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Projet de Loi de Finances pour 2003
16 octobre 2002
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"Sans jouer les Cassandre, il aurait été préférable pour la dignité et la qualité du travail parlementaire, de préparer un budget plus proche de la réalité ou, à tout le moins, de prévoir un fonds dâaction conjoncturelle. En effet, nos débats ne risquent-ils pas dâêtre vains si, dans quelques mois, dâun trait de plume, ce budget est modifié de fond en comble du fait de la conjoncture internationale ? » Ce propos a été celui de Monsieur MEHAIGNERIE, notre Président de la Commission des Finances que je salue, le 14 Octobre 1998. Je nâai rien à ajouter, si ce nâest que le Budget pour 1999 -quâil critiquait- a été sincère et dynamique, ce qui nâest nullement le cas de celui qui nous est présenté pour 2003. Tous les indices, tous les faits connus, toutes les déclarations et circonvolutions de Monsieur le Ministre de lâEconomie et des Finances tendent à faire de lâexamen de ce projet de Loi de Finances un exercice virtuel. Forte chute des rentrées fiscales en septembre, prévisions de croissance revues à la baisse pour 2002 et 2003, spectre de la « rigueur », annonce dâun audit sur les infrastructures, véritable alibi pour stopper des investissements utiles. Oui, vous avez déjà intégré que ce projet de Budget nâest pas sincère, et les chiffres avancés par les instituts de conjoncture pour la croissance 2003, de 1% à 2% pour la France, font apparaître un manque quâil faudra bien combler ! Pour cela, vous avez décidé de lâcher les déficits pour 2002 et 2003, en flirtant avec la limite autorisée par les gendarmes de la Commission Européenne, et en nous promettant les larmes pour 2004 avec un plan de rigueur avancé dans la presse. Vous avez accusé le gouvernement précédent dâavoir fait un budget non sincère et très déficitaire, mais celui que vous nous présentez pour 2003 bat tous les records en la matière ! A cette conjoncture maussade vient sâajouter le risque grandissant et inquiétant dâune intervention américaine irresponsable en Irak avec des conséquences terribles aux plans économique, sociale, politique et financier. Le monde tourne à lâenvers du fait de la prégnance des marchés financiers, dâune dictature de cette sphère financière conduisant à tous les excès et injustices. Les plans de licenciement se multiplient, le marché du pétrole sâaffole, voilà où conduisent les choix dâune société où lâargent est devenu la seule fin. Ce manque de sincérité budgétaire a pour corollaire de reporter à dâautres niveaux les choix douloureux et notamment vers les collectivités locales. A titre dâexemple, vos amis de lâUMP, Présidents de Conseils Généraux ne cessent dâépancher leurs états dââme et leurs malheurs à propos de lâAPA, (Aide Personnalisée dâAutonomie). Ils justifient ainsi une hausse de lâimpôt local qui serait inéluctable. Bel exercice de trompe lâil entre un Gouvernement qui sâaffiche en Père Noël et ses affidés locaux qui jouent les Pères Fouettards. Mais pour revenir à lâAPA, il suffirait de conserver les deux plus hautes tranches de lâIRPP au taux actuel, ce qui rapporterait 1,2 Milliards dâEuros, pour financer le surcoût de cette mesure sociale Est-il si difficile de faire le choix de la dignité pour nos aînés, le choix dâaider les personnes âgées qui souffrent plutôt que de faire le choix dâaider les plus riches à être encore plus riches ! Lâautre conséquence est votre volonté toute idéologique dâétendre les privatisations, dans des secteurs qui apportent toute satisfaction. Lâexemple de France Telecom en France et les Compagnies dâélectricité au Japon et aux Etats-Unis ne semble pas ébranler votre dogmatisme en la matière ! Avec 8 milliards dâEuros affichés en recettes de privatisations, vous faites preuve dâun optimisme qui confine à lâaveuglement En vous inscrivant dans un schéma générateur dâinégalités et de conflits, Monsieur le Ministre, vous faites gagner la force sur la justice, ou plutôt vous qui avez sans cesse la justice à la bouche, vous êtes comme le divin Thrasymaque de la « République » de Platon, qui estimait que ce qui est « juste nâest autre chose que ce qui est avantageux au plus fort ». Et le Projet de Loi de Finances pour 2003 est un exemple type de la priorité accordée aux couches aisées, et même très aisées. Votre baisse dâimpôts, vous le savez bien, ne vaut pas pour tout le monde. Une simple comparaison : Prenons le cas dâun contribuable aisé exerçant une profession libérale et qui, par exemple est redevable de 30 000 euros au titre de lâIRPP (câest-à-dire quâil aurait un revenu de 100 à 120 000 euros annuels), Dâun autre côté, prenons le cas dâun salarié modeste, non imposable sur le revenu, Voilà la réalité de la baisse dâimpôts dont vous nous rabattez les oreilles. Et je reprends volontiers à mon compte la phrase de 2 journalistes, auteurs du livre « Dieu que la guerre économique est jolie », Philippe LABARDE et Bernard MARIS, je cite : « LâEtat, il sert la soupe. Et pas la soupe populaire. Il sert chez Maximâs plus que chez Coluche ». Ainsi plus fort que Guizot qui disait déjà aux plus riches « enrichissez-vous ! », vous, vous leur dites « nous allons vous enrichir ». Et il faudrait continuer dans cette voie ! Cette voie qui contribue à creuser les inégalités, donc à développer frustrations et exclusions et au bout du compte à alimenter la violence Et ce nâest pas la Police qui réglera ce problème dâune société qui se délite. Pour nous, députés du groupe communiste et républicain, il sâagit de procéder à une hausse importante des bas et moyens salaires, des retraites et des minimas sociaux, car donner du pouvoir dâachat à ces personnes-là, câest sâassurer dâune augmentation de la demande globale. Or la baisse des prélèvements des classes riches ne donne pas le même résultat, car donner plus à ceux qui ont tout risque encore de stériliser les sommes dégagées dans des opérations spéculatives. Non seulement lâépargne des classes riches nâest pas le porteur du développement économique mais, qui plus est, les normes que la rentabilité financière impose dépriment la demande par la baisse des dépenses publiques et la réduction des coûts salariaux. Ces mêmes baisses que vous présentez comme élément essentiel « dâattractivité » de notre pays. Mais, nous direz-vous sâil faut tendre vers les coûts salariaux du BanglaDesh et les prélèvements fiscaux de lâIle Caïman pour être pleinement compétitif ? Et, je veux, monsieur le Ministre, vous mettre en garde de ne pas étouffer ce moteur essentiel de la croissance quâest la Consommation privée. Tous les économistes (comme lâUniversitaire Christian de Boissieu lâa indiqué dans le journal « le Monde ») attirent notre attention sur la bonne résistance de lâéconomie française en 2001 et 2002 grâce à la consommation. Là, avec la hausse des impôts locaux, des impôts indirects, des tarifs des services publics, avec la suppression des emplois-jeunes, câest autant de souffle qui manquera à lâéconomie française. Il sâagit de réformer et de transformer la structure même de notre fiscalité en diminuant la part des impôts indirects, en remontant lâimposition directe et surtout en sâattaquant à la richesse financière, sous-fiscalisée. En moins de 20 ans, la part de lâimpôt sur le revenu dans le total des Recettes est passée de 24 à 17 %, alors même que la part de lâensemble TVA + TIPP est en constante augmentation pour atteindre près de 55 % du total des recettes attendues pour 2003. Cââest lâinjustice des prélèvements qui sâest ainsi aggravée ! Le choix de la baisse de prélèvement pour les plus hauts revenus aurait, selon vos propos, lâobjectif de maintenir les talents en France. Mais quand on voit dans le volet Dépenses, le sort particulièrement douloureux que vous réservez à la Recherche, à lâEducation ou à la Culture, on peut douter de votre volonté de travailler à créer plus de talents et à les garder. Le Budget 2003 est tout bonnement un budget qui va accroître les inégalités. Le suivisme dont vous faites preuve auprès de la Banque Centrale Européenne et les critères de Maastricht ne feront que renforcer la nécessité dâune révision rapide. Lâaugmentation spectaculaire du déficit et surtout le fait que la dette publique reparte à la hausse sont dâautres arguments pour refuser la baisse de lâImpôt des plus hauts revenus. Pour notre part, nous demandons une rupture avec les critères de convergence, non pas pour faire du déficit, mais pour refuser une convergence qui rime avec toujours plus de marchés financiers, toujours moins pour le service public. Relancez un pôle public de crédit qui soit géré dans lâintérêt général, câest-à-dire quâil accorde des prêts bonifiés à des projets porteurs dâemplois et de richesse. Contrôlez réellement lâefficacité des fonds publics avec la mise en place des contreparties en termes dâemplois face à des baisses de charges. Luttez avec force contre les réseaux financiers parasitaires, et parfois mafieux. Ce nâest quâavec de telles mesures que lâon obtiendra de réels résultats en matière dâemplois. Vous prenez le chemin inverse en portant un coup à tous les budgets dynamiques, à tous les budgets porteurs dâavenir. LâEducation, la Culture (-5,2%), La Recherche (-1,4%), le Logement, le Travail (-6%), sans oublier le grand retour de la Route contre le Rail, sont les grands sacrifiés de ce projet de budget 2003. Outre ces chiffres bruts, le triste sort réservé à lâEducation est symbolique. Avec la non pérennisation des aides-éducateurs, avec la suppression de 5600 postes de surveillants, ce sont des milliers de jeunes adultes en moins dans les collèges et lycées. Est-ce bien raisonnable, et surtout est-ce efficace quand on prétend lutter contre la violence, contre les difficultés à lâécole. A lâévidence, la réponse est non ! Tout ce qui concourt à la vitalité, au dynamisme du pays est touché. Le secteur associatif sera touché par la limitation du dispositif pour les emplois-jeunes, le Développement Durable, la Politique de la Ville sont aussi rognés. Câest un budget typiquement conservateur qui se couche devant lâexigence de rentabilité des marchés financiers, devant une concurrence prédatrice. Une concurrence pour laquelle les critères sociaux et humains, qui devraient être pourtant ceux dâune économie pour les hommes, nâont aucun sens ! Et maintenant, pour ne pas toucher aux cadeaux que lâon fait aux plus riches, Monsieur MARINI, Rapporteur du Budget au Sénat vient de vendre la mèche dans « Le Monde », en avançant la possibilité de redéploiement de crédits, « de mettre entre parenthèses certaines choses comme la hausse du SMIC ». Quel aveu de notre Collègue Sénateur ! Au contraire, le Groupe Communiste et Républicain propose de dégager de nouvelles recettes par la taxation des actifs financiers, câest-à-dire, comme lâa souligné Monsieur DELEVOYE alors Président des Maires de France, « là où se trouve la richesse actuelle ! » Nous proposons également une modification de lâISF par plusieurs mesures dâélargissement de lâassiette et de prise en compte des avoirs à lâétranger. Nous estimons nécessaire un rééquilibrage entre lâimpôt direct et indirect, en baissant la TVA à 18,6 %, et sur certains secteurs ciblés à 5,5 %. Nous demandons une baisse de la TIPP. Tout cela pourrait être compensé par le recours à un IRPP qui atteigne comme chez nos voisins européens un montant de 8 à 9% du PIB. Enfin, nous estimons, dans le cadre de la lutte pour lâemploi que la modulation des cotisations sociales en fonction des emplois et richesses créés devient une nécessité. Il ne faut plus de ces baisses uniformes sans contrepartie, qui sont de véritables cadeaux à fonds perdus et aux retours totalement aléatoires. Ce projet de Loi de Finances pour 2003 réussit le tour de force de cumuler les défauts : il nâest ni sincère, ni efficace économiquement et il est socialement injuste. Câest pourquoi, le Groupe Communiste et Républicain votera contre le Projet de Loi de Finances qui nous est présenté."
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Jean-Claude Sandrier
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