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EN DIRECT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE À PARTIR DU 10 JUIN
Débat parlementaire sur les retraites

25 juin 2003

par PCF Bourges

Débat parlementaire sur les Retraites 13ème journée 25 juin 2003

La journée de 25 juin a vu la poursuite de la discussion sur les articles 19 à 24. Vous trouverez en annexe les éléments concernant les interventions des députés communistes.

Annexe 1. Question au gouvernement à propos du débat sur les retraites (Jacqueline Fraysse). Débat sur les retraites : Indexation des pensions (Jacques Desallangre, Jean-Pierre Brard), Niveau des pensions (Michel Vaxès, Jean-Pierre Brard, Jacques Desallangre), Dégradation des pensions (Michel Vaxès), Rachat des années d’étude (Jacques Desallangre, Michel Vaxès, Jean-Pierre Brard, André Chassaigne), validation des périodes de chômage (André Chassaigne, Jacques Desallangre), Retraite et allongement de la vie (André Chassaigne, Jean-Claude Sandrier) cojoint survivant (Michel Vaxès).

Annexe 2. Reversion (André Chassaigne, Jacques Dessalangre, Michel Vaxès), prestation veuvage (Jean-Claude Sandrier), Travail à temps partiel (Jean-Claude Sandrier), Salariés de plus de 55 ans (André Chassaigne), Taxation des stocks-options (Jacques Desallangre), fonction publique (Jean-Claude Sandrier), CNRACL (Michel Vaxès, Jacques Desallangre, Maxime Gremetz).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 24 juin Après-midi

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RETRAITES

Mme Jacqueline Fraysse - Monsieur le Premier ministre, sur les retraites, vous affichez une sérénité victorieuse, qui colle mal avec la réalité, puisque 65 % des Français rejettent votre réforme et plus de la moitié souhaitent que vous repreniez les négociations (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Sans doute est-ce pour cela que vous avez écrit, le 10 juin dernier, une lettre à chaque Français. L’opinion de nos concitoyens compte et c’est ce qui motive notre engagement. Nous voulons un débat de fond sur des propositions alternatives à votre projet. Nous ne cherchons ni la polémique ni l’obstruction (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), nous défendons des propositions concrètes qui nécessitent une confrontation sérieuse. D’ailleurs personne ne peut croire que sur un sujet aussi complexe, les députés de la majorité aient tous la même opinion. Ils ont des interrogations et des propositions - nous les apprenons par des dépêches d’agence ! Il faut en débattre ici. Evidemment cela prend du temps : on a su le prendre sur d’autres sujets - il y a eu 166 heures de débat sur la presse en 1983. Sur la retraite, nous en sommes à 100 heures : rien d’anormal pour une réforme qui nous engage jusqu’à 2040. Vouloir bâcler le débat en quelques jours n’est pas responsable (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). De plus, nous sommes en fin de session. Personne ne comprendrait qu’on légifère précipitamment : les mauvais coups de l’été laissent un goût amer à nos concitoyens (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). La plupart des syndicats sont prêts à reprendre les négociations : répondez à cet appel ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Jacqueline Fraysse - Si cette approche raisonnable et constructive demande que le débat parlementaire se poursuive à l’automne, allez-vous continuer à vous accrocher à un calendrier qui ne tient pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur divers bancs)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Madame Fraysse veut du temps. Elle est logique avec elle-même car du temps, l’opposition en a pris beaucoup ; pendant cinq ans, elle a réfléchi à l’avenir des retraites ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Le débat sur le projet du Gouvernement a déjà duré 91 heures, dont 11 heures 30 ont été consacrées à des rappels au Règlement et à des suspensions de séance. Nous avons examiné plus de 10 000 amendements dont 90 % d’amendements identiques (Huées sur les bancs du groupe UMP). Certains sont d’ailleurs déroutants, comme celui du groupe des députés communistes et républicains tendant à abroger l’interdiction faite aux entreprises de licencier avant 65 ans. L’opinion a parfois du mal à suivre... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP) Malgré tout, le Gouvernement est patient et déterminé car chaque heure qui passe confirme que l’opposition n’a aucune alternative sérieuse et nous rapproche de notre but : sécuriser les retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

ART. 19 (suite)

M. le Président - J’appelle les amendements identiques 5262 à 5268 du groupe communiste et républicain.

M. Jacques Desallangre - L’amendement 5262 tend à supprimer cet article, lequel pourrait s’intituler « De l’indexation des retraites sur les prix ou comment s’appauvrir en vieillissant ». Le Gouvernement prétend que cette indexation garantira le pouvoir d’achat des retraites. Il n’en est rien, car les retraités, empêchés de bénéficier des fruits de la croissance, s’appauvriront relativement. Sur la base d’une augmentation annuelle moyenne de 1,6 % du salaire réel, hypothèse formulée par le COR, sa pension aura baissé de 35 % par rapport au salaire moyen pour un homme à la fin de sa vie et de 50 % pour une femme. Pour les quadras actuels, qui prendront leur retraite vers 2020, cette baisse atteindra 44 % pour un homme et 57 % pour une femme. Comment pourront-ils payer leurs frais de séjour en maison de retraite si le pouvoir d’achat de leur pension est resté le même qu’au départ alors que ces frais auront augmenté, eux, plus vite que l’inflation ? Les pensions des fonctionnaires sont actuellement indexées sur la valeur du point d’indice et bénéficient des revalorisations indiciaires accordées aux actifs, toutes mesures qui, historiquement, visaient assurer la parité de leur évolution avec les traitements. Depuis 1982, l’insuffisance de la revalorisation du point d’indice, inférieure à l’inflation, a contribué à amputer le pouvoir d’achat des actifs comme des retraités, de manière redoutable dans les années 1980. Cette amputation a été en partie compensée par des mesures catégorielles au profit des actifs - primes, indemnités, passage à la hors classe... -, sans répercussions pour les retraités. Le lien entre salaire et traitement s’est donc déjà sérieusement relâché. L’indexation sur les prix seuls le rompra définitivement. D’où nos amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, pour notre part, nous n’avons jamais accepté l’indexation sur les prix et notre position n’a pas changé. Dans une démocratie, notre rôle est d’être à l’écoute de nos concitoyens et sans doute si nous les avions écoutés davantage, aurait-on évité le triste résultat du 21 avril 2002 ! Il faut lire le texte de l’article attentivement. Il y est indiqué que les pensions seront indexées sur les prix mais aussi que tous les trois ans, « une négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pourra conduire ces derniers à faire des propositions sur l’évolution des pensions. Ces propositions devront tenir compte de la santé financière des régimes de retraite et de la croissance économique du pays. » Nous avions bien compris qu’il n’était pas nécessaire de prévoir de taquet vers le haut, mais il n’y en aura pas non plus vers le bas ! Avec votre habileté coutumière, Monsieur le ministre, vous ouvrez, sans avoir l’air d’y toucher, une voie dangereuse. (Dénégations de M. le ministre) Vos dénégations n’y changeront rien. Ces mesures, aux conséquences lourdes pour les salariés, seront bien gravées dans le marbre de la loi, si par malheur votre texte est adopté.

M. Michel Vaxès - Monsieur le ministre, vous prétendez vous soucier que le niveau des pensions tiendra compte de la croissance. Mais rien de concret dans votre texte ! Avec le maintien de la réforme Balladur, votre réforme aggravera la baisse du taux de remplacement et du niveau des pensions. Lorsque vous dites qu’il suffira de travailler plus longtemps pour maintenir un taux de remplacement décent, vous ne dites pas la vérité : c’est impossible dans les faits. Le seul allongement de la période de référence suffit à diminuer de douze points le taux de remplacement. Cet article 19 n’a qu’un objectif : programmer la paupérisation des retraités. Où est le souci de justice sociale que le Gouvernement affirme la main sur le c_ur ? Nous voulons quant à nous assurer le maintien d’une parité de pouvoir d’achat entre les revenus des actifs et ceui des inactifs. Syndicats, associations de retraités et organismes officiels évaluent à plus de 10 % la régression du pouvoir d’achat des retraités sur les dix dernières années. Les taux de remplacement sont aujourd’hui de l’ordre de 76 %. Selon le COR, le seul effet des réformes antérieures ferait descendre le taux de remplacement moyen du secteur privé à 64 % d’ici 2040. La diminution est sensiblement la même dans le secteur public. La suppression, par la réforme Balladur, de l’indexation des retraites du régime général sur les salaires au profit d’une indexation sur les prix a rompu le lien de solidarité intergénérationnelle qui fonde la répartition. De même, l’application des accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993-1994 et 1996 a amplifié la tendance. C’est ce phénomène que vous voulez pérenniser avec l’article 19. Par ailleurs, les prélèvements sur les retraites, institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre, ont été multipliés par deux et demi entre 1993 et 1997, tant pour le régime général que pour le secteur public. Ils représentent près d’un mois de retraite nette par an. Loin d’être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il y a donc une urgente nécessité à inverser la tendance en offrant des garanties qui permettent la revalorisation des retraites et un rattrapage de pouvoir d’achat. L’amendement vise donc à supprimer le I de cet article.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, votre culture cinématographique est grande. Votre culture picturale ne doit pas être moindre, et vous savez que le cubisme est né du premier voyage en train de Picasso, de Barcelone vers Paris. Avec l’effet de la vitesse, ce qu’il voyait était comme démembré. Vous faites la même chose avec les retraites : vous voulez aller si vite que vous les démembrez. Je vous propose un arrêt sur image. Un fonctionnaire qui part avec 37 années et demie de cotisation subit une double perte : chaque année effectuée ne lui rapporte plus que 1,875 % au lieu de 2 %, et chaque annuité manquante se traduit par une décote de 3 %. La perte nette est de 13 %.

M. le Président - Permettez-moi de vous interrompre un instant pour signaler que, sur cet amendement, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Si le calcul s’effectuait sur les trois dernières années au lieu des six derniers mois, le recul serait encore plus marqué. Une salariée du secteur privé qui gagne 1 400 euros par mois et part à la retraite à soixante ans avec 32 années de cotisation touchera 581 euros en 2003, 525 en 2008, et 480 en 2020, avec la décote de 5 %. La baisse est de 20 %. Un salarié qui a alterné périodes de chômage et de travail, gagnant entre une et deux fois le SMIC et ayant cotisé pendant 40 ans perdra 20 % de ses droits. Vous comprenez pourquoi nous avons déposé cet amendement. La vitesse a peut-être un intérêt esthétique, mais quand il s’agit de l’avenir des retraites, il vaut mieux prendre son temps pour construire un régime qui ne reste pas, Monsieur Jacquat, de l’ordre du virtuel et du spirituel (M. Jacquat proteste).

M. Jacques Desallangre - Il s’agit de supprimer le premier alinéa de l’article 19. En prolongeant la réforme Balladur, vous confirmez la baisse considérable du taux de remplacement et du niveau des pensions, aggravant ainsi une situation déjà fortement dégradée. Vous ne dites pas la vérité quand vous affirmez qu’il suffirait de travailler plus longtemps pour maintenir le niveau de remplacement. Au contraire, l’augmentation du nombre d’années de cotisation fait baisser de 12 points le taux de remplacement. Et l’indexation des pensions sur les prix représente une perte d’au moins 10 % sur dix ans. La dégradation s’amplifie pour ceux qui n’ont pas les 40 annuités. La décote, même réduite à 5 % pour les salariés du privé, devient une arme redoutable contre la retraite à 60 ans. Par ailleurs, le nombre de trimestres exigés est relevé de 150 à 160, qui doivent tous être obtenus dans le régime général. Cela affectera 73 % des salariés, dont la totalité de « pluri-pensionnés » et la plupart des femmes. Depuis 1993, le pouvoir d’achat des retraités s’est érodé de 1 % par an, du fait de l’indexation sur les prix, et aussi des cotisations CSG. L’application concrète de cet article accentuera la paupérisation des retraités, et nous ne pourrons que le refuser.

M. Jacques Desallangre - Ces amendements suppriment le deuxième alinéa de l’article 19. La suppression de l’indexation des pensions sur l’évolution des salaires, en 1993, contenait déjà les germes d’une remise en cause du statut même des retraites. Les retraites sont des revenus du travail et un acquis des avancées sociales de la Libération. Supprimer cette indexation, c’était reconnaître un statut dérogatoire aux revenus des inactifs, multiplier les catégories afin d’opacifier le fonctionnement du système et dénouer les solidarités. La diversification des contrats de travail et l’opposition encouragée entre salariés du public et du privé s’inscrivent dans la même logique : diviser les catégories pour empêcher les mobilisations unitaires. Notre amendement vise à conserver la parité entre le pouvoir d’achat des actifs et celui des inactifs. La baisse des pensions est évaluée en moyenne à plus de 10 % sur les dix dernières années. Les taux de remplacement sont aujourd’hui en moyenne de 76 %. A ce rythme, le taux de remplacement moyen du privé descendrait à 64 % d’ici 2040. La suppression, par la loi Balladur de 1993, de l’indexation des retraites du régime général sur les salaires a rompu le lien de solidarité intergénérationnelle. Puis les accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires ont accentué le phénomène. De surcroît, les prélèvements sur les retraites, institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre, ont doublé entre 1993 et 1997. Les retraités sont les oubliés de la croissance, aussi est-il urgent d’inverser la tendance !

M. Michel Vaxès - Ces amendements proposent la suppression du paragraphe II de l’article 19. En effet, les projections, tant pour le secteur public que pour le privé, montrent que c’est une nouvelle dégradation des pensions qui est programmée par ce texte. Le maintien des mesures Balladur, en particulier l’allongement de la période de référence, a un effet redoutable car il augmente, surtout pour les carrières courtes, le risque de voir prises en compte de mauvaises années : mission d’intérim, contrats à durée déterminée, travail partiel imposé se traduiront par de lourdes amputations des retraites. Selon le COR, le taux moyen de remplacement du salaire par la retraite chutera de 78 % aujourd’hui à 71 % en 2020. De même, l’indexation sur les prix, et non plus sur les salaires, est nettement moins avantageuse. A ces deux dispositions, en vigueur depuis 1993, s’ajoute la création d’une décote pour annuité manquante dans la fonction publique, qui touchera plus d’un agent sur deux. En outre, l’allongement de la durée de cotisation augmentera la difficulté d’obtenir une retraite à taux plein et provoquera, jointe à l’application de la décote, une dégradation supplémentaire du niveau de pension. La durée de vie professionnelle réelle est en moyenne de 37,5 années, et la durée de cotisation validée de 34 ans seulement : l’exigence de 40 annuités en 2008, puis 42 en 2020, entraînera donc une amputation. Au total, d’ici à 2020, les retraités vont se voir voler la bagatelle de 60,9 milliards d’euros, soit une baisse du niveau moyen des pensions de 21 %. Quoi qu’en dise le Gouvernement, c’est bien l’appauvrissement des retraités qui est à l’ordre du jour, et cela gênera le développement économique.

M. Jacques Desallangre - Avec cette possibilité de rachat, vous essayez, semble-t-il, d’atténuer les effets négatifs de l’allongement de la durée de cotisation alors que l’entrée dans la vie professionnelle est de plus en plus tardive. Mais, selon la philosophie qui inspire tout ce projet, vous demandez le plus gros effort aux salariés sans envisager d’autre source de financement. Cette disposition, quasiment inaccessible aux plus modestes, est inégalitaire. Donner une possibilité de rachat seulement à ceux qui ont fait des études supérieures, c’est exclure tous ceux qui ont eu une autre formation. Plus juste que le rachat d’annuités au titre des années d’études aurait été la création, proposée par certaines organisations syndicales représentatives, d’un droit universel validant, après 18 ans, les périodes d’études, d’apprentissage et de recherche d’un premier emploi. Utopique, économiquement irréaliste ? Non ! C’est une question de choix de société, et de volonté politique. Il suffirait de créer un fonds abondé par l’Etat et les entreprises. Votre dispositif, inégalitaire, est aussi prohibitif pour les plus bas salaires. Comment les salariés à faibles revenus, les précaires, parmi lesquels beaucoup de femmes, pourraient-ils racheter sur trois ans des cotisations de 7 000 à 10 000 €. Combien de femmes, travaillant à temps partiel, pourront payer les cotisations correspondant à un taux plein ? C’est aussi cela, la réalité de la France d’aujourd’hui. En avez-vous bien conscience, Monsieur le ministre ? Parce que vos mesures sont inégalitaires et léseront les plus modestes, nous voterons contre l’article 20.

M. Michel Vaxès - Votre approche n’est pas la bonne, Monsieur le ministre. Et j’en prendrai occasion pour exposer la conception des élus communistes et républicains sur le lien qui devrait exister entre les années d’études et les cotisations pour la retraite. Les jeunes de 18 à 25 ans, quand ils s’engagent dans un projet d’études ou de formation, devraient bénéficier d’une allocation d’autonomie égale à 65 % du SMIC mensuel. Les jeunes expriment depuis des années ce besoin d’indépendance, sans que cela signifie une rupture avec leurs familles. Cette allocation serait une disposition de justice sociale, qui garantirait l’avenir de notre pays à travers celui de sa jeunesse. Notre groupe réitère sa demande de mise en place d’une telle allocation. Les jeunes aspirent à s’émanciper et à devenir des adultes. Mais quels critères retenir pour déterminer l’autonomie ? Trois critères semblent déterminants pour apprécier l’état adulte : un emploi stable, l’autonomie financière et l’occupation d’un logement payé par la personne elle-même. L’indicateur le plus lisible est en fait l’indépendance financière, qui est généralement la conséquence d’un emploi stable et la condition d’un logement personnel. L’allongement de la scolarisation, les périodes de précarité et de chômage que vivent les jeunes avant leur premier emploi stable, rendent nécessaire cette allocation. Il serait juste que ces périodes soient prises en compte dans le récapitulatif des trimestres obligatoires pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein. Aujourd’hui, environ 600 000 jeunes de 16 à 25 ans sont en grande difficulté. Le monde étudiant n’est pas épargné : près de 2 étudiants sur 100 connaissent une situation de pauvreté persistante, sans compter ceux qui ont rapidement abandonné leurs études en raison de difficultés matérielles, ni les 40 % obligés de se salarier pour poursuivre leurs études. Il est urgent d’aider cette population. Le pari sur la jeunesse, qu’il nous faut gagner, passe par l’accès à l’autonomie, condition de la responsabilisation. Dans notre pays, le décalage entre l’âge où cesse le versement des prestations familiales et celui de l’ouverture du droit au RMI rend le passage à l’âge adulte très difficile, et parfois destructeur. Est-ce acceptable ? Plus d’un quart des jeunes de seize à vingt-cinq ans n’étaient pas parvenus à l’indépendance à la fin des années 90, et ce nombre tend à augmenter. Une allocation d’autonomie faciliterait ce passage délicat. Qui pourrait être contre ? Certains pourraient considérer l’allocation comme un encouragement à l’assistance ou à l’oisiveté. Il n’en est rien. Tout d’abord, les jeunes ne réclament pas un « RMI jeunes » : ils savent qu’il les installerait dans une précarité durable, et les tirerait vers le bas. Surtout, une telle crainte traduit une méconnaissance de notre jeunesse qui, au jour le jour, sait faire preuve d’esprit d’initiative et de volonté citoyenne. Elle a démontré, dans le cadre des emplois-jeunes, qu’elle sait donner un sens à son activité et participer activement à la définition de nouveaux métiers correspondant à de vrais besoins sociaux. L’attribution de cette allocation d’autonomie serait la contrepartie d’un projet de formation et d’accès à l’emploi. Ce projet serait la seule condition à l’allocation. Mais on ne doit pas en faire un prétexte pour écarter ceux qui ne sont pas en mesure de se projeter dans l’avenir. Un accompagnement devrait aider ces derniers à bâtir un projet. Nul ne doit être exclu du dispositif, surtout pas les plus fragiles et les plus isolés. La société ne peut que gagner à appuyer des milliers de projets qui aideront les jeunes à construire leur avenir.

M. Jean-Pierre Brard - Comme beaucoup d’autres dans ce texte, les dispositions de cet article ne sont pas aussi sympathiques qu’elles peuvent le paraître au premier abord. Il s’agit, nous dit-on, de permettre aux salariés de racheter leurs cotisations pour certaines périodes. Mais les modalités concrètes du dispositif, fixées par décret, feront que plus le rachat sera tardif, plus il sera coûteux. Il portera en outre à la fois sur la part salariale et la part patronale. Une sélection par l’argent s’opérera donc inéluctablement, au détriment bien entendu des salariés les plus modestes. Les mieux lotis, occupant les postes hiérarchiques les plus élevés, pourront faire financer un rachat de cotisations par leur employeur : ce pourra même être un élément de négociation à l’embauche, de type golden hello. La justice et la solidarité auraient exigé que l’on facilite, par le biais d’une franchise ou d’un barème progressif en fonction du salaire, le rachat de cotisations pour les détenteurs des salaires les plus faibles. Cela aurait permis d’améliorer quelque peu les pensions les plus basses, déjà sévèrement amputées par votre réforme. Enfin, les sommes consacrées à racheter ces cotisations seront, à juste titre, déductibles de l’impôt sur le revenu. Mais quel avantage en retireront les personnes non imposables ? Un crédit d’impôt aurait été préférable.

M. André Chassaigne - Avant de défendre les amendements de suppression de mon groupe, je rappelle que nous avions déposé plusieurs amendements visant à rendre les périodes de formation validables pour le régime général de retraite, lesquels ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Le coût du rachat proposé est tout simplement prohibitif. De source syndicale, et selon des calculs effectués par le ministère du budget, un professeur certifié devrait en début de carrière payer 5 000 euros par année d’étude pour ne pas subir de décote. Ce montant pourrait grimper à 15 000 euros si le rachat est effectué en fin de carrière. Les enseignants nés en 1948, 1949 ou 1950 sont extrêmement inquiets car ils ne disposeront que de quelques années avant leur retraite pour racheter des années d’études, qui étaient pourtant une préparation directe et indispensable à la mission d’intérêt général qu’ils ont remplie tout au long de leur carrière. L’un d’entre eux m’a fait savoir qu’il attendait que la loi soit votée pour saisir la juridiction européenne car, indique-t-il, comment peut-on prétendre qu’une année d’études en 1970 coûtait plus cher qu’aujourd’hui ?

M. Michel Vaxès - Monsieur le ministre, vous soutenez que les enseignants pourront partir à la retraite à 65 ans. Mais la préparation d’une thèse de doctorat représente huit ans d’études universitaires donc une entrée sur le marché du travail à 27 ans. 27 ans plus 40, cela fait 67, plus 42 cela fait 69 et plus 44, 71 !Autrement dit, d’emblée la loi impose le rachat. Cela commence à se savoir dans les universités. L’amendement 5371 vise donc à supprimer un principe qui rend dissuasif voire impossible, le rachat de cotisations en raison de son coût. Vous ne posez pas bien le problème. Quelques chiffres : en 2001, plus de 14 millions de jeunes étaient scolarisés en métropole. Les élèves et les étudiants représentaient 24,2 % de la population. Plus de 50 % des 16-25 ans étaient scolarisés. Le taux de scolarisation des 23-25 ans ne cesse d’ailleurs de s’accroître. Il faut se féliciter de cet attrait grandissant pour les études longues. Mais l’allongement de la durée de cotisation ne peut l’ignorer. Il faut tenir compte des années d’études dans le calcul des droits à la retraite. C’est une mesure de bon sens et de justice sociale. Nous ne pouvons qu’encourager la demande d’éducation. Mais la démocratisation de l’enseignement marque le pas. On n’en finit pas de s’interroger sur la fracture sociale. Mais valider les périodes de formation et d’études comme périodes de cotisation, c’est aussi intégrer les jeunes dans un processus qui va au-delà de la seule transmission des savoirs. Et puisqu’on oppose à la durée des études l’allongement de l’espérance de vie, permettez-moi de rappeler que les inégalités d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles restent criantes.

M. André Chassaigne - Je demande au ministre et au rapporteur de prêter la plus grande attention aux chiffres que je vais citer. L’amendement 5381 vise à supprimer le 1° du I de l’article. Il serait plus juste de permettre la validation de droit des périodes de chômage ou d’inactivité subie comme périodes de cotisation. Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans atteint 16,2 % pour les hommes et 21,8 % pour les femmes. Moins un jeune est diplômé, plus son entrée dans la vie active sera difficile. Sur les huit millions de jeunes de 16 à 25 ans, deux millions sont étudiants, environ un million travaillent, 550 000 cherchent un emploi et 600 000 sont dans une situation préoccupante ou grave. Le clivage entre tâches de conception et de production s’estompe. Cela exige de plus en plus de qualifications. Mais les jeunes subissent de plein fouet les effets de l’économie mondialisée : rentabilité, baisse des charges, flexibilité. Ils constituent une armée de réserve pour les entreprises. Ecoutons leurs préoccupations ! Nombre d’entre eux s’angoissent encore pour leur avenir. Les manifestations de ces derniers mois l’ont montré. Mais nous pensons aussi aux seniors. Au moment du départ à la retraite, 14 % des hommes et 18 % des femmes sont au chômage. A une insertion professionnelle difficile s’ajoute trop souvent une cessation d’activité précoce. Selon une récente enquête de l’INSEE, les salariés qui ont connu le chômage restent moins bien rémunérés en fin de carrière. Les périodes d’inactivité n’ouvrant pas droit à cotisation devraient donc être prises en considération pour le calcul des droits à la retraite.

M. Jacques Desallangre - L’amendement 5389 vise à supprimer le 2° de cet article, devenu inutile. Vous avez un problème à résoudre : comment atteindre 40, voire 42 années de cotisation pour prétendre à une retraite pleine lorsqu’on a commencé à travailler à 24 ans ? Vous proposez une pseudo solution : pouvoir racheter jusqu’à trois années de cotisations manquantes. La question angoisse jusqu’à la Conférence des présidents des universités qui s’inquiète déjà pour le recrutement d’enseignants-chercheurs. Le prix d’une année de cotisation, pour un salaire au niveau du plafond de la sécurité sociale - soit 2 400 € - s’élèverait à environ 7 000 €. Qui pourra sortir une pareille somme sinon les catégories sociales les plus favorisées ? Votre sens de l’effort partagé est bien discutable ! Compte tenu de leur taux d’épargne, les ménages populaires ne pourront jamais accéder à ce dispositif, quand bien même ces sommes seraient déductibles du revenu imposable comme nous le réclamons. De plus, l’impôt étant progressif, les revenus les plus imposés auraient un avantage fiscal considérable. Sans parler de la moitié des foyers fiscaux non imposables qui ne bénéficieront d’aucune aide... La loi prévoit aussi la possibilité de compléter, par rachat, les « trimestres incomplets », ceux qui ne sont pas validés lorsque le revenu est inférieur sur trois mois à l’équivalent de 200 heures de SMIC. C’est souvent le cas des salariés précaires. Mais aucune disposition n’est prévue pour les RMistes. Il faudrait une solution générale, permettant de tenir compte des années d’études, des interruptions du travail pour les femmes et du temps de recherche d’un premier emploi.

M. André Chassaigne - Cet article pourrait s’intituler « travailler jusqu’au bout de la vie ». La mesure n’aurait rien de politique, prétend le Gouvernement, mais, par simple bon sens, tire les conséquences de l’allongement de l’espérance de vie. Si l’on ne partage pas ce point de vue, on est dogmatique, archaïque, irresponsable..

M. Charles Cova - Communiste.

M. André Chassaigne - Vous aviez même organisé un colloque intitulé « l’allongement de la vie, une chance pour la France » pour que des experts donnent une manière d’objectivité à votre réforme. En fait, vous voulez débarrasser notre société de tous les acquis sociaux depuis la Libération. Selon l’INSEE, en partant à 65 ans, la génération de 1970 peut espérer bénéficier de 18,5 ans de retraite, alors que la génération de 1940 bénéficiait de 19 ans. Cet article repose sur votre logique qui consiste à faire travailler les gens même à la retraite, celle-ci devenant une sorte de minimum vieillesse. A partir du constat que la part des plus de 65 ans dans la population de l’Union européenne passera de 16 à 28 % entre 2020 et 2040, vous reprenez à votre compte les recommandations communautaires : limiter le poids des dépenses liées à la retraite par répartition en élevant l’âge de la retraite, accroître la place de la retraite par capitalisation, relever le taux d’emploi des seniors. Mais vous allez plus loin. Nous ne sommes pas contre la préretraite progressive, mais vous changez la donne. C’est pourquoi, nous proposons, par l’amendement 5454, de supprimer le I de l’article.

M. Jean-Claude Sandrier - Cet article introduit la possibilité pour un salarié âgé bénéficiant d’une préretraite progressive d’améliorer ses droits à pension à raison de la poursuite de son activité au-delà de l’âge limite. Voilà qui a l’apparence d’un progrès social, mais ce n’en est pas un. Nos amendements tendent à supprimer le paragraphe II de l’article 21. Le but de cet article est d’introduire un allongement de la durée du travail au-delà de la date de liquidation de la pension. C’est une dénaturation de la préretraite progressive. Celle-ci avait pour objectif de permettre aux salariés de 55 à 65 ans de réduire progressivement leur durée de travail jusqu’à la retraite effective. L’enjeu était triple : satisfaire la forte aspiration des salariés âgés au temps libre, améliorer l’efficacité des entreprises qui pourraient ainsi renouveler leur main-d’_uvre en douceur, et contribuer à la stratégie de lutte contre le chômage de l’Etat. Avec le II de votre article, le dispositif devient un instrument d’allongement de la durée du travail et de cotisation. Il était conçu comme un appel positif à l’embauche des jeunes et à la transmission des savoirs : il devient le moyen de faire financer par les salariés eux-mêmes l’allongement de la durée de cotisation. Les salariés travailleront à temps partiel pour financer leur retraite à temps partiel. Vous fermez ainsi la possibilité d’embaucher des jeunes, et confortez une politique de pression sur les salaires des actifs. C’est une proposition fondamentalement régressive. Elle ruine la portée du dispositif en matière d’emploi, et pourrait même peser à terme sur la compétitivité des entreprises. Ce n’est pas tout. Le II tient compte de la durée de cotisation telle que l’a allongée ce projet, exigeant 160 trimestres effectifs pour bénéficier du taux plein. Ce dernier sera donc quasiment inaccessible... Pour ces raisons, nous proposons la suppression de ce paragraphe.

M. Michel Vaxès - Je remercie Denis Jacquat d’avoir rappelé notre détermination à améliorer la situation des conjoints survivants. Notre excellente collègue Muguette Jacquaint a souvent insisté sur cette exigence de justice sociale, à laquelle votre texte ne satisfait pas. Depuis un an, vos actes ne cessent de contredire vos déclarations. Cet article vise à modifier le dispositif de la réversion et à supprimer celui de l’assurance veuvage. Nous y sommes opposés : le droit à pension de réversion, aujourd’hui ouvert par cotisations sociales, ne serait plus qu’un dispositif d’aide sociale modulable selon les ressources. Pour prétendre à la pension de réversion, le conjoint survivant doit aujourd’hui remplir quatre conditions : ses ressources personnelles ne doivent pas excéder, lors de la liquidation, le SMIC, à moins qu’un enfant ne soit issu du mariage ; il doit avoir été marié au moins deux ans à l’assuré décédé ou disparu et ne pas s’être remarié ; il doit avoir atteint 55 ans. Lorsque cette dernière condition n’est pas satisfaite, il peut prétendre à l’assurance veuvage, dont l’attribution suppose aussi que soient remplies un certain nombre de conditions, notamment de résidence et de ressources. Le conjoint survivant ne peut cumuler une pension de réversion avec des avantages vieillesse ou invalidité que dans certaines limites. Or l’article 22 vise à modifier l’ensemble de ce dispositif. S’il était voté, toute condition d’âge, d’absence de remariage et de durée de mariage serait supprimée : le conjoint survivant devra seulement satisfaire à des conditions de ressources. La condition d’âge devant disparaître d’ici à cinq ans, l’assurance veuvage n’est plus justifiée. La question du cumul de la pension de réversion avec des avantages vieillesse ou invalidité ne se posera plus : ce sera désormais une allocation différentielle par rapport au plafond de ressources. Tous les assurés seront donc traités à l’identique, qu’ils perçoivent ou non un autre avantage vieillesse ou invalidité. Nous entrons là dans une logique d’allocation différentielle et non plus de droit universel. Cette évolution, nous la condamnons : rompre avec l’universalité d’un dispositif, c’est prendre le risque de le voir ne s’appliquer qu’à une proportion réduite de la population. Il s’agit donc d’une mesure de régression. Oui, il faut améliorer la situation des conjoints survivants. Nous continuerons de le réclamer et nous rejetons votre proposition.

Annexe 2 25 juin Soirée

M. André Chassaigne - Nos amendements 5472 à 5478 suppriment également cet article. Nous nous opposons à la transformation du droit à pension de réversion ouvert par cotisations sociales en une disposition d’aide sociale, modulable selon les ressources de la personne survivante. Une fois de plus, ce sont les femmes qui vont être le plus touchées. En cas de décès du conjoint, le conjoint survivant ne peut profiter d’une partie de sa retraite que s’il est âgé de plus de 55 ans. A défaut, seule l’allocation veuvage est attribuée. On pense généralement que la pension de réversion n’est versée qu’aux veuves, mais les hommes en profitent aussi : sur les 765 000 titulaires d’une pension de réversion, le régime général compte 15 000 hommes. L’allocation veuvage a vocation à aider le conjoint survivant à faire face aux conséquences patrimoniales du décès. Actuellement, 18 600 veuves en bénéficient. En règle générale, elle n’est versée que pendant deux ans. Au 1er janvier 2003, son montant mensuel était de 510,78 €. La pension de réversion et l’allocation veuvage doivent être considérées comme des mesures compensatoires. Si elles ne perçoivent pas ou guère de retraite du vivant de leur mari, les femmes aux carrières incomplètes ou inexistantes peuvent prétendre au bénéfice d’une pension de réversion par la suite, ce qui constitue un mécanisme de redistribution d’autant plus efficace que leur espérance de vie est plus élevée et qu’elles sont généralement plus jeunes que leurs conjoints. La redistribution joue ainsi en faveur des femmes. Toutefois, si les femmes bénéficient plus des mécanismes de solidarité - étant plus souvent que les hommes dans un état de dépendance à la fin de leur vie -, elles sont aussi les principales pourvoyeuses de l’aide familiale aux personnes âgées. Le caractère redistributif des retraites en faveur des femmes peut donc être considéré comme la légitime contrepartie des services non-marchands qu’elles rendent à leur entourage. En privilégiant une logique d’aide sociale, vous abrogez un mécanisme de compensation qui profitait largement aux femmes et que l’universalité du dispositif garantissait. Nous condamnons fermement la remise en cause de cette universalité.

M. Jacques Desallangre - Les amendements 5479 à 5485 visent à empêcher la transformation du droit à la pension de réversion en une aide sociale modulable par décret. Vous supprimez un certain nombre de conditions, mais vous prévoyez un plafond de ressources. Nous nous demandons si le nombre des ayants droit ne va pas diminuer. Nous n’avons aucune garantie. La retraite est un droit acquis et un salaire différé. Le conjoint survivant doit exercer son droit et non bénéficier d’une assistance sociale qu’il ne sollicite pas. Réservez la à celles et ceux qui ne perçoivent pas de pension de réversion. Vous parlez d’une « avancée ». Nous verrons. Ceux qui, de bonne foi, auront voté ce texte risquent de le regretter un jour.

M. Michel Vaxès - Nos amendements 5486 à 5492 visent à supprimer le 2° du I de cet article. La pension de réversion doit rester un droit. Votre dispositif ne va pas améliorer la situation des femmes. Les pays qui ont supprimé leur régime de prestations spécifiques pour verser des allocations ont implicitement changé la nature du système. Les femmes ont maintenant moins d’enfants que leurs aînées, mais elle sont plus nombreuses à avoir une activité professionnelle. Entre 38 et 42 ans, 80 femmes sur 100 sont mariées, 7 divorcées, 2 veuves et les autres, célibataires. En 2000, les veuves représentaient 16 % des femmes ; en 2020, elles seront plus nombreuses que les femmes mariées. A 93 ans, six femmes sur dix seront veuves et deux seulement mariées. Dans une société où la famille nucléaire domine, les femmes sont souvent seules à la fin de leur vie, ce qui se traduit par une diminution très nette de leurs revenus, de l’ordre de 30 %. Si le conjoint survivant est un concubin ou le signataire d’un Pacs, il faut espérer qu’il aura accumulé suffisamment d’annuités pour lui-même et qu’il disposera d’un patrimoine. S’il était marié, il ne percevra que 54 % de la retraite du conjoint disparu, ce qui n’est pas grand-chose. Rien ne laisse présager que la situation des veufs et des veuves va s’améliorer.

M. Michel Vaxès - Nos amendements 5486 à 5492 visent à supprimer le 2° du I de cet article. La pension de réversion doit rester un droit. Votre dispositif ne va pas améliorer la situation des femmes. Les pays qui ont supprimé leur régime de prestations spécifiques pour verser des allocations ont implicitement changé la nature du système. Les femmes ont maintenant moins d’enfants que leurs aînées, mais elle sont plus nombreuses à avoir une activité professionnelle. Entre 38 et 42 ans, 80 femmes sur 100 sont mariées, 7 divorcées, 2 veuves et les autres, célibataires. En 2000, les veuves représentaient 16 % des femmes ; en 2020, elles seront plus nombreuses que les femmes mariées. A 93 ans, six femmes sur dix seront veuves et deux seulement mariées. Dans une société où la famille nucléaire domine, les femmes sont souvent seules à la fin de leur vie, ce qui se traduit par une diminution très nette de leurs revenus, de l’ordre de 30 %. Si le conjoint survivant est un concubin ou le signataire d’un Pacs, il faut espérer qu’il aura accumulé suffisamment d’annuités pour lui-même et qu’il disposera d’un patrimoine. S’il était marié, il ne percevra que 54 % de la retraite du conjoint disparu, ce qui n’est pas grand-chose. Rien ne laisse présager que la situation des veufs et des veuves va s’améliorer.

M. Jean-Claude Sandrier - Cette disposition est présentée comme un progrès. C’est en fait l’occasion, une fois de plus, de maintenir les femmes dans le travail à temps partiel. Ce travail en effet concerne seulement 5 % des hommes actifs... M. le ministre de la fonction publique l’a dit clairement le 10 juin : il suffira à une femme qui a un jeune enfant et ne veut pas s’arrêter de travailler, de prendre un temps partiel pour faire valider son annuité. Voilà qui encouragera le patronat à recourir à ce type d’emplois, et qui va à l’encontre de notre revendication d’une régulation du recours abusif au temps partiel. Historiquement, la croissance de l’activité féminine s’est faite d’abord sur la base du temps complet. C’est à partir du moment où l’économie a été en récession que le temps partiel s’est développé. Dès lors, le législateur présente cette forme d’emploi comme une solution ponctuelle pour élever à moindre coût les enfants. Le Gouvernement s’englue dans la régression ! Et, combien de femmes ayant un salaire modeste pourront payer ce supplément de cotisation ? Pourquoi nous opposons-nous avec tant de véhémence à ce discours sur le temps partiel ? Parce qu’il est souvent associé à des conditions de travail plus contraignantes que celles des emplois à temps plein. Les horaires sont plus irréguliers, le travail du plus fréquent. Il est souvent synonyme de précarité et d’un accès plus difficile à la formation. Le temps partiel concerne surtout les ménages en situation difficile, et s’accompagne souvent, pour les femmes, d’un faible revenu du conjoint. C’est donc, trop souvent, une forme d’emploi dégradé et occupé faute de mieux. C’est le mythe du travail féminin d’appoint que vous voulez encourager !

M. André Chassaigne - Notre amendement 10801 ne devrait avoir aucun mal à être adopté puisqu’il vise seulement à favoriser l’emploi des salariés de plus de 55 ans. Le rapporteur pour avis de la commission des finances souligne lui-même, dans son rapport, que le relèvement dans notre pays du taux d’activité des salariés vieillissants était une condition préalable pour résoudre le problème de financement des retraites. Pour sortir « du cercle vicieux actuel », dit-il, « il convient d’agir sur l’ensemble des éléments du système ». Dès lors que l’on sait que les lois naturelles du marché du travail ne permettront pas d’atteindre l’objectif recherché, poursuit-il, il faut conduire une grande politique nationale, volontariste, de l’emploi, du travail et de la formation, aussi bien dans le privé que dans le public. Ce doit être une priorité pour le Gouvernement comme pour les partenaires sociaux, conclut-il. Notre amendement comporte une mesure concrète de nature à encourager l’emploi des plus de 55 ans, que les employeurs français sont particulièrement réticents à faire travailler, qu’ils leur coûtent trop cher ou qu’ils ne les jugent pas assez productifs. Il s’agirait d’un abattement de 40 % sur les cotisations patronales de retraite pour les salariés de plus de 55 ans possédant quinze ans d’ancienneté dans l’entreprise, étant entendu que le coût de la mesure serait compensé par une augmentation à due concurrence des cotisations retraite pour les autres salariés.

M. Jacques Desallangre - L’amendement 10800 vise à taxer les stock-options, ce droit donné aux plus hauts cadres dirigeants des sociétés d’acheter des actions de leur société, à un cours fixé d’avance et ne pouvant varier pendant la durée de l’option, ce qui, en cas de hausse de la valeur des titres, leur permet d’en acquérir à un prix inférieur à la valeur du moment. Outre que les dirigeants bénéficient d’une décote sur le prix des actions, ils réalisent à coup sûr une plus-value lors de la levée de leur option - car si d’aventure le cours de l’action a diminué, ils ne lèvent pas l’option ! -, sans parler de la plus-value éventuelle à la revente ultérieure de leurs titres. Ils sont gagnants sur les trois tableaux, d’où sans doute l’engouement observé dans les directions d’entreprise pour ces stock-options. Les bénéfices substantiels qu’elles procurent échappent, pour tout ou partie, au barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’avantage tiré de la levée de l’option est par ailleurs exonéré de cotisations sociales. Il n’y est assujetti que pour les options levées depuis le 1er janvier 1997, si la condition d’indisponibilité n’a pas été respectée. Et dans tous les cas, les plus-values de cessions échappent aux cotisations sociales. On voit donc combien une cotisation vieillesse sur les stock-options serait nécessaire. Elle rapporterait trop peu, nous objecte-t-on. Faites confiance aux grands patrons français - dont les salaires sont les plus élevés d’Europe - pour prendre soin de leurs intérêts ! Si les recettes s’avéraient insuffisantes, nous serions prêts à vous proposer un sous-amendement pour augmenter le taux d’imposition. Vous nous avez également opposé la non-pérennité de ces ressources, soumises aux fluctuations boursières. Quelle méfiance étonnante, de la part de la majorité, à l’égard de la politique économique du gouvernement Raffarin ! En réalité, c’est la nature même de cette recette qui vous gêne, car elle opère un prélèvement sur la richesse des privilégiés dont vous protégez fidèlement les intérêts !

M. Jean-Claude Sandrier - Nos amendements identiques 10777 à 10783 suppriment le titre III : « Dispositions relatives aux régimes de la fonction publique ». L’allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires constitue un grave recul social. Le processus que vous osez qualifier d’équitable s’amorce dès 2004. En fait, il tire l’ensemble des régimes vers le bas. Avec la mise en place de la décote, le futur retraité est bien condamné à une double peine : cotiser plus longtemps pour toucher une pension inférieure ! L’indexation des retraites sur le seul indice des prix et la disparition programmée des bonifications pour enfants ne seraient évidemment pas compensées par l’institution d’un régime additionnel de retraite à caractère facultatif dont l’intérêt semble limité et qui ne s’adressera qu’aux fonctionnaires entrés dans les cadres après la promulgation de la présente loi. De même, les fonctionnaires et agents publics seront fortement pénalisés par la quasi disparition de la CPA, que vos « aménagements » réduisent à une peau de chagrin. Enfin, les modalités de calcul du minimum de pension garanti seront manifestement défavorables aux carrières courtes. Toutes ces raisons nous conduisent à demander la suppression de l’ensemble du titre III.

M. Michel Vaxès - Cet article pose un sérieux problème. Que doit-on comprendre, quand on lit que « le régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - CNRACL - et le régime de pension des ouvriers des établissements industriels de l’Etat comportent des avantages comparables et ne peuvent comporter des avantages supérieurs à ceux consentis par le code des pensions civiles et militaires de retraite » ? Certes, l’article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’Etat dispose déjà que le régime des fonctionnaires territoriaux « comporte des avantages comparables à ceux consentis par les régimes généraux de retraite des personnels de l’Etat et ne peut prévoir d’avantages supérieurs ». A première vue, la rédaction de l’article 24 ne fait donc que reprendre cet article sans y faire explicitement référence. Toutefois, Monsieur le ministre de la fonction publique, vous devez informer l’assemblée de vos intentions. Nous devons savoir si cette rédaction vous permettra de préparer de mauvais coups (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En effet, des esprits mal intentionnés vont faire la chasse aux prétendus avantages supérieurs dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. En effet, leurs régimes comportent des dispositions particulièrement progressistes, qu’il conviendrait de généraliser. Au lieu de s’en inspirer, certains et j’espère que vous n’en faites par partie Monsieur le ministre, pourraient être tentés de les supprimer, au nom de « l’équité ». Nombreuses sont ces dispositions que certains ne manqueront pas d’assimiler à des « privilèges », sans voir à quel point elles sont adaptées à des situations concrètes. Les députés du groupe communiste et républicain reviendront sur le fonds d’action sociale, originalité du régime de retraite des agents affiliés à la CNRACL, même si les fonctionnaires de l’Etat peuvent bénéficier d’une partie des aides accordées. Sans procéder à un examen exhaustif de toutes ces dispositions, il est indispensable d’évoquer une série de dispositifs qui pourraient être menacés par l’article 24 s’il était adopté en l’état. En vertu de la loi du 26 juillet 1991, pourtant votée sous une majorité de gauche, et pour des raisons qui demeurent mystérieuses, l’article L.60 du code des pensions civiles et militaires a été abrogé. Pour saisir sa portée, il faut savoir qu’en vertu des articles L.58 et L.59, dans un certain nombre d’hypothèses le droit à l’obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d’invalidité peut être suspendu. Des amendements déposés par le groupe communiste et républicain proposeront de modifier les articles L.58 et L.59 et de réintroduire l’article L.60 dans le code. Cet article L.60 prévoyait que, dans le cas où le droit à l’obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d’invalidité était suspendu, les ayants cause du titulaire frappé par la décision de suspension pouvaient recevoir, pendant la durée de celle-ci, une pension fixée à 50 % de la pension et de la rente d’invalidité dont bénéficiait ou aurait bénéficié le mari.

M. le Président - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Michel Vaxès - Je conclus Trois choix sont possibles. Ou bien on en reste au statu quo. Par conséquent cela n’a aucun sens de prétendre que les trois régimes visés à l’article 24 consentent aux agents des fonctions publiques des avantages comparables. Ou bien on supprime les dispositions du régime des agents affiliés à la CNRACL en faveur des ayants cause de l’agent frappé par une décision de suspension, ce qui revient à harmoniser par le bas. Ou bien on réintroduit l’article L.60 dans le code des pensions. Ainsi, on harmonise par le haut, cette solution me paraissant la meilleure (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nous nous interrogeons sur vos intentions, Monsieur le ministre.

M. Jacques Desallangre - Il faudrait que le Gouvernement et la majorité nous expliquent d’où vient leur volonté affichée de pointer du doigt les prétendus privilèges des fonctionnaires. Au nom de quoi peut-on se permettre d’affirmer que les fonctionnaires sont des privilégiés ? Une comparaison rigoureuse de la situation des actifs du privé et du public ne permet pas de déboucher sur une conclusion aussi simpliste. Un examen rigoureux pourrait même nous amener à conclure qu’il y a plutôt parité globale des situations. Ainsi, les âges moyens de cessation d’activité sont très proches. L’âge de cessation d’activité ne se confond pas avec l’âge de liquidation de pension. C’est une différence importante. Si on l’omet, on peut toujours faire valoir que les salariés du privé travaillent plus longtemps que leurs homologues du public. Mais la référence à l’âge de cessation d’activité montre que tel n’est pas le cas. Compte tenu de l’importance des dispositifs de préretraite, l’âge de cessation d’activité s’est situé entre 57 et 58 ans dans le secteur privé pour les générations nées entre 1932 et 1936. Dans la fonction publique, pour les mêmes générations, l’âge de cessation d’activité n’est pas très différent. En effet, si un grand nombre de fonctionnaires occupant des emplois classés en services sédentaires sont appelés à liquider leur pension à partir de leur soixantième anniversaire, certaines catégories d’agents sont autorisées à partir plus tôt. Ainsi, il n’y a guère de différence. Il est surprenant que nos collègues de la majorité ignorent cette réalité, qu’on peut mettre en évidence grâce aux travaux de l’INSEE.

M. Maxime Gremetz - Les règles relatives au régime des fonctionnaires affiliés à la CNRACL relèvent du domaine réglementaire et sont fixées par les décrets du 19 septembre 1947 et du 9 septembre 1965. Tandis que le code des pensions civiles et militaires de retraite relève de la compétence législative, le régime de retraite des agents affiliés à la CNRACL relève du domaine réglementaire. C’est dans ces conditions que cet article dispose que le régime de la CNRACL ne peut comporter d’avantages supérieurs à ceux consentis par le code des pensions civiles et militaires. On peut en conclure que le pouvoir réglementaire se trouve dans une situation de compétence liée. En effet, le législateur sera le chef d’orchestre, il donnera le « la » en modifiant le code ce qui entraînera automatiquement des modifications pour les trois régimes, ce qui revient à nier le partage de compétences qui s’est opéré depuis la Libération entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire. Depuis 1958, les députés communistes réclament inlassablement un renforcement du pouvoir législatif afin que les lieux où délibèrent les représentants de la nation cessent de n’être que de simples chambres d’enregistrement. C’est aussi pourquoi nous nous élevons contre l’abus de certaines pratiques comme les ordonnances et le 49-3 qui permettent aux gouvernements de s’asseoir sur les principes de la démocratie parlementaire. On pourrait donc se réjouir que, une fois n’est pas coutume, le législateur se voit confier un rôle plus important dans la détermination des règles relatives aux régimes de retraite des fonctionnaires. Mais, au lieu de se livrer à un tour de passe-passe, pourquoi ne pas écrire clairement que les trois régimes relèveront du pouvoir législatif ? Telles sont les raisons qui nous font proposer la suppression de cet article.

PCF Bourges