connaissance de cause. Il prévoit en outre l’élargissement aux régimes complémentaires du précalcul de la pension, actuellement circonscrit aux régimes de base. L’âge auquel interviendra ce précalcul, aujourd’hui fixé par décret à 59 ans pour les régimes de base, devrait être abaissé à 58 ans puis, par étapes, à 55 ans. Le même décret pourra prévoir une estimation sur la base d’une carrière type à un âge plus précoce. Ce précalcul devra faire l’objet d’une coordination entre les régimes concernés. » Il s’agit d’une parfaite duperie ! Ce dispositif aura pour résultat de faire apparaître la nécessité de rechercher le plus tôt possible des compléments financiers à une maigre retraite. Encore ne le feront que ceux qui le pourront. Dans ma circonscription, 63 % des foyers ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Je serais surpris qu’ils puissent trouver des compléments de retraite. J’ai sous les yeux la fiche de paie d’une gérante de magasin qui va sur ses 56 ans. En février 2003, sa rémunération s’élevait à 970 €. Son conjoint perçoit 721 € pour 169 heures, et en fait davantage, soit moins que le SMIC. Combien de personnes, quel que soit leur statut, seront en mesure de bénéficier d’une retraite décente ? Ce qui compte pour vous, aussi bien, n’est pas qu’elle soit décente, mais que son niveau conduise les ayants droit à souscrire des fonds de pension. Tout est mis en _uvre dans votre réforme pour encourager les assurés sociaux à investir sur les marchés financiers ou à travailler plus que de raison. Aussi ne voterons-nous pas l’article 8.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 4620 vise à supprimer les modifications, dans un sens défavorable, de l’information des assurés sur leur reconstitution de carrière notamment. Les salariés doivent pouvoir se déterminer en toute connaissance de cause sans avoir à demander une information de qualité et objective, attirant l’attention sur les démarches à suivre. Cet amendement s’inscrit dans la logique de notre conception de l’information des assurés, démocratique et citoyenne.

M. Jean-Pierre Brard - L’amendement 4621 est défendu. La dextérité de M. le Ministre est grande, mais les difficultés seront là. Le Premier ministre a ainsi éprouvé le besoin d’écrire aux Français. Après M. Rocard et M. Piketty, M. Chérèque s’exprime aujourd’hui dans Le Monde. Monsieur Chérèque tient le même discours que le ministre, mais lequel des deux nuit le plus à l’autre ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) L’article 8 est comparable à la langue d’Esope, qui peut être la meilleure ou la pire des choses : la meilleure si votre projet de loi était bon, la pire, en fait, car vous vous évertuez à taire les conséquences de votre réforme. Mais il est vrai que pour aider MM. Bébéar ou Kessler, il faut bien qu’à un moment ou à un autre vous leur permettiez de ramasser la mise. Ils sont là, déjà, avec leurs contrats (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Après avoir endormi les Français, vous leur demandez d’aller voir ce que sera la réalité de leurs retraites. Quand ils calculeront leur taux de remplacement réel, l’anxiété dont parlait M. Accoyer deviendra réalité. Ils verront les frondrières qui sont sous leur pas.

M. Balladur m’écoute attentivement. Il est vrai qu’il existe une vraie continuité entre lui et M. Fillon puisque 1993 a été le commencement de la déstabilisation du régime des retraites. Monsieur Balladur, nous attendons que la paternité du projet de loi vous soit attribuée, avec plus de reconnaissance à votre égard que M. Fillon n’en a témoigné jusqu’ici.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement pose une vraie question. La France est en effet l’un des pays où le taux d’employabilité des salariés âgés de 50 à 55 ans est le plus faible. Pourquoi ? D’une part, ces salariés sont les premières victimes des licenciements collectifs économiques qui sont souvent en fait des licenciements boursiers. D’autre part, après les avoir exploités, pressurés, usés, les entreprises décident de recruter des salariés plus jeunes. En outre, si l’on compte en France, selon l’INSEE, 6,5 millions d’ouvriers au sens strict, nombreux sont les salariés qui, sans être répertoriés dans cette catégorie, connaissent également des conditions de travail très difficiles. Les employeurs doivent changer de culture et cesser de considérer que, parce qu’un salarié vieillit, il devient moins productif et qu’il faut s’en débarrasser ! Quant à leur accès à la formation professionnelle, c’est risible. Ils n’y ont jamais eu accès. Les comités d’entreprise n’ont pas un mot à dire, même s’ils sont tenus informés des plans de formation et cette dernière bénéficie à ceux qui en ont le moins besoin. En fait, vous formulez un v_u pieux. Je ne suis pas opposé à cet amendement, mais des propositions concrètes sont nécessaires pour relever le défi de l’employabilité de ces salariés.

M. Maxime Gremetz - Ce sous-amendement est très intelligent. Que dit en effet l’amendement ? Que la raison du faible taux d’activité des plus de 50 ans est le coût de ces emplois pour les entreprises... M Fillon s’est dit : « On ne peut quand même pas dire cela » ! En effet, ce n’est pas digne envers ces salariés qui ont tout apporté à l’entreprise, et qu’on met au chômage, souvent avant 50 ans, après les avoir utilisés. Ils ne sont plus assez productifs, dit-on, et surtout ils coûtent cher : ils ont de l’ancienneté, des savoir-faire, parfois des qualifications, et puis ce sont des emplois stables, pas des CDD ou des intérimaires... Si leur taux d’activité est faible, ce n’est pas qu’ils ne veuillent plus travailler : c’est qu’on ne veut plus les employer. Et l’amendement vient justifier ces pratiques, en reconnaissant qu’en effet ils coûtent cher ! Alors on va réduire le coût du travail, pour qu’on les embauche tout de même un peu... On croirait qu’il s’agit d’emplois aidés pour des handicapés. Qu’est-ce que cette politique ? Elle est inhumaine et indigne. Et c’est pourquoi le sous-amendement est intelligent : M Fillon s’est avisé qu’on ne pouvait pas laisser dire ces choses. Ce que l’amendement propose pour développer l’emploi des salariés âgés, c’est un rapport au Parlement sur la réduction des charges sociales pour leur emploi ! La voilà, la grande politique pour l’emploi et la formation ! Le ministre, lui, propose de parler des mesures « prises pour favoriser le maintien en activité des salariés âgés ». C’est bien dit, mais pour mieux masquer la réalité. Franchement, moi qui ai été ouvrier, je me sens atteint dans ma dignité.

M. Jean-Pierre Brard - Comme l’a dit M. Le Guen, l’amendement de M. Accoyer manque vraiment de pudeur. L’expérience l’a montré, alléger les charges n’a jamais ralenti la hausse du chômage. En revanche, cela creuse les déficits, ce qui permet ensuite de remettre en cause les systèmes de solidarité. Bien souvent, on invoque des exemples étrangers. Mais nulle part on ne trouve de telles usines à gaz pour alléger les charges, et les salariés ne partent pas à la retraite aussi tôt. Mais bien sûr, on fait confiance à M. Seillière. Quant au sous-amendement de M. Fillon, comme d’ordinaire l’exégèse en est délicate. Il supprime bien la référence impudique à l’allégement des charges. Mais c’est pour laisser les mains libres au Gouvernement. Si l’amendement de M. Accoyer est immoral, la moralité, ce serait plutôt de pénaliser financièrement l’employeur qui écarte les salariés les plus âgés. Vous aviez, Monsieur le ministre, évoqué cette hypothèse dans votre propos introductif la semaine dernière. Mais il ne serait guère prudent de donner un chèque en blanc à un gouvernement quel qu’il soit. Il faudrait des précisions. M. Accoyer oppose les jeunes et les anciens. J’ai dit comment Cicéron recommandait aux premiers de s’inspirer de leurs aînés. Des seconds, il disait : « L’agriculteur, même devenu vieux, n’hésite pas à répondre à qui lui demande pour qui il plante : pour les dieux immortels. Ils ne veulent pas que je me borne à hériter ce bien de mes ancêtres, ils veulent que je le transmette à ma postérité. »

Mme Muguette Jacquaint - La situation de l’emploi est très préoccupante, notamment pour les jeunes. Dans mon département, le chômage des jeunes remonte en flèche. Cela ne va pas inciter au maintien au travail des seniors... Cet article n’est en aucune manière un outil légitime pour sauvegarder notre système par répartition, sinon qu’il permet de contrecarrer la baisse attendue, du fait de votre projet, du niveau des pensions. Pour vivre à peu près correctement, un retraité devra prolonger sa durée de cotisation au-delà même de l’âge requis. Comme l’a dit Maxime Gremetz, on n’a jamais vu cela ! Le problème des salariés âgés touche de nombreuses femmes. J’ai déjà parlé de cette entreprise de blanchisserie où les conditions de travail sont dignes d’un autre âge : la température y dépasse parfois cinquante degrés ! Que cherche l’employeur ? Non pas à faire baisser la température, mais à trouver du sang nouveau car, après 45 ou 50 ans, les salariées quitravaillent dans des conditions pareilles demandent à s’arrêter. Face à cela, vous pourrez toujours inciter l’employeur à conserver son personnel au-delà de cinquante ans ; les exonérations de charges qui lui sont accordées le conduiront toujours à recruter des jeunes, sous-payés et exploités, puis rejetés à leur tour trente ans plus tard ; ce qu’on appelle les salariés kleenex. Voilà pourquoi nous sommes hostiles à l’article 9.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 4655 tend à supprimer cet article 9. En effet, nous ne pouvons accepter que vous donniez comme seule perspective aux seniors de travailler jusqu’à l’épuisement pour pouvoir prétendre à une retraite convenable et que, ce faisant, vous bloquiez l’accès à l’emploi pour les jeunes. A l’appui de ces propositions, vous invoquez la démographie, mais de façon partielle. Vous ne parlez, par exemple, que de l’allongement de l’espérance de vie, jamais de la natalité - le mot n’a même pas été prononcé depuis le début du débat ! Si j’aborde cette question, ce n’est pas pour défendre la politique nataliste que prônent certains dans la majorité, favorables au maintien ou au retour des femmes à la maison, tant ils savent qu’une femme qui travaille, susceptible de confronter ses points de vue avec d’autres et de participer au mouvement social, est dangereuse pour leurs vues (Interruptions de députées sur les bancs du groupe UMP). Les femmes sont, hélas, sous-représentées à l’Assemblée nationale... Si je parle de natalité, disais-je, c’est pour rappeler que le taux de fécondité est actuellement de 2,19 enfants par femme. Or, cette donnée nouvelle, pourtant essentielle, n’est jamais prise en compte. Vous préférez proposer un dispositif bancal de cumul emploi-retraite.

Mme Muguette Jacquaint - Chacun sait que votre politique familiale vise à inciter les femmes, surtout les moins qualifiées, à se retirer du marché du travail et à rester chez elles en contrepartie d’une allocation. J’ai même entendu des propos en ce sens à la Délégation aux droits des femmes, ce qui est un comble ! Comment des femmes qui, du 1er janvier au 31 décembre, coupent des cous de poulet dans une usine pourraient-elles ne pas être enchantées d’être délivrées de cette tâche ? En attendant qu’après des poulets sans plumes - puisque pour accroître la productivité, on a réussi, paraît-il, à en faire naître -, on obtienne des poulets sans cou, la meilleure solution n’est-elle pas de renvoyer ces femmes à la maison ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Plus sérieusement, encore que le sujet précédent fût très sérieux, des milliers de femmes travaillent aujourd’hui à temps partiel dans les grands magasins et la grande distribution, alors même qu’elles souhaiteraient travailler davantage. Et que l’on ne me dise pas qu’Auchan ou Carrefour ne peuvent pas les payer quand on connaît les profits de ces groupes ! Vous proposez à ces femmes, qui auront été payées au minimum tout au long de leur vie et n’auront pu valider assez d’annuités pour avoir droit à une retraite décente, de continuer à travailler plus longtemps ainsi. C’est aller à l’inverse du progrès social. Voilà pourquoi nous demandons par notre amendement 4659 la suppression de l’article 9.

M. Maxime Gremetz - A l’UMP qui a déclaré cet après-midi que la gauche n’avait plus « le monopole de la solidarité », ou bien encore à M. Fillon qui se plaît à répéter que « l’immobilisme n’est pas synonyme de justice » et qu’au contraire, « il creuse les inégalités quand la réforme, elle, les fait reculer », tous propos que tient aussi bien M. Seillière, je me fais un plaisir de dire qu’avec cette réforme, vous opérez une régression sociale que personne jamais, avant vous, n’aurait osé entreprendre. Votre encouragement au cumul emploi-retraite n’est ni juste, ni équitable. Il constitue un formidable recul social, pis, un recul de civilisation. D’où notre amendement 4657.

Annexe 3 20 juin soirée

M. Maxime Gremetz - L’amendement 4674 tend à supprimer le I de l’article 9, qui traite
-  mal - du travail des « seniors ». Vous imputez la réduction drastique de leur taux d’activité par leur coût prohibitif pour les entreprises, et vous proposez donc d’aider financièrement ces dernières à continuer de les employer - alors qu’ils sont les premières victimes des plans de licenciement dans les grandes multinationales, mais non pas dans les petites entreprises qui savent bien que ces salariés sont de par leur expérience, leur savoir-faire, leurs aptitude à former les plus jeunes, de l’or en barres ! Au lieu de sanctionner ceux pour qui l’être humain, le travailleur, ne compte pas, ceux qui ont un coffre-fort à la place du c_ur, vous leur donnez encore de l’argent pour qu’ils conservent, charitablement, leurs salariés âgés ! On comprend que le Medef se réjouisse de ces nouveaux cadeaux... Révisez votre histoire sociale ! Le progrès, ce n’est pas la régression sociale ! Vous et le Medef n’avez que le mot réforme à la bouche. Vous réformez, c’est vrai, mais en reculant ! Nous, nous voulons une réforme progressiste, et vous ne proposez qu’une réforme régressive, antisociale, qui est un recul de civilisation.

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons déjà débattu en fin d’après-midi, du faible taux d’activité des salariés âgés. Ceux-ci ne demanderaient souvent pas mieux que de continuer à travailler. Je ne ferai pas la liste de toutes les entreprises qui licencient leurs employés de plus de 50 ans, car elle serait trop longue... Quels emplois croyez-vous que des techniciens ou ingénieurs en fin de carrière vont retrouver ? On ne leur proposera que des postes sous-qualifiés et sous-payés, qu’ils seront bien obligés d’accepter. Et leur salaire ne sera pas seul à diminuer : leurs pensions aussi, compte tenu du passage aux vingt-cinq meilleures années. Et qu’on ne me dise pas que ces licenciements permettent d’embaucher des jeunes ! Eux aussi sont touchés par les licenciements, et ne trouvent de travail qu’en CDD ou en intérim. Chez Renault, on compte 10 % d’intérimaires, pour l’essentiel des jeunes, dont le contrat ne sera pas renouvelé. Alors, lorsque vous nous promettez de trouver des moyens pour améliorer à la fois l’emploi des plus de 50 ans et celui des jeunes, nous sommes plus que sceptiques ! Si vous aviez des solutions miracles, il n’y aurait peut-être pas cette hémorragie actuelle d’emplois...

M. Jean-Pierre Brard - On ne peut pas élaborer un projet de société sans réfléchir à son assise théorique. Paul Laffitte, dans son ouvrage Jéroboam ou la finance sans méningite, rappelait que « le capital, c’est du travail accumulé » - je vois que vous êtes d’accord. Il ajoutait que « le capital, c’est le travail de plusieurs accumulé par un seul » - êtes-vous toujours d’accord ? Le travail, en revanche, c’est « du capital qui ne s’accumule pas »... Tout est dit : il y a d’un côté ceux qui travaillent, et que vous voulez faire encore plus travailler, et de l’autre, ceux qui profitent du travail... Le XXe siècle a été une étonnante succession d’avancées : réduction de la semaine de travail et de la journée de travail, interdiction du travail des enfants et du travail de nuit des femmes... Mais dans ses dernières années, on a rétabli celui-ci, et au début du XXIe siècle, on allonge le temps de travail pour tout le monde ou, plus exactement, pour ceux qui le veulent et le peuvent. Les autres, usés par une profession difficile, sont physiquement obligés de s’arrêter, sans quoi leur employeur y pensera pour eux... Ce projet va donc réduire de façon drastique le taux de remplacement des revenus. Vous, vous ajoutez le travail au travail. Mais avez-vous pensé aux ouvriers de la voirie de votre ville, qui travaillent dehors par tous les temps, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il gèle ? Entre le calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années et l’allongement de la durée de cotisation, ils devront continuer à travailler, mais vous imaginez-vous exercer un tel métier après 60 ans ? Le résultat est qu’ils partiront avec des retraites de misère. Vous leur offrez certes de l’améliorer, en cumulant leur retraite avec un autre emploi... J’espère qu’après avoir entendu cela, vous allez voter l’amendement 4675.

M. le Président - Sur ces amendements, je suis également saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

Mme Marie-George Buffet - Aujourd’hui, les avancées rendues possibles par les luttes des salariés et le progrès technique devraient permettre à chacun de conduire sa vie en trouvant un équilibre entre périodes d’éducation, de formation, de travail, de repos, d’accès à la culture, de bénévolat. Un tel équilibre est propice au développement personnel comme au développement économique et social. Or votre loi opère un véritable recul de civilisation : faire travailler les retraités faute de moyens suffisants pour vivre, alors que tant de jeunes connaissent le chômage ou la précarité ! J’étais ce matin à la relève de l’équipe de nuit de Citroën-Aulnay. J’ai vu passer devant moi une masse de jeunes âgés de 18 à 25 ans : 1 800 intérimaires, qui travaillent de nuit sur les chaînes ! Nous leur avons parlé de votre réforme : ils avaient du mal à s’imaginer travailler ainsi quarante ou quarante-deux ans, sans aucun droit, et sans salaire correct... Nous avons ensuite vu les ouvriers de plus de cinquante ans - de l’équipe de jour, usés par le travail ; ils sont très mobilisés contre une réforme qui met en cause leur vie, ni plus ni moins. Il ne faut pas banaliser l’idée de travailler deux, trois, quatre ans de plus : imaginez ce que cela représente pour eux ! Et à qui profitera tout cela ? A quelques patrons, qui vont encore une fois s’enrichir au détriment du peuple. Cette loi est un déni de progrès. Pour permettre à notre nation de continuer à allier indépendance du pays, développement économique et progrès social, il faut voter l’amendement 4669.

Mme Jacqueline Fraysse - Pour la première fois dans notre histoire, on veut faire tourner la roue du progrès à l’envers. Plus les sciences avancent, plus la connaissance progresse, et moins il faudrait que le peuple en profite ! C’est cela, votre réforme (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La condition humaine devrait reculer à mesure que la science progresse. Mesurez-vous l’absurdité d’une telle proposition ? Ne voyez-vous pas qu’elle est inacceptable et intolérable ? Jamais les hommes et les femmes de ce pays n’accepterons de travailler jusqu’à l’âge de 75 ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ayez au moins du bon sens, si vous n’avez pas de c_ur ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous ne vous demandez donc pas pourquoi il y a des mouvements sociaux d’une telle ampleur ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je suis maire de Nanterre. Dans mon conseil municipal, il y a des élus d’opposition. L’un d’eux, militant UMP, a déclaré par deux fois que son devoir était de faire savoir au Président de la République que votre réforme était inacceptable. Il a eu le courage de le dire !

M. Patrick Ollier - Donnez-nous son nom ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse - Les débats d’un conseil municipal sont publics et l’intéressé en avait bien conscience. Votre attitude n’est guère élégante.

M. Jean-Pierre Brard - Il va être exclu !

Mme Jacqueline Fraysse - Les progrès scientifiques et techniques n’ont pas seulement allongé la durée de la vie, ils ont permis d’augmenter considérablement la productivité et la quantité de richesse produite. Il ne s’agit pas de faire travailler davantage les salariés, mais de répartir ce supplément de richesse. Nous aurons le même débat sur la protection sociale... (M. Besselat imite la voix de Mme Fraysse ; vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone - C’est scandaleux !

Mme Jacqueline Fraysse - C’est incroyable ! C’est à croire qu’ils n’ont vraiment rien à dire ! Si vous trouvez normal de devoir travailler jusqu’à 80 ans, prenez la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

A la majorité de 50 voix contre 21 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, les amendements 4669 à 4675 ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le Président, le groupe communistes et républicains combat ce texte de manière sérieuse. Les femmes qui siègent ici, quelle que soit leur appartenance politique, jouent leur rôle légitimement. L’interruption à laquelle nous venons d’assister est une insulte !

M. le Président - Je vais suspendre la séance pour calmer les esprits

Mme Jacqueline Fraysse - Je défendrai l’amendement 4714. Malgré des engagements pris, il y a séance cette nuit, et nombre de députés de province, contraints de retourner dans leur circonscription, ne peuvent y assister (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C’est vrai chers collègues de l’opposition, vous êtes là, mais on ne vous entend pas beaucoup ! Vous vous étonnez que les Français ne vous suivent pas, mais les coups de théâtre de M. Raffarin ont tendance à tomber dans le vide ! Votre ministre est seul à défendre son texte. Épaulez-le un peu, il commence à avoir l’air fatigué ! Mais il est vrai que vous semblez à court d’arguments... Les députés de province de mon groupe ont, eux, des choses à dire. L’amendement 4714 vise à supprimer une disposition qui généralise à l’ensemble des actifs le principe du cumul emploi retraite. Loin de répondre aux besoins des retraités, le Gouvernement reconnaît ainsi la grande misère de certains d’entre eux, et notamment des paysans. Selon la confédération nationale des syndicats d’exploitations familiales, leurs retraites figurent parmi les plus basses de toutes les catégories socioprofessionnelles, malgré les revalorisations accordées ces dernières années. Les pensions des conjoints sont, elles, encore inférieures de 30 à 50 %. Un agriculteur âgé de 61 ans, ayant travaillé dix ans en tant qu’aide familial et trente comme chef d’exploitation, perçoit, après être parti en retraite à 60 ans, 1721 € nets par trimestre. Votre seul progrès est la mensualisation des pensions, ce qui représentera - tenez-vous bien - 573 € par mois ! Certes, la loi de 2001 sur la retraite complémentaire devrait améliorer quelque peu leur pension, mais elle ne concerne pas les plus mal lotis : les conjoints et les aides familiaux. Quant aux actifs, ils devront cotiser davantage pour bénéficier de la complémentaire. Il faut un peu d’histoire pour comprendre le régime particulier du monde agricole. L’agriculteur est un travailleurs indépendant. Leurs dirigeants syndicaux n’avaient pas souhaité, à la Libération, que la profession cotise à la sécurité sociale. Plus tard, la Mutualité sociale agricole est devenue obligatoire pour les chefs d’exploitation et leur famille, tant pour la maladie que pour la vieillesse. Les cotisations, relativement élevées par rapport au revenu des paysans, sont prélevées deux fois par an. La MSA a toujours été lourdement déficitaire et chaque année, le Parlement vote le budget annexe des prestations sociales agricoles. Cela n’a rien de scandaleux : le nombre d’agriculteurs diminue chaque année depuis cinquante ans. Les paysans élèvent des enfants qui cotiseront dans d’autres caisses que celles de l’agriculture. La profession compte aujourd’hui trois fois plus de retraités que d’actifs. Chez les paysans, le passage à 160 trimestres de cotisation aurait des conséquences particulièrement néfastes. Les jeunes chefs d’exploitation succèdent en général à leurs parents entre 28 et 30 ans, après avoir travaillé comme aide familial non rémunéré, ce qui ne permet de capitaliser que 20 € de pension par an. Le paysan qui part à la retraite à 60 ans cumule en moyenne 120 trimestres de chef d’exploitation et 30 à 40 d’aide familial. Même avec une carrière complète, les pensions demeurent très faibles. Par ailleurs, on ne peut exercer un métier aussi physique après 60 ans.

L’amendement 4714, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 4676 à 4682 sont identiques.

Mme Muguette Jacquaint - Ils sont défendus. Les amendements identiques 4676 à 4682, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 4718 à 4724 sont identiques. Mme Muguette Jacquaint - L’amendement 4722 supprime le deuxième alinéa du II de l’article. J’aimerais poser une question précise au ministre. Imaginons un patron qui licencie - ce n’est guère difficile. Xavier Bertrand nous affirme qu’il ne pourra pas réembaucher les salariés mis à la porte. Encore heureux ! Mais les sous-traitants, qui travaillent avec les grandes entreprises, pourront-ils les réembaucher ? Ils offriraient ainsi des débouchés aux cellules de reclassement des plans sociaux des grandes entreprises, et bénéficieraient d’une exonération de charges pour réembaucher le salarié licencié à 51 ou 52 ans par la grande entreprise : quelle affaire !

M. le Président - La parole est à Mme Jacquaint.

M. Pierre Lellouche - « Liberté, j’écris ton nom ! »

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur Lellouche, vous ne savez dire que « y en a marre », « c’est nul »... Si vous voulez nous convaincre que le texte est bon, prenez la parole ! L’article 10 tend à faire passer l’âge de la retraite à 65 ans ce qui représente un bond de vingt ans en arrière. Depuis la révolution industrielle, le droit du travail a évolué vers un mieux-être pour le salarié. Il a fixé des règles sur lesquelles vous voulez aujourd’hui revenir, au prétexte de préserver le système par répartition et la solidarité nationale. Pour y parvenir, nous pensons qu’il y a mieux à faire. En entendant qu’il faudra travailler cinq ans de plus pour bénéficier d’une retraite de plein droit, les jeunes auront du mal à croire que vous voulez améliorer leur sort. Beaucoup de Français travaillent en pensant au temps où ils pourront prendre leur temps. Mais pour en profiter, il faut être en forme. Sans doute, comme vous essayez de nous le démontrer, un retraité d’aujourd’hui n’est plus un retraité d’hier. Il profite de sa retraite, c’est bien, et c’est d’ailleurs peut être ce qui vous gêne. Pour le Gouvernement, le problème est d’abord financier. Nous avons fait des propositions : maintien du calcul de la pension sur la base du salaire brut, modulation de l’assiette de cotisation sociale patronale, extension des prélèvements sociaux à tous les revenus financiers. Vous n’avez retenu aucune d’entre elles. Tentez de les expérimenter ! Comme nous devons faire le point dans cinq ans, il sera toujours temps de les remettre en cause.

M. Jean-Pierre Brard - Depuis quinze jours, vous avez cité d’une façon assez facétieuse, Monsieur le ministre, un certain nombre de noms - M. Charpin, M. Rocard - dont on ne sait pas pourquoi ils ont changé d’opinion. Mais chacun a ses relaps... Je vais quant à moi vous citer un autre nom, celui d’un excellent économiste, M. Liêm Hoan Ngoc (Murmures sur divers bancs). Je le cite : « La réforme que vous défendez n’est pas une réforme progressiste. C’est une réforme conservatrice parce qu’elle préserve l’ordre établi dans le partage du gâteau. La réforme écarte la hausse des cotisations patronales pour considérer que la feuille de paie reste la principale économie de l’emploi, reprenant en cela un leitmotiv scientifiquement contesté de la pensée unique de ces dix dernières années aboutissant à soustraire 25 milliards d’euros par an d’allégements de charges aux budgets sociaux. L’assiette évoquée permettrait de taxer des profits dont l’augmentation de dix points dans la valeur ajoutée depuis 1984 ampute aujourd’hui de près de 150 milliards d’euros par an les ressources nécessaires au financement du régime de retraite par répartition. » Qui disait également, en 1995, que la feuille de paie ne devait pas être l’ennemie de l’emploi ? C’est M. Chirac.

M. Julien Dray - De la fracture sociale à la facture sociale !

M. Jean-Pierre Brard - Je n’imagine pas, Monsieur le ministre, que vous soyez infidèle à la pensée profonde du Président de la République (Sourires). L’article 10 prévoit de repousser à l’âge de 65 ans la possibilité de mise à la retraite du salarié par l’employeur. Ainsi, un salarié qui a dépassé l’âge de 60 ans et qui remplirait les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein ne pourrait plus être mis à la retraite par son employeur pour ce simple motif. Le Gouvernement pense ainsi augmenter le taux d’activité des seniors. Selon nous, c’est le plein emploi à tous les âges qu’il serait nécessaire d’atteindre en améliorant les garanties des salariés, notamment en développant une sécurité sociale professionnelle. Vous continuez à prétendre que vous allez favoriser l’emploi jusqu’à 60 ans et au-delà alors que Le Monde, publiant des statistiques d’organismes d’Etat, montre que c’est l’inverse qui se produit. Vous nous faites penser aux théologiens de Byzance qui continuaient à discuter du sexe des anges alors que les Turcs étaient déjà sur les remparts. Il faut donner la priorité aux politiques de l’emploi qui permettraient aux jeunes d’accéder à des emplois stables et aux salariés âgés qui le désirent de continuer à exercer une activité professionnelle. Pour ce faire, il conviendrait de donner à ces derniers la possibilité d’accéder à la formation tout au long de la vie. Or, les négociations sur la formation professionnelle rouvertes par les partenaires sociaux en décembre 2002 ont été marquées dernier par un échec concernant le temps de formation. La proposition patronale - condamnée même par la CFDT - prévoyait un contingent annuel de 140 heures de formation en plus du quota autorisé de 180 heures supplémentaires. Ces 140 heures se feraient en dehors du temps de travail mais le salarié qui les effectuerait ne pourrait pas les refuser à son employeur et ne serait pas rémunéré en heures supplémentaires. Dans sa forme actuelle, le projet d’accord du Medef cherche également à définir la formation tout au long de la vie. Il prévoit la possibilité d’un entretien professionnel tous les deux ans pour les personnes ayant au moins deux ans d’ancienneté dans la même entreprise, ainsi que celle d’un bilan de compétence pour les seniors. Il précise le contenu du passeport pour l’emploi utilisé à la seule initiative du salarié et insiste sur l’importance de la validation des acquis de l’expérience. Même la CFDT estime que « les choses n’avancent pas. Les questions de méthode sont en train de tuer le fond. La délégation patronale semble avoir de grandes difficultés à trouver ses marques ». Le Medef cherche à faire adopter cette proposition sans augmentation de la contribution patronale à la formation professionnelle sauf pour les entreprises artisanales. Il torpille ainsi votre argumentaire, pourtant savamment bâti. Cela devrait vous encourager à retirer cet article, à défaut de retirer l’ensemble de votre projet.

PCF Bourges