Retour au format normal


Hommage aux 150 communistes du Cher morts pour la France

3 septembre 2002

par Maurice Renaudat

Chaque année la Fédération du Cher et la section de Bourges du PCF rendent hommage aux 150 communistes du Cher morts fusillés, sous la torture, en déportation ou dans les combats de la Libération lors de la Deuxième Guerre mondiale. Ce 3 septembre 2002 après l’hommage rendu à René Cherrier à 17h au cimetière du Lautier, et à Marcel Cherrier et Gaston Cornavin à 17h30 au cimetière des Capucins, Maurice Renaudat, Président de l’amicale des vétérans du PCF, ancien résistant prononça l’allocution suivante.



image 200 x 269 - 9 ko [1]En ce 58ème anniversaire de la Libération nous sommes réunis pour rendre hommage aux communistes du Cher morts pour l’indépendance de notre pays et la restauration d’une République que les hommes de Vichy avaient fait à la faveur de la défaite de juin 1940.

Cet hommage nous l’adressons aussi à tous les patriotes, ceux de la résistance de l’ombre, ceux des maquis, ceux des FFL qui avaient rejoint De Gaulle.

Rendons hommage également aux soldats alliés anglo-américains qui sont venus mourir loin de leur patrie pour la liberté, et les soldats soviétiques, dont les vissicitudes qu’a connu et que connait encore leur pays ne doivent pas nous faire oublier les 20 millions qui sont morts pour écraser le nazisme.

Chers amis, il est de bon ton aujourd’hui de parler des défauts, des erreurs des communistes. Ceux dont les noms figure sur cette stèle en ont certainement commis aux yeux de nos censeurs, et pourtant qu’elle clairvoyance ont manifesté ces hommes et ces femmes dont le parti -en tant que parti- fut le seul à aider les républicains espagnols agressés par Hitler et Mussolini, comme il fit le seul à dénoncer l’infâme accord de Munich qui livrait la Tchécoslovaquie à l’Allemagne. Si on avait écouté les communistes en 1938-39 au lieu de les emprisonner, peut-être aurait-on évité le cataclysme qui a déferlé sur le monde.

Après la défaite, alors que le Général De Gaulle appelait de Londres à garder confiance dans l’issue de la guerre, le PCF fut, la encore le seul parti à mobiliser ses forces pour faire la clarté. L’appel du dit du 10 juillet 1940 dénonçait les responsables du désastre et affirmait que la France voulait vivre libre et indépendante. Ceux qui se taisaient à l’époque, quand ils n’encensaient pas Pétain ont beaucoup critiqué l’appel au peuple de France signé par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Ce texte dit-on était peu convaincant face à l’appel prophétique du Général De Gaulle. Daniel Cordier qui fut secrétaire de Jean Moulin souligne cependant que cet appel comparé au silebce des républicains de tous bords eu le mérite de "briser le consensus béat et contrit qui s’établissait autour de Pétain et de son gouvernement". Daniel Cordier affirme "qu’en appelant les Français à prendre leur destin à bras le corps, en livrant la bataille des revendications sociales, les communistes ont contribué à arracher les Français à leur apathie" en les dressant contre le "mea culpa" et les résignation générale pronée par Pétain.

Résistance communiste dans le Cher

Ce qui est sûr c’est que les communistes du Cher ont parfaitement compris qu’il fallait lutter contre Vichy et contre l’occupant allemand. Diffusant des tracts, organisant des actions revendicatives, ils deviennent très vite la cible de la répression et s’il est bien une chose qui ne peut âtre contesté, c’est dans leur rang que la Résistance berrichonne comptera ses premiers martyrs. image 200 x 290 - 10.4 ko [2]Voilà 60 ans, en 1942, au mois de mai qu’étaient fusillés André Giraudon, Lucien Chailloux, Jacques Massé, Jean Loth, Jacques Rivet, Maurice Lelièvre, Roger Leclerc, Roger Thebault, puis Gabriel Godard, André Bavouzet, Marcel Bidaud. C’est le 6 juillet 1942, qu’Albert Kayser, Louis Buvat, Roger Rivet et plusieurs autres camarades du Cher furent déportés à Auschwitz où les nazis les firent périr immédiatement. C’est aussi au début 1942 que Marcel Cherrier va installer en forêt d’Allogny le 1er maquis avec Louis Chevrin, Roger Melnick, Henri Jacquet, Girardot, Antonin Lérault (fusillés en 1943) et organiser les premiers sabotages. Après aux, prenant la relève il y aura tous ceux dont les noms figurent sur cette stèle.

Rendant hommage aux communistes, je n’oublie pas qu’en 1942, des prêtres sont arrêtés pour leur hostilité à l’occupant et que des militants socialistes recherchaient des contacts pour créer d’autres mouvements de résistance. Peut-on oublier que se sont les sacrifices de tous ces patriotes qui ont permis de rétablir la souveraineté nationale, mais aussi la démocratie avec le retour de la République.

Le CNR avait établi un programme et quand on voit aujourd’hui les méfaits de la mondialisation, et le rôle néfaste des grandes sociétés capitalistes, je me dit que le programme du CNR avait mis le doigt là où il fallait, en préconisant une véritable démocratie économique et sociale, implquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, et en demandant le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques. Les nationalisations ont permi la reconstruction rapide du pays. Et dans une France sortant de 5 années de guerre on a pu mettre en plce des mesures sociales également prévues par le programme du CNR comme la sécurité sociale et le financement de la retraite des vieux travailleurs.

Aujourd’hui la mode est aux privatisations. On redonne aux financiers les société nationales surtouts lorsqu’elles font des bénéfices. On dira que le monde a évolué, mais je vois toujours face à face les privilégiés qui détiennent les richesses et ceux qui, même s’il n’en ont pas conscience, sont obligés de leur vendre leur force de travail, même si souvent ils ne trouvent plus à la vendre et vont constituer l’armée des sans emplois.

Et nous trouvons là la cause des difficultés qui favorisent la renaissance d’idées et de comportements que les résistants ont combattu. Quand un jeune d’êxtrême droite tire sur le Président de la République, on peut dire qu’il a la tête dérangée ; quand à Bourges d’autres peignent une brassard à croix gammé et la mèche de Hitler sur le Monument de la Résistance, on peut encore prétandre qu’ils drogués ; mais quand l’idéologie qui oriente leurs actes, reçoit le soutien de 5 million et demi de Françaises et de Français, il faut s’alarmer sur les dangers que court la Démocratie. Lorsque les Allemands ont voté pour Hitler, ils ne pouvaient pas prévoir comment àa se terminerait et qu’eux aussi seraient vivtimes. Aujourd’hui on sait comment cela s’est terminé pour tous les peuples. Parce qu’on est mécontent, et il y a bien des raisons de l’être, at-on réfléchi au péril que l’on fait courir à la Démocratie en votant pour un homme qui n’a jamais caché ses sympathies pour les nazis et qui professe le racisme et la xénophobie à l’égard de ceux qui nous sont différents. Il y a là une lutte à mener contre une démagogie dangeureuse qui gagne du terrain dans toute l’Europe. Une démagogie d’autant plus facile que sont délaissées les notions de solidarité pour cultiver l’individualisme et l’égoïsme. Une partie des populations lassées par les difficultés engendrées par une société toute entière axée sur le culte de l’argent, se désinterresse de la vie publique, tandis que d’autres accordent de plus en plus de crédit aux idées d’extrême droite. N’oublions pas les leçons de l’histoire, Hitler est arrivé au pouvoir dans une Allemagne comptant 5 millions de chômeurs et 34% d’abstention lors des élections de 1933. Lui aussi clamait "L’Allemagne aux Allemands". Il désignait les juifs comme responsables des maux du peuple allemand. Il promettait d’éradiquer le chômage, de favoriser la famille, de rétablir l’ordre. Les opposants se retrouvèrent dans les camps de concentration qu’ils durent construire eux-mêmes. 10 ans plus tard l’Europe était soumise au joug de la barbarie nazie et cela s’est terminé par 50 millions de morts.

Les élections présidentielles sont un avertissement sévère dont il faut tenir compte, car les causes du mécontement trouvent leurs origines dans la mondialisation de l’économie qualifiée de "libérale" basée sur le culte de l’argent qui est en ctotale contradiction avec les besoins des populations. La mondialisation ne peut qu’aggraver la situation en augmentant le nombre des exclus, tant le 1/3 monde que dans le 1/4 monde. C’est bien l’orientation prise par le nouveau gouvernement qui multiplie les cadeaux aux riches et serre la vis au peuple d’en bas. Cela promet sans doute de proches combats économiques et sociaux pour les salariés et les retraités.

Mais il est un autre combat qu’il faut avoir le courage de mener contre le racisme rampant s’installe dans notre pays. Au coeur des évènements de ce printemps la réaction d’une grande partie de la jeunesse fut réconfortante. Elle contribua grandement à la puissante mobilisation du 1er mai et au rejet de Le Pen. Elle m’a fait penser à la manifestation des étudiants sur les Champs Elysées le 11 novembre 1940. Les témoignages des anciens résistants, des anciens déportés dans les collèges et les lycées ont-ils contribué à cette prise de conscience ? Ils n’y sont sans doute pas étrangers, et cela nous encourage à poursuivre ce dialogue avec la jeunesse.

Transmettre la mémoire

image 200 x 144 - 7.4 ko [3]Transmettre la mémoire, c’est le but que s’est fixé le musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher. En collaboration avec le Centre de Documentation Pédagogique Départemental, il édite un livre sur la Résistance dans le Cher qui paraîtra début novembre [4]. Livre d’histoire qui évoque le destin de Berrichonnes et de Berrichons qui ont su s’opposer à l’asservissement de la France et à une honteuse collaboration. Il explique l’attitude des partis politiques, des syndicats et des forces spirituelles qui seront représentées en 1944 dans les comités de Libération. Une large place est faite à la création des mouvements de résistance, au STO, à la répression, à l’action des maquis qu’il s’agissent de la rédition des 20000 hommes de la colonne Elster -l’un des hauts faits d’armes de la résistance nationale- ou des multiples combats sur les routes du Cher.

En conclusion je voudrais vous lire ce qu’écrivait le préfet du Cher dans son rapport de janvier 1943 à propos des communistes :

"il serait vain de croire que ce parti demeure inactif. Traqué il continue son action, soutenu par une foi sans égale dans la destinée des soviets. Les succès récents marqués par les armées russes confirment leurs espoirs et leurs donnent une force nouvelle. Dans l’ombre et dans le secret, mieux gardés que jamais, ils s’organisent de plus en plus et se réorganisent lorsque leurs chefs leur sont ravis. Jamais parti, en proie cependant aux risques les plus grands, n’a montré une telle force de vitalité et de reconstruction."

Quel bel hommage -involontaire- à nos camarades par l’homme chargé d’organiser la répression contre eux !

Maurice Renaudat


[1] Maurice Renaudat lors de son allocution devant la stèle rendant hommage aux communistes du Cher morts pour la France

[2] Pierre Ferdonnet et Christophe Raynault déposant la gerbe

[3] Une minute de silence observée devant la stèle

[4] Vous pouvez vous procurer ce livre par souscription auprès du Musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher