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En direct de l’Assemblée nationale à partir du 10 juin
Débat parlementaire sur les retraites
30 juin 2003








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Débat parlementaire sur les Retraites 16ème journée 30 juin 2003

La journée de 27 juin a vu la poursuite de la discussion sur les articles 42 à 52. Vous trouverez en annexe les éléments concernant les interventions des députés communistes.

Annexe 1. Cumul emploi-retraite (Muguette Jacquaint, Frédéric Dutoit), intermittents du spectacle (François Asensi), Politique de l’emploi (Muguette Jacquaint), Réforme générale (Maxime Gremetz), Droit à pension (Pierre Goldberg), Réforme générale (Maxime Gremetz, Frédéric Dutoit), agents non-titulaires (Muguette Jacquaint), indexation des pensions (Muguette Jacquaint, Frédéric Dutoit, Maxime Gremetz), minimum garanti (Muguette Jacquaint, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz).

Annexe 2. Retraite d’office (Maxime Gremetz, Pierre Goldberg), âge de départ (Maxime Gremetz, Pierre Goldberg), limite d’âge (Maxime Gremetz, Pierre Goldbergvie professionnelle et vie familiale (Pierre Goldberg), CPA (Frédéric Dutoit, Pierre Goldberg) Primes (Frédéric Dutoit).

Annexe 3. régimes spéciaux (Pierre Goldberg, Frédéric Dutoit, Alain Bocquet), retraite des enseigants (Maxime Gremetz).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 30 juin Matin

Mme Muguette Jacquaint - Cet article transpose dans le régime de retraite des fonctionnaires la possibilité de cumuler son emploi et sa retraite, le régime actuel étant, selon le rapport de M. Accoyer, « redondant, complexe et n’incitant pas à la prolongation de la durée d’activité ». Nous y sommes ! Il faut inciter à la prolongation de la durée d’activité. De fait, la faiblesse des pensions obligera les fonctionnaires âgés à prendre un emploi. On comprend mal cette mesure compte tenu des effectifs de la fonction publique et des besoins toujours croissants à satisfaire et elle est particulièrement malvenue au moment où le chômage augmente et où les jeunes ont beaucoup de difficulté à trouver un emploi. Cet article 43 est l’aveu que votre réforme ne suffira pas à maintenir le pouvoir d’achat des retraites. Vous cherchez un complément de revenu pour les salariés qui partiront avec une pension minimale. Alors que des gens cherchent à travailler et n’y parviennent pas, vous en forcez qui souhaitent s’arrêter à travailler plus longtemps. Vous supprimez les emplois-jeunes, qui rendaient des services précieux au sein de la fonction publique et au lieu de chercher, comme nous le préconisons, les moyens de les intégrer, vous incitez des agents, qui ont déjà bien assez donné, à prolonger leur activité. Nous contestons votre démarche, qui est la contrepartie logique de la dégradation des pensions. Le cumul n’est pas un choix offert au fonctionnaire, mais une possibilité - faute de retraite décente - de ne pas s’arrêter.

M. Frédéric Dutoit - S’agissant du cumul des pensions avec des rémunérations d’activité, il est préférable de s’en tenir aux règles de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale. Jusqu’à présent, ce cumul était strictement limité et encadré par les articles L. 86 et L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires. En assouplissant ces règles pour permettre aux agents de cumuler plus facilement pension et rémunération d’activité, ce projet ne fait qu’avaliser une logique : pour maintenir leur niveau de vie, les agents n’auront d’autre choix que de continuer à travailler. On ne peut pas dire que la liberté dont parle tant la majorité en sorte grandie. C’est pourquoi les amendements 7401 à 7407 tendent à supprimer cet article.

M. François Asensi - Rappel au Règlement. Les nuages s’amoncellent sur les festivals de France...

M. le Président - Quel est le rapport ?

M. François Asensi - Il y a un rapport direct. Ces festivals sont menacés par la foudre de la colère des intermittents du spectacle. Un accord minoritaire vient d’être signé entre le Medef, la CFDT et un autre syndicat représentant moins de 10 % des salariés.

M. le Président - Nous devons respecter le règlement : pour le bon déroulement du débat, je vous accorde deux minutes.

M. François Asensi - C’est d’une brûlante actualité ! Des festivals ont déjà été annulés. On va accroître la précarité des artistes et des techniciens. Ce coup porté au spectacle vivant condamne la culture à la marchandisation quand on sait que la convention européenne a voulu remettre en cause, à Thessalonique, l’exception culturelle (« Quel rapport ? » sur les bancs du groupe UMP), on peut légitimement s’inquiéter. Je demande au Gouvernement de ne pas avaliser cet accord minoritaire et de relancer des négociations pour lever l’hypothèque qui pèse sur les festivals.

M. le Président - Merci pour ce rappel au Règlement sans rapport avec notre débat...

Mme Muguette Jacquaint - On peut toujours dire que le mouvement des intermittents du spectacle n’a rien à voir avec les retraites. Je pense au contraire que la réforme des retraites - qui va dans le sens d’une régression sociale - et l’accord concernant les intermittents du spectacle sont du même tonneau. Nous avons tout de même le droit, dans cet hémicycle, de dénoncer tous ces projets anti-sociaux ! En assouplissant les règles de cumul des pensions et des rémunérations d’activité, cet article ne fait que prendre acte de la logique qui anime votre projet : pour maintenir leur niveau de vie, les agents n’auront d’autre choix que de continuer à exercer un emploi rémunéré. Une telle politique est aberrante alors que le chômage de masse est loin d’être résorbé. Je suis bien sûr pour le libre choix, Monsieur Jacquat. Mais où est-il quand le retraité n’a pas les moyens d’une retraite décente ? Le développement de l’emploi est indispensable pour donner à chacun les moyens de vivre. L’emploi est un élément clé pour déterminer les ressources potentielles affectables aux retraites. Selon le dernier rapport de la fonction publique de l’Etat, le traitement indiciaire brut moyen est de 23 508 € annuels, auquel s’appliquent les 7,8 % de cotisations salariales, et un taux global implicite de 44,7 %. Les ressources potentielles pour 100 000 emplois sont donc de 1,235 milliard d’euros. Les politiques de l’emploi pèsent considérablement sur les ressources pour les retraites. Les créations d’emplois que requiert un service public de qualité, le remplacement des départs en retraite, la titularisation des personnels hors statut s’imposent. Il aurait mieux valu se pencher sérieusement sur ces questions qu’imaginer l’assouplissement du cumul emploi-retraite. Aussi nos amendements 7408 à 7414 tendent-ils à supprimer le premier alinéa de cet article.

M. Maxime Gremetz - Cet article nous permet de faire le point sur votre projet de loi. Le Gouvernement a arrêté, sans véritable négociation, des orientations pour les retraites qui auront des conséquence dramatiques, malgré le pilonnage médiatique qu’il a organisé et que viennent contredire parfois les aveux des ministres eux-mêmes. Le dispositif, qui prévoit la baisse des pensions, l’allongement de la durée de cotisation, une décote pour trimestres manquants ou le changement du traitement de référence, aboutit à un recul social. Le projet de loi prévoit même le dépassement des âges de départ à la retraite et la possibilité de cumul, tant les pensions seront basses ! Il casse la continuité entre activité et retraite, s’attaquant, dans la fonction publique, au principe même de la rémunération continue. Ses dispositions s’intègrent dans un plan plus vaste qui vise à faire reculer l’ensemble des droits à la retraite. Vous passez en force, fuyant le débat sur les solutions alternatives que nous proposons, vous appuyant sur un accord ultra minoritaire. Il y a d’autres issues. C’est bien pour cela que le conseil supérieur de la fonction publique, auquel vous ne faites jamais référence, n’a pas approuvé ce projet ! Mais cela ne vous a pas fait réfléchir. Votre réforme est l’une des plus dures d’Europe. La Grande-Bretagne a commencé la sienne dans les années 1980. Le régime de base public garantit une prestation uniforme de 480 € par mois, alors que le minimum contributif en France est de 533 €. S’y ajoute une retraite complémentaire obligatoire par capitalisation, soit d’entreprise, soit publique, égale à 20 % du salaire moyen, soit privée et très chère. La réforme italienne a également été particulièrement brutale. Le taux de remplacement, qui était de 80 %, a baissé de 10 à 30 % selon l’âge des départs et le taux de croissance économique. L’ordre de grandeur de la réforme Balladur-Fillon-Delevoye est comparable. Elle est celle qui programme le recul le plus important des pensions, après la Grande-Bretagne et l’Italie, d’après le comité de politique économique du Conseil européen ! L’article 44 vient entériner ces dispositions, en organisant l’abrogation de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires.

M. le Président - Les amendements 7520 à 7526 sont identiques.

M. Maxime Gremetz - J’espère que le Gouvernement, qui n’a pas consenti à s’exprimer sur la discussion générale de l’article, voudra bien répondre à nos amendements ! Ce projet de loi est entièrement à revoir. Le dialogue et la concertation doivent être enfin lancés et le Gouvernement doit cesser sa politique autiste. L’éducation nationale a lancé un préavis de grève pour la rentrée et les intermittents du spectacle agiront tout l’été. Les mois à venir seront marqués comme jamais par un mouvement social diversifié et déterminé et les salariés ne laisseront pas passer les mauvais coups que vous vouliez leur porter pendant les vacances. Dans l’attente d’une véritable réforme de progrès, il est dangereux de procéder aux abrogations prévues à l’article 44. Nous vous proposons donc de supprimer cet article. Vous vous acharnez à faire des économies, alors que le montant des stock-options des dirigeants français vient d’être publié. S’il n’y a pas de trésor, ainsi que vous le dites, il y a tout de même bien de l’argent ! Nous nous réjouissons donc que deux députés de l’UMP aient eu le courage de demander une enquête parlementaire sur les salaires des grands patrons, y compris des entreprises publiques.

M. Pierre Goldberg - Les amendements 7534 à 7540 visent à supprimer les mots « L. 42 » de l’article 44. L’article 38 adapte l’article L. 30 du CPCM relatif au droit à pension des orphelins, pour gommer toute référence à des dispositions relatives aux femmes en matière de pension de réversion. Il s’agissait selon vous, aussi incroyable que cela paraisse, de mettre cet article en conformité avec le principe d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes tel qu’il découle du droit communautaire. Nous avons déjà fait plusieurs observations, notamment concernant l’arrêt Griesmar qui pouvait être une arme à double tranchant, car s’il paraît aujourd’hui faire gagner les fonctionnaires pères de famille, il peut demain faire perdre les fonctionnaires mères de famille. Sur ce point, nous sommes et nous resterons très vigilants.

M. Pierre Goldberg - Proposer de supprimer le premier paragraphe de cet article est un moyen de réaffirmer notre opposition à la nouvelle rédaction de l’article L. 5 du CPCM qui énumère le services pris en compte pour la constitution du droit à pension. Elle n’est pas anodine et risque d’apporter plus d’inconvénients que d’avantages pour les fonctionnaires en modifiant les conditions de demande de validation de services d’auxiliaires, cette demande devant désormais être faite dans un délai de deux ans à compter de la date de la titularisation et non plus avant la radiation des cadres. Ce nouveau délai n’apporte rien à la réforme, et ne fait que confirmer votre volonté de limiter autant que possible l’exercice des droits des fonctionnaires. Quelle n’a pas été notre surprise de voir la commission et le Gouvernement refuser d’adopter une série d’amendements susceptibles selon nous d’améliorer et de moderniser la rédaction du dernier alinéa de l’article L. 5 du CPCM ! Ainsi l’un d’entre eux tendait à préciser les conditions dans lesquelles une demande de validation des services auxiliaires pouvait être formulée par les ayants cause du fonctionnaire. Un autre proposait de ne plus distinguer entre les services effectués dans les établissements publics à caractère administratif et ceux effectués dans les établissements publics à caractère industriel et commercial, cette distinction étant difficilement justifiable. Là encore, nous avons été taxés d’archaïsme. Le paragraphe I de l’article 45 prévoit que l’agent pourra continuer à formuler une demande de validation des services avant la radiation des cadres jusqu’au 31 décembre 2008. Cela signifie que l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure est repoussée au 31 décembre 2008. Quel aurait été l’intérêt de repousser ainsi cette entrée en vigueur si la nouvelle rédaction avait été favorable aux fonctionnaires ? Personne n’est dupe.

M. Maxime Gremetz - Vous prétendez qu’il n’y a pas d’alternative à votre réforme, mais chaque fois, pourtant, que nous proposons des solutions alternatives, vous leur opposez l’article 40 ! Aussi, permettez-moi de citer un article du quotidien La Tribune, qui énumère les diverses voies explorées par le COR, et que le Gouvernement n’a pas souhaité approfondir, comme l’élargissement de l’assiette du financement, l’intégration de tous les éléments de rémunération dans l’assiette de cotisation - primes des fonctionnaires, participation et intéressement dans le privé, stock-options - abondement patronal des plans d’épargne-entreprise, ou l’affectation aux retraites du produit d’une taxe sur la consommation. Surtout, l’accroissement de la part des salariés dans la valeur ajoutée, qui a chuté de dix points en vingt ans, dégagerait 150 milliards de ressources supplémentaires, soit le montant total actuel des retraites ! Les amendements 7590 à 7596, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Les amendements 7674 à 7680 sont défendus. Les amendements 7674 à 7680, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - Les amendements 7681 à 7687 précisent que la validation des services définis au dernier alinéa de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires doit être demandée avant la radiation des cadres, et non dans les deux années suivant la titularisation. Vous créez en effet les conditions du développement du travail précaire dans le secteur public, du fait de la nouvelle règle d’or de la gestion des finances publiques, fondée sur la définition d’enveloppes de moyens plutôt que d’emplois budgétaires effectivement occupés. L’exemple des assistants d’éducation est, à ce titre, plus qu’éclairant : on a recréé de fait, au sein de la fonction publique, l’ancienne catégorie, sous-rémunérée par rapport à son niveau de qualification. Il en va de même des auxiliaires de l’éducation nationale, qui pallient le manque d’enseignants titulaires, notamment dans le secondaire.

Mme Muguette Jacquaint - Nos amendements 7597 à 7603 tendent à préciser que le I de l’article L. 45 fait bien référence à l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Je reviens à cette occasion sur les insuffisances de la nouvelle rédaction dudit article L. 5, suite à l’adoption de l’article 26 du présent projet. Notre groupe avait déposé plusieurs amendements, qui sont malheureusement tombés sous le couperet de l’article 40. L’un d’eux visait à valider les trimestres passés dans les services publics d’un pays membre de l’Union européenne. Dans un arrêt du 22 novembre 1994, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que, dès lors que les services accomplis dans les établissements hospitaliers étaient pris en compte, ceux accomplis dans des établissements d’un autre pays membre ne pouvaient être exclus, et cette interprétation a été confirmée par un règlement du Conseil du 29 juin 1998. Souvent qualifiés d’eurosceptiques, les députés communistes et républicains ont souhaité mettre les points sur les i. Malheureusement, ils n’ont pas été entendus et ne l’ont pas été davantage lorsqu’ils ont demandé d’étendre aux établissements publics à caractère industriel et commercial ce qui est déjà admis pour les services effectués dans les établissements publics à caractère administratif. Actuellement, les services accomplis en qualité d’agent non titulaire peuvent être pris en compte, à condition que la validation ait été autorisée par un arrêté ministériel à la suite d’une demande formulée avant la radiation des cadres. Le projet ramène ce délai aux deux ans qui suivent la date de la titularisation. Certes, cela paraît plus avantageux pour l’intéressé, mais cela réduit sa garantie d’être dûment informé par l’administration. Nous n’avons pas non plus été entendus sur ce point. Le nouvel article L. 5 est donc loin de répondre aux attentes des fonctionnaires et de leurs organisations représentatives, et à l’occasion du présent article 45, véritable condensé des atteintes portées aux fonctionnaires, je souhaite dénoncer solennellement, une nouvelle fois, les dispositions rétrogrades de l’article 26.

Mme Muguette Jacquaint - L’occasion m’est donnée, en défendant les amendements de précision 7632 à 7638, de revenir sur l’injustice que constitue l’indexation des pensions sur les prix. En procédant de la sorte, le Gouvernement fait perdre aux retraités le surplus dû à l’ancienneté, qu’induit l’indexation sur les salaires. Comment prétendre, dans ces conditions, que l’indexation sur les prix garantirait le même niveau de vie des retraités ? Si l’on ajoute à cela que les pensions seront calculées sur les vingt-cinq meilleures années, on voit bien qu’elles ne peuvent que décliner et que l’écart avec la rémunération des actifs ne fera que croître. Autrement dit, les retraités, s’appauvrissant inexorablement, n’auront d’autre choix que de cumuler pension et emploi. Mais cet appauvrissement aura aussi pour effet indirect une dépression économique permanente, puisque la perte de pouvoir d’achat de ces forts consommateurs ralentira la croissance. L’indexation sur les prix décidée par M. Balladur a déjà produit ses effets malheureux sur les pensions des salariés du secteur privé et c’est parce que ces derniers ont fait leurs comptes qu’ils étaient si nombreux dans la rue : ils savent ce qu’ils ont perdu ! D’ici 2040, ce sont les retraités de la fonction publique qui verront leur pouvoir d’achat régresser, jusqu’à 20 %. Vous imposez l’inégalité par le bas, nous voulons l’égalité par le haut.

M. Frédéric Dutoit - Le dispositif transitoire figurant au paragraphe V, que nos amendements 7814 à 7820 tendent à supprimer, entérine le décrochage de l’évolution des pensions au regard de la progression du traitement indiciaire des fonctionnaires. Faire évoluer les pensions en fonction de l’indice des prix hors tabac conduira à la baisse de leur pouvoir d’achat, comme cela s’est produit dans le secteur privé depuis la réforme Balladur de 1993. Il s’agit, avec cette mesure, d’obtenir que l’effet masse induit par l’augmentation du nombre de pensionnés soit compensé en partie par un effet base conduisant à un gel pur et simple du pouvoir d’achat des pensions des fonctionnaires. Le décalage ainsi créé ira croissant, entraînant l’émergence d’une couche de plus en plus large de pensions insuffisantes pour faire face aux besoins de la vie. Dès lors, les fonctionnaires devront souscrire des compléments de retraite sous forme de rente viagère, ce qui obérera leur capacité à consommer durant leur vie active. On mesure, là encore, à quel point votre démarche est nécessaire. Elle est aussi bien peu respectueuse de l’engagement des fonctionnaires au service de l’Etat t du public. Les amendements 7814 à 7820, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Nous avons dit combien nous sommes attachés au lien entre l’évolution des salaires et celle des pensions. Nos amendements 7793 à 7799 vont dans ce sens. Créer un décalage, comme vous le faites, entre pensions et traitements est le meilleur moyen d’inciter, voire d’obliger les agents du secteur public à souscrire un plan d’épargne par capitalisation. Nous aurons plus tard une grande discussion sur ce sujet. On souhaiterait ouvrir un marché plus conséquent de l’épargne-retraite destiné à drainer des masses de plus en plus importantes d’épargne de précaution vers les marchés financiers et leurs aventures drolatiques, qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! Viser des agents du secteur public est relativement logique car, quand bien même existe déjà la PREFON chère à M. Accoyer, leur situation financière intéresse fortement les professionnels du placement ; d’autant que des années de déflation salariale ont sévi dans le secteur privé. La fameuse stabilité de l’emploi dont disposeraient les fonctionnaires permet de définir des produits financiers qui intéressent au plus haut point les compradores de la Bourse, tels les patrons des grandes banques d’affaires, les gestionnaires d’OPCVM, ou les PDG des grandes compagnies d’assurances. Plutôt que d’une réforme Fillon-Delevoye, ne conviendrait-il pas de parler d’une réforme Bébéar (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) tant l’effort pour convaincre tout un chacun que « sans la capitalisation, point de salut » affleure dans le projet ? Comme le rapporteur et le ministre ont pris la mauvaise habitude de ne pas répondre...

Mme Muguette Jacquaint - Nos amendements 7639 à 7645 apportent une précision d’importance. L’indexation des pensions sur les prix non seulement entraîne pour elles une baisse de 1 % par an, mais touche les femmes plus durement encore, alors que le montant de leurs pensions est déjà particulièrement faible. En effet, en 2001, le montant moyen des pensions, hommes et femmes confondus, s’élevait à 1 126 € par mois, mais les femmes ne touchaient que 848 € et les hommes 1 461 €, soit une différence de 72 %. Pour les pensions de droit direct, les femmes percevaient 650 € et les hommes 1 383 €, soit plus du double. Plus les retraitées sont âgées, plus leur pension est faible : à 85 ans et plus, elles ne touchent que 506 €. Au-delà de 65 ans, 83 % des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes. On voit que la désindexation a des conséquences très lourdes sur les pensions des femmes qui sont particulièrement pénalisées face à la retraite. Comment nier, malgré la parfaite bonne foi dont vous vous targuez, que votre réforme va aggraver la situation des plus modestes, et surtout des plus âgés ? Ces précisions sont importantes, car elles ne sont données ni dans les médias, ni dans cet hémicycle par le Gouvernement !

M. le Ministre de la fonction publique - Chacun a pris conscience de la différence qui existe entre les retraites des femmes et des hommes. Le COR a montré qu’elle était due avant tout à une durée de cotisation réduite. Nous avons décidé d’agir en réduisant les inégalités de rémunération et en augmentant le taux d’activité des femmes, qui est déjà supérieur à la moyenne européenne. Les amendements 7639 à 7645, repoussés par la commission, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Goldberg - Les amendements 7646 à 7652 tendent à clarifier la rédaction du deuxième alinéa du V : il faut en effet préciser qu’il fait bien référence à l’article L. 17 « du même code », c’est-à-dire du code des pensions. La rédaction de cet article L. 17, relatif au montant minimum de pension garanti, a été modifiée par l’article 32 du projet de loi. Nous nous opposons solennellement à ses nouvelles dispositions, qui apportent de notables modifications aux conditions de durée des services et de calcul du montant minimum. La référence pour le calcul est certes augmentée, passant de l’indice 216, soit 945 € par mois, à l’indice 227, soit 993 €, mais les fonctionnaires les plus modestes n’en subiront pas moins une baisse de leur pension, notamment les femmes. En effet, la prise en compte des bonifications pour enfants va être abolie progressivement d’ici , et nos amendements qui s’y opposaient sont tombés sous le coup de l’article 40... Par ailleurs, le minimum n’est plus garanti dans son intégralité qu’après quarante ans de services effectifs, contre vingt-cinq ans aujourd’hui. La sanction des carrières incomplètes devient donc nettement plus lourde. Ainsi, un salarié comptant vingt-cinq ans de service perçoit aujourd’hui 945 € par mois ; après la réforme, il aura droit à 819 €, soit 13 % de moins ! Et, l’indexation sur les prix aidant, le déclin du pouvoir d’achat s’accentuera encore au fil du temps... Les amendements 7646 à 7652, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L’amendement 11221 est de coordination. L’amendement 11221, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur les amendements 7653 à 7659, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Au-delà de ces amendements qui ont une portée rédactionnelle, puisqu’il s’agit de préciser que la référence concerne l’article L. 17 du code des pensions, je réaffirme que l’article 45 est particulièrement grave, en ce qu’il prévoit la mise en _uvre de l’allongement de la durée d’activité ou du système de décote. Les députés communistes et républicains rejettent sans ambiguïté les nouvelles modalités de calcul du minimum de pension garanti, c’est-à-dire des pensions des fonctionnaires les plus modestes. Ce minimum correspond actuellement, pour au moins vingt-cinq années de service, au traitement brut afférent à l’indice majoré 216. En dessous de vingt-cinq années, il correspond à 4 % de ce traitement par année de service effectif. La nouvelle rédaction augmente certes l’indice de référence, le faisant passer à 227, mais le minimum garanti baissera pour de nombreuses catégories de fonctionnaires, notamment pour les femmes, puisque les bonifications pour enfants ne seront plus prises en compte dans le calcul. Par ailleurs, la durée de services exigée passe de vingt-cinq à quarante années. La sanction des carrières incomplètes devient donc extrêmement lourde. Pour un agent totalisant vingt-cinq années de service, le minimum passera de 945 à 819 €, et comme il sera indexé sur les prix hors tabac, le pouvoir d’achat réel va encore décliner au fil du temps... Le ministre a dit que le système actuel avait pour effet paradoxal de pénaliser ceux qui partent quelques années après le palier des vingt-cinq ans. Mais dorénavant, pour quarante années de service, le montant ne sera qu’à peine supérieur à celui perçu actuellement pour vingt-cinq années ! Le ministre a reconnu que si certains gagneraient à la réforme, d’autres y perdraient. Il a omis de dire que ces derniers seraient beaucoup plus nombreux... Nous ne doutons pas que les fonctionnaires et les retraités les plus modestes comprendront combien l’argumentation de M. Delevoye sonne faux !

Annexe 2 30 juin après-midi

M. Maxime Gremetz - Jusqu’à présent, les agents atteignant la limite d’âge étaient mis à la retraite d’office par arrêté du ministre intéressé ou par décret du Président de la République s’ils avaient été nommés en conseil des ministres. Vos propositions tendant à réformer la loi du 13 septembre 1984 nous semblent mal fondées. Vous voulez nous faire croire que la mise à la retraite d’office tombait comme un couperet, de manière arbitraire. En réalité, les limites d’âge des agents publics dépendent de leurs corps et de leur grade et varient de 55 ans - pour les emplois classés en catégorie « insalubre » - à 70 ans pour un professeur au Collège de France ! La mise à la retraite d’office est une bonne règle. Elle n’attente en rien à la liberté des individus et libère des postes dans les administrations. Avant que vous n’entrepreniez de casser le service public, elle permettait aux plus anciens de jouir d’un repos bien mérité et aux jeunes d’entrer dans la carrière. Au reste, son application n’était pas rigide puisque nombre de situations ouvraient droit à des dérogations. En résumé, vos arguments ne nous ont pas convaincus et nous jugeons que l’article premier bis que vous nous proposez d’introduire dans la loi du 13 septembre 1984 est particulièrement funeste.

M. Pierre Goldberg - En effet, et ils méritent qu’on s’y attarde. L’économie générale de votre pseudo-réforme, c’est de rompre avec le principe selon lequel la prolongation de l’activité au-delà de l’âge limite ne peut être qu’exceptionnelle. Pourquoi cela, dira-t-on ? Parce que cette atteinte au statut des fonctionnaires s’impose pour mettre en place votre projet. L’augmentation de la durée de cotisation n’est pas possible sans cela. Ainsi, sous prétexte de liberté individuelle, vous remettez en cause les garanties collectives. Aujourd’hui, l’âge moyen de titularisation dans la fonction publique est de 26 ans. C’est une moyenne, ce qui signifie que certains sont encore plus âgés ; il serait d’ailleurs éclairant de connaître l’âge médian réel. Cet âge moyen élevé résulte de modifications structurelles intervenues ces dernières années, en particulier l’allongement de la durée des études. Celui-ci est lié à l’existence d’un chômage de masse : les étudiants savent que plus ils seront diplômés, plus ils auront de chances de trouver place dans le marché du travail. Ceux d’entre eux qui en ont les moyens allongent donc la durée de leurs études. L’observatoire de la vie étudiante a rendu publiques d’abondantes données à ce sujet. Que se passe-t-il, d’autre part, pour les concours d’accès à la fonction publique, notamment les concours externes ? L’importance du chômage jointe à la sélectivité des concours entraîne un effet pervers bien connu. Ce sont là des réalités de notre société : ce qui se passe dans les universités n’est pas dissociable de ce qui se passe dans le monde du travail, et inversement. L’entrée tardive dans la fonction publique est donc un fait social au sens de Durkheim. Avec un âge moyen de 26 ans, le calcul est simple, et c’est lui qui fonde votre article, non le désir de répondre à des désirs individuels : avec une durée de cotisation de 40, 41, 42 ans, il faut travailler jusqu’à 66, 67, 68 ans... donc au-delà de la limite d’âge. L’effet de l’entrée tardive se conjugue avec l’allongement de la durée de cotisation pour faire sauter ce que le Gouvernement considère comme un verrou, et nous comme une garantie fondamentale pour les fonctionnaires : la notion de limite d’âge. Vous évoquerez la possibilité de racheter les années d’études, mais il se fera dans des conditions telles qu’il sera réservé à une minorité. D’où notre amendement de suppression de l’article.

M. Maxime Gremetz - Sous prétexte d’introduire de la souplesse dans l’âge de départ à la retraite, à partir de la fausse bonne idée de « retraite à la carte », l’article 46 vise à permettre au fonctionnaire de prolonger son activité au-delà de la limite d’âge du corps auquel il appartient. Le Gouvernement affirme que les fonctionnaires sont demandeurs, mais il faudrait encore le démontrer. Sur quelles enquêtes, quelles données chiffrées fonde-t-il cette affirmation ? M. Delevoye évoque des courriers reçus. Nous pourrions citer tout autant de témoignages de fonctionnaires qui nous demandent de défendre leur statut, et tiennent la notion de limite d’âge pour une garantie, non une entrave à la liberté. Ne perdons pas de vue un point capital : si les fonctionnaires des services sédentaires étaient certains d’avoir, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge, droit à un traitement continu égal à 75 % du traitement des six derniers mois, combien demanderaient à poursuivre leur activité ? Nous souhaitons une vraie réponse sur ce point, et non la pseudo-réponse qu’on nous a donnée. Cet article a pour seule ambition de priver de toute portée la notion de limite d’âge. C’est pourquoi nous proposons la suppression de son premier alinéa. Votre création d’un article premier bis dans la loi du 13 septembre 1984 n’est que la traduction de vos choix idéologiques. A ces choix, il existe des alternatives. Notre contre-projet réaffirme la possibilité d’une pension à 75 % du traitement, après 37,5 annuités. Il a sa cohérence, fondée sur d’autres choix de financement. Dans ce cadre, il n’est pas nécessaire de porter atteinte au statut des fonctionnaires. Nos amendements visent à faire barrage à cet article, qui illustre la logique perverse à l’_uvre dans votre projet. Les amendements 7870 à 7876, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - J’appelle les amendements identiques 7877 à 7883.

M. Pierre Goldberg - Ces amendements tendent à supprimer l’article premier bis que vous voulez créer. Il amènerait une véritable régression pour les fonctionnaires. Sous prétexte de préserver les libertés individuelles, il casse toute référence réglementaire à un âge maximum de départ en retraite. Cet argument par la liberté méconnaît la législation existante. En effet, le principe de mise en retraite d’office dès la limite d’âge n’interdit pas une certaine souplesse. Ainsi, le Conseil d’Etat a admis des limites d’âge différentes au sein d’un même corps dès lors qu’elles étaient justifiées par des circonstances exceptionnelles et dans l’intérêt du service. Il existe des mesures personnelles dérogatoires à la mise en retraite d’office dès la limite d’âge. L’article 4 de la loi du 18 août 1936, loi qui ne concerne que les fonctionnaires civils, énonce deux hypothèses de recul de la limite d’âge. En premier lieu, les parents qui ont encore des enfants à charge le jour où ils atteignent la limite d’âge ont droit à un recul de cette limite d’une année par enfant dans la limite de trois ans. Ce recul ne permet donc pas de rester en fonction au-delà de 73 ans pour les fonctionnaires de catégorie A, ou de 70 ans pour ceux de catégorie B. En second lieu, tout fonctionnaire qui est parent de trois enfants au moment où il atteint l’âge de 50 ans peut prétendre à un recul d’une année. Cette seconde hypothèse n’est pas cumulable avec la précédente, sauf si l’un des enfants à charge est atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 % ou ouvre droit au versement de l’allocation adulte handicapé. Le fonctionnaire atteint par la limite d’âge peut également bénéficier d’une prolongation d’activité en vertu de textes particuliers. Ces règles dérogatoires, qui concernent seulement certaines catégories de fonctionnaires, ne remettent pas en cause le principe de la limite d’âge. Elles se justifient par des circonstances exceptionnelles. En voici quelques exemples. L’article 18 de la loi du 27 février 1948 permet aux fonctionnaires dont un enfant est mort pour la France une prolongation d’activité d’une année par enfant décédé. Autre exemple : le décret du 18 décembre 1948 autorise une prolongation d’activité, si l’agent remplit les conditions d’aptitude physique et intellectuelle. Il doit en faire la demande trois mois avant la limite d’âge. La prolongation est de deux années, cinq pour les instituteurs. Un troisième exemple concerne les professeurs de l’enseignement supérieur : ils peuvent être maintenus en activité jusqu’à la fin de l’année universitaire au cours de laquelle ils atteignent la limite d’âge. Vous le voyez, outre notre désaccord fondamental avec votre projet, nous venons de vous démontrer que les mesures dérogatoires et individuelles existent bien. C’est pourquoi nous vous proposons de refuser l’introduction d’un article premier bis de la loi de 1984.

M. Maxime Gremetz - On ne peut faire fi de certaines réalités. En premier lieu, l’âge d’entrée dans la fonction publique ne cesse de reculer, la titularisation n’intervenant en moyenne qu’à vingt-six ans. En effet, non seulement la durée des études tend à s’allonger, mais cette évolution positive va de pair avec une dévalorisation des diplômes : de nombreux étudiants titulaires d’une licence, recalés aux concours de catégorie A qui leur sont normalement réservés en raison de la concurrence que leur font des candidats de niveau bac +4, voire bac +5, se présentent à des concours ouverts aux titulaires du baccalauréat. Les jeunes fraîchement sortis du lycée sont ainsi écartés de ces concours de catégorie B. A l’entrée des écoles d’infirmières par exemple, ils sont opposés à d’autres candidats qui ont déjà effectué quatre ou cinq années d’études ! Le long gel des inscriptions et des postes ouverts au concours dans ce secteur a d’ailleurs conduit à une telle pénurie qu’il a fallu faire appel à des infirmières espagnoles... La limite d’âge et la mise en retraite sont des garanties collectives permettant de libérer des postes pour les jeunes. La limite d’âge est d’ailleurs déjà variable, puisqu’elle est de cinquante-cinq ans pour les agents occupant un emploi classé comme insalubre, de soixante ans pour ceux qui relèvent des services actifs et de soixante-cinq ans pour ceux qui sont classés en « service sédentaire ». D’où l’amendement 7889. L’amendement 7889 et les amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - J’appelle les amendements 7856 à 7862.

M. Pierre Goldberg - L’insertion d’un article premier bis dans la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge des fonctionnaires découle fort logiquement du choix fait par le Gouvernement d’allonger la durée d’activité requise pour faire valoir ses droits à une retraite pleine. Les fonctionnaires dont la durée de services liquidables sera inférieure à quarante annuités pourront, y est-il précisé, être maintenus en activité sur leur demande après avoir atteint la limite d’âge applicable à leur corps. Mais il est clair que les agents dans ce cas seront de plus en plus nombreux à mesure que s’appliquera ce projet ! Vous ne faites que sauver les apparences en donnant l’impression qu’ils opteront librement pour cette prolongation. En fait, ce texte est tout entier placé sous le signe de la contrainte « à visage humain » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le pouvoir d’achat des intéressés sera tellement amputé qu’ils seront contraints de demander cette prolongation d’activité. En raison de cet élément de contrainte et de l’importance de l’enjeu, il importe de préciser que l’agent ne pourra présenter sa demande qu’une fois informé par l’administration de ses droits et obligations, selon des modalités à préciser par un décret en Conseil d’Etat. Le fonctionnaire concerné devrait notamment être mis en mesure de calculer ce à quoi il a droit lorsqu’il atteint la limite d’âge, ainsi que les droits qu’il acquerra s’il prolonge son activité. Tel est le sens de l’amendement 7862.

M. Pierre Goldberg - Sous prétexte de favoriser l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, cette disposition consacre une fois encore la démission du Gouvernement dans la prise en charge de la petite enfance. Au lieu de créer des structures d’accueil adaptées, l’Etat se décharge sur les mères. Nous retrouvons la logique à l’_uvre dans la suppression de la bonification pour enfants : il s’agit de renvoyer les femmes à leur foyer. Dans la perspective du comité interministériel de l’automne 2001 sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, le ministre de la fonction publique avait demandé au comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques de lui proposer quelques mesures de nature à favoriser l’égalité professionnelle. Prise en compte des temps sociaux, mixité des groupes de travail, nomination de déléguées à l’égalité, formations spécifiques étaient des pistes efficaces. Nous avions également proposé de consacrer une circulaire aux problèmes de l’organisation du travail, prévoyant notamment la fixation à 18 heures de l’heure limite des réunions ou la création de conditions permettant aux femmes de se réunir. Il s’agissait aussi d’encourager les fonctions publiques à participer au développement de services sociaux de garde d’enfants. Cet article qui se veut progressiste prouve la collusion du Gouvernement avec les organisations patronales soucieuses de pérenniser la forme de sous-emploi que représente le temps partiel. Les salariés à temps partiel sont les moins bien rémunérés, ils ont moins d’avantages sociaux et moins de points de retraite et d’ancienneté. Ce sont les plus vulnérables au licenciement. Or, le temps partiel est souvent imposé, surtout aux femmes. En 1982, 16,4 % des femmes et 1,9 % des hommes travaillaient à temps partiel. En 1998, ils étaient respectivement 31,4 % et 5,6 %. Les femmes représentent 84 % des salariés à temps partiel. 75 % d’entre elles ne l’ont pas choisi. Comment le Gouvernement entend-il mener une politique volontariste d’égalité professionnelle dans la fonction publique ?

M. Frédéric Dutoit - L’article 49 a trait au partage de la vie d’adulte entre temps au travail et temps hors du travail. Dans son ouvrage « Itinéraire vers la retraite à 80 ans », Orio Giarini soutient l’idée que, pour qu’il soit pensable de rester actif jusqu’à un âge aussi avancé, il est indispensable que la durée de travail hebdomadaire soit revue à la baisse. A raison de vingt heures de travail hebdomadaire, on peut envisager un rapport au monde différent et l’idée de prolonger sa vie active devient moins inacceptable. Les lois sur les 35 heures permettaient d’envisager un nouveau partage des temps d’activité et, finalement, un rapport au travail beaucoup moins contraint. En les vidant de leur contenu, le Gouvernement n’a vraiment pas choisi la bonne voie pour préparer les esprits à une réforme des retraites fondée sur l’idée qu’il faudra toujours travailler plus ! La CPA visait à donner aux agents publics un espace de liberté supplémentaire, en fin de carrière. Las, sous prétexte d’introduire de la souplesse dans le dispositif - mais ce n’est qu’une illusion ! -, votre réforme durcit les conditions d’accès à la CPA. Ainsi, vous imposez un nombre minimal de trimestres de cotisation, et les autres conditions - telles celle d’âge minimal - sont plus restrictives. Au final, la seule avancée notable concerne la question de la quotité de temps de travail, désormais dégressive, mais c’est bien peu de chose au regard des reculs que je viens de dénoncer. Après l’assouplissement-enterrement des 35 heures, les atteintes à la CPA démontrent sans ambiguïté que le Gouvernement n’est pas décidé à tirer parti des formidables gains de productivité réalisés au cours du siècle dernier pour favoriser un nouveau partage du temps de travail, et, partant, un autre rapport au travail. Votre leitmotiv selon lequel le salut passe par un allongement de la durée de travail n’en est que plus inacceptable ! A moins que nos préoccupations soient prises en compte, nous n’aurons aucun remords à voter contre l’adoption de cet article

M. Pierre Goldberg - Le dispositif de la cessation progressive d’activité permet aux agents en fin de carrière, souvent usés et désireux d’alléger leur charge de travail, d’envisager un autre rapport à leur activité professionnelle. En durcissant de manière aussi drastique les conditions d’accès à ce dispositif, vous en priverez un grand nombre de fonctionnaires. Nous proposons donc de réécrire le paragraphe I de l’article 49 afin de revenir à des conditions plus acceptables, c’est-à-dire pour l’essentiel à celles que prévoit l’article 2 de l’ordonnance du 31 mars 1982. Il s’agit d’abord de maintenir à 55 ans la condition d’âge, que vous portez à 58 ans. Ensuite, alors que la rédaction en vigueur n’exige pas une durée de cotisation minimale, votre texte en introduit une et, qui pis est, il intègre le passage de la durée d’assurance requise à 40 annuités. Nous proposons de supprimer cette nouvelle condition, barrière particulièrement difficile à franchir. Par ailleurs, notre amendement permettrait de remédier à une injustice grave. En effet, les fonctionnaires occupant un emploi classé en services actifs ou de la catégorie B, c’est-à-dire ceux qui relèvent de la catégorie active, sont actuellement exclus du dispositif de CPA. La limite d’âge afférente aux emplois occupés par ces agents est aujourd’hui variable. Si pour la majorité d’entre eux, elle est de soixante ans, elle peut aussi bien être de soixante-deux, voire soixante-cinq ans. Notre amendement tire les conséquences de cette diversité de situation : il est proposé que les agents occupant un emploi de la catégorie active puissent être admis au bénéfice de la CPA à compter de leur cinquantième, cinquante-deuxième, ou le cas échéant cinquante-cinquième anniversaire. Enfin, en cohérence avec les valeurs portées par notre contre-projet, nous proposons que les conditions d’accès au dispositif de CPA tiennent compte du maintien du droit au départ après trente-sept annuités et demi de cotisation. Il est clair, Monsieur le ministre, que cet amendement répond à une philosophie radicalement différente de la vôtre. Nous avons donc peu d’illusions sur ses chances d’être adopté. Mais c’est pour cela aussi qu’il nous fallait le défendre avec conviction.

M. Frédéric Dutoit - Notre intérêt pour le dispositif de cessation progressive d’activité nous a conduit à tout faire pour que l’adoption de l’article 49 du projet ne lui fasse pas perdre tout son intérêt. Nous avons donc déposé des amendements de repli, dont la rédaction se situe en deçà de nos attentes et des revendications exprimées par les syndicats que nous avons auditionnés. Le présent amendement en fait partie. Il tend à réécrire en partie le premier alinéa du paragraphe I de l’article 49 et à introduire un deuxième alinéa. Mais, avant tout, je souhaite citer certains commentaires des organisations syndicales sur ce sujet, non que je veuille me faire le porte-parole d’intérêts particuliers - les députés sont les représentants de la nation -, mais parce que je désire montrer que le dialogue social a été insuffisant et que la rédaction de l’article 49 n’est nullement une rédaction de compromis. Pour la fédération syndicale unitaire, il s’agit « d’un dispositif nettement moins avantageux que le précédent ». L’UNSA va plus loin, et parle d’une « régression importante, en contradiction avec le discours sur la gestion des fins de carrière ». Et de préciser : « Cette disposition obligera la plupart des fonctionnaires qui en bénéficieront à poursuivre leur activité jusqu’à l’âge de 65 ans. On peut penser que cela sera dissuasif, d’autant plus que la rémunération sera bien moins avantageuse qu’aujourd’hui. » Pour la CFDT, « l’âge d’entrée en CPA passera progressivement de 55 à 58 ans d’ici 2008 ». Toutes ces déclarations sont publiques. Vous les connaissez, Monsieur le ministre. Mais vous voulez les ignorer. Or, elles rejoignent les préoccupations des parlementaires communistes et républicains. Il faut améliorer le dispositif de cessation progressive d’activité, car il n’est pas satisfaisant. L’amendement de repli que nous proposons vise à en ouvrir l’accès aux agents occupant des emplois classés dans la catégorie active. A cette fin, il introduit un nouvel alinéa dans le paragraphe I de l’article 49. Il serait regrettable en effet que toute une série d’agents dont la limite d’âge est fixée entre 60 ans et 65 ans continuent d’être exclus du dispositif simplement parce qu’ils n’ont pas la chance d’occuper des emplois classés en service sédentaire. Pour réparer cette iniquité, qui constitue une sorte de discrimination, nous avons accepté une série de concessions par rapport à notre vision de ce que doit être la CPA des fonctionnaires. Première concession à la logique gouvernementale : notre amendement prend acte du relèvement de l’âge minimal à partir duquel l’agent peut être admis au bénéfice de la CPA. Il prévoit en effet un âge minimal de 58 ans pour les agents occupant un emploi classé en service sédentaire. Cet âge minimal varie de 53 ans à 58 ans pour les agents occupant un emploi classé en services actifs ou de la catégorie B. Notre seconde concession porte sur la durée de cotisation requise pour bénéficier du dispositif : nous acceptons ici cette condition nouvelle, mais souhaitons que cette durée soit ramenée de trente-trois annuités à trente annuités et demie. Au vu de ces deux concessions, sans doute la commission et le Gouvernement accepteront-ils nos amendements de repli. Est-il acceptable en effet qu’un dispositif qui permettait de gérer de façon souple les fins de carrière soit réservé aux seuls fonctionnaires occupant des emplois classés ? Les amendements 8360 à 8366, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous en venons aux amendements 8367 à 8373.

M. Pierre Goldberg - Le sujet de la cessation progressive d’activité retient d’autant plus l’attention du groupe communiste et républicain que ce dispositif permet d’aménager la fin de carrière des agents exerçant des métiers pénibles. Les nouvelles conditions exigées par le Gouvernement pour en bénéficier ne pouvant à l’évidence nous satisfaire, nous avons déposé plusieurs séries d’amendements visant à réécrire l’article 2. Elles viennent d’être repoussées, comme il fallait s’y attendre, en raison de leur coût ou de leur caractère prétendument chimérique. Nous proposons donc maintenant des amendements de repli, certes en deçà de ce à quoi les fonctionnaires pouvaient légitiment prétendre, mais néanmoins justifiés par l’impérieuse nécessité d’améliorer les dispositions des premier et deuxième paragraphes. Ainsi l’amendement 8367 tend à réécrire le deuxième alinéa du I...

M. le Président - Je me demande si je ne devrais pas appliquer cet article du Règlement qui permet au Président d’interrompre un orateur qui lit...

M. Pierre Goldberg - ...

M. le Président - Poursuivez : c’était de l’humour !

M. Pierre Goldberg - Nous renonçons ici à demander que soient pris en compte les agents occupant un emploi classé dans la catégorie active, afin de garder une chance d’améliorer les dispositions relatives à ceux qui occupent un emploi classé en service sédentaire. Ces derniers sont en effet pénalisés par la nouvelle rédaction, qui exige une durée minimale de cotisation de trente-trois annuités. L’amendement vise à supprimer cette condition, dans la mesure où le dispositif est déjà suffisamment contraignant : sont exclus du bénéfice de la CPA les agents pour lesquels la limite d’âge n’est pas fixée à 65 ans et les intéressés doivent en outre justifier de vingt-cinq ans de services effectifs, non compris ceux qui ont été effectués en qualité de non-titulaires !

Monsieur le ministre, avez-vous réellement pensé à écouter les syndicats comme nous, nous l’avons fait ? Nous avons entendu toutes les organisations représentatives et constaté qu’elles étaient unanimes à parler de recul. C’est pourquoi nous nous battrons pour que ce dispositif continue de répondre aux attentes des fonctionnaires plutôt que de servir les seuls intérêts des services administratifs ou, pis, le dogme de la compression des dépenses publiques !

M. Frédéric Dutoit - Nous sommes bien sûr en opposition frontale avec la conception même de ce projet. Permettez toutefois, Monsieur le rapporteur, que nous tentions d’améliorer le texte, même dans le cadre fixé par le Gouvernement. C’est dans ce but que nous avons mené une réflexion sérieuse sur la cessation progressive d’activité. Cela méritait d’être fait au moins pour deux raisons. D’une part, les attentes des intéressés, telles qu’elles sont relayées par les organisations représentatives, semblent fortes et légitimes. Au-delà de la dénonciation de votre projet, il convient donc d’épouser ces aspirations et de s’employer à permettre aux salariés du public comme du privé d’acquérir des droits nouveaux. D’autre part, cet article méritait une attention particulière, car il montre à quel point la liberté que défend le Gouvernement n’est qu’une liberté formelle. On pourrait la qualifier par l’expression de « liberté contrainte », qui en montre la contradiction. Ces considérations justifient que l’on se penche avec sérieux sur la réforme des ordonnances du 31 mars 1982. Les paragraphes I et II de cet article sont particulièrement critiquables. Le présent amendement entend refaire de la CPA ce qu’elle avait vocation à être : un élément de liberté pour les agents dans la gestion de leur fin de carrière. Les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière occupant des emplois classés dans la catégorie « active » ne doivent plus être exclus de ce dispositif. Cet amendement de repli est un moyen d’exiger à nouveau que soient pris en compte les droits de ces agents, occupant des emplois qui présentent des fatigues exceptionnelles ou des risques particuliers. Tant qu’une injustice n’est pas réparée, il ne faut pas cesser de la dénoncer. C’est en tout cas notre conviction, elle fonde notre volonté constructive d’améliorer même votre texte.

M. Frédéric Dutoit - Le régime indemnitaire de la fonction publique constitue un élément de la rémunération des agents publics pouvant atteindre 30 % du revenu total. Cependant, les primes disparaissent une fois interrompue l’activité professionnelle et elles ne sont pas prises en compte pour déterminer le moindre droit à pension. Nous plaidons pour l’intégration complète des primes et autres éléments accessoires de rémunération dans la base de calcul des pensions. Cette revendication est du reste conforme aux aspirations des fonctionnaires eux-mêmes. Ils l’ont fait valoir à l’occasion des puissantes manifestations de ces dernières semaines à Marseille et partout dans le pays. Il est vrai que l’avenir des pensions ne se présente pas sous les meilleurs auspices, puisque les pensions moyennes vont être amputées de 20 % à 25 % à l’issue de la réforme que l’on nous demande d’adopter. Tout se passe comme si les pensions du secteur public constituaient un gâteau dont on chercherait à tirer des parts toujours plus fines, compte tenu de l’augmentation du nombre des convives appelés à le partager. Et la cerise sur le gâteau c’est l’article 52 qui prévoit de mettre en place un complément de retraite assis sur une cotisation portant sur les éléments de rémunération indemnitaires. Voilà un cas de figure intéressant : on organise la régression du pouvoir d’achat des pensions, puis on met les fonctionnaires en situation de bénéficier d’une retraite par répartition provisionnée, assise sur des cotisations ponctionnées sur les éléments de rémunération non pris en compte dans la pension ! C’est une resucée du système de capitalisation que l’on nous invite ainsi à valider, d’autant qu’il y a fort à parier que compte tenu de son caractère de rente viagère, ce régime additionnel permettra de réaliser entre-temps, avant liquidation de la rente ou versement du capital, quelques placements financiers intéressants ! La solution préconisée pour prendre en compte la spécificité du mode de rémunération des agents publics n’est donc pas satisfaisante. Bien des questions se posent, notamment sur la qualité des placements qui seront effectués avec les sommes collectées - et non servies en rente ou en capital. S’agira-t-il de mener quelques audacieux et périlleux raids boursiers ? Va-t-on réserver au nouvel établissement public l’honneur de souscrire des titres de la dette publique pour améliorer sa propre liquidité ? Ce régime est entouré de trop peu de garanties pour recevoir notre assentiment. Nous ne voterons pas l’article 52.

Annexe 3 30 juin soirée

M. Pierre Goldberg - Nos amendements 8678 à 8684 tendent à supprimer cet article. Nombre de propositions ont été faites sur l’avenir des retraites des fonctionnaires d’Etat. L’hypothèse de la création d’une caisse spécifique a été avancée à plusieurs reprises, notamment par M. Juppé lors de sa tentative avortée de réforme des régimes spéciaux en 1995. Alors Premier ministre, il déclarait ici-même, le 15 novembre 1995 : « A l’instar de la caisse des retraites des agents des collectivités territoriales, il est envisageable de créer une caisse de retraite des agents de la fonction publique d’Etat. Je convoquerai sans délai une commission de réforme des régimes spéciaux qui me rendra des propositions sous quatre mois. Ainsi progressera l’équité entre les salariés de ce pays ». La logomachie du gouvernement actuel n’a rien à envier à celle de M. Juppé : l’objectif est le même, « harmoniser » par le bas les droits de tous les salariés. L’idée d’une caisse spécifique n’est plus avancée, mais il faut rester vigilant, car l’article 52 peut être un cheval de Troie. En toute hypothèse, nous y sommes opposés. Une telle évolution conduirait à la banalisation complète des régimes spéciaux, voire à leur intégration dans le régime général. En outre, quel que soit le type de caisse retenu, l’option pour un tel système supposerait que l’Etat employeur y cotise, ce qui ne manquerait pas d’entraîner une forte augmentation de ses dépenses. Puisque l’on nous serine que l’objectif est de maîtriser la dépense publique, l’institution d’une caisse de retraite pour les fonctionnaires de l’Etat n’est pas la solution à privilégier. En outre, il est patent que la part de cotisation laissée au fonctionnaire serait plus forte que dans le régime actuel, d’où une réduction mécanique du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Or les mécanismes de fixation des rémunérations dans la fonction publique d’Etat sont fragiles, du fait de l’absence de conventions collectives. Le droit à la négociation n’est pas véritablement reconnu dans la fonction publique, les protocoles d’accord restant dépourvus de statut juridique. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Frédéric Dutoit - L’article 52 nous laisse perplexes : l’idée de régime public additionnel semble être inspirée par les régimes complémentaires du privé, l’AGIRC et l’ARRCO. Elle devient un non-sens quand on considère que le régime de la fonction publique n’a qu’un étage. Par ailleurs, vous ne tenez aucun compte des effets pervers des accords AGIRC-ARRCO qui ont miné les pensions du régime général. Ils ont en effet réduit de manière drastique les droits à retraite. Le prix d’achat du point de retraite a été relevé de 3,5 % pour l’ARRCO et de 4 % pour l’AGIRC. Le nombre de points attribués chaque année a donc été mathématiquement diminué de 16,3 % et 18,5 % respectivement. Par ailleurs, la revalorisation annuelle de la valeur du point est inférieure d’un point à l’évolution des salaires et, en tout état de cause, plafonnée. Le pouvoir d’achat des retraites en est dévalorisé d’autant. Toute choses égales par ailleurs, ces accords font diminuer les pensions de 20 % pour l’ARRCO et de 22 % pour l’AGIRC par rapport à la situation antérieure. Est-ce ce que vous voulez pour les fonctionnaires ? Selon vous, ce régime permettrait de prendre en compte, entre autres, les primes. C’est une fausse bonne idée, d’abord parce que tous les fonctionnaires ne bénéficient pas de primes, et ensuite parce qu’elles pourraient être prises en compte lors de la constitution du droit à pension et de la liquidation. Enfin, ce système ne pourra avoir aucun intérêt tant que le taux de remplacement ne sera pas susceptible d’assurer un niveau de vie décent. Telles sont les raisons de nos amendements 8713 à 8719.

M. Alain Bocquet - La mise en place d’un système d’acquisition de droits fondé sur la durée de cotisation est incompatible avec l’une des caractéristiques majeures du droit à pension, à savoir l’obligation pour le fonctionnaire de quitter son emploi à un moment donné. Le mécanisme du traitement continué est lié à cette obligation de départ, dont il constitue la juste compensation. Ces deux éléments sont complémentaires et permettent à l’Etat de se séparer des agents âgés sans les laisser dans le besoin. La suppression de facto de ce mécanisme conduirait à une incongruité : les fonctionnaires seraient tenus de partir à un âge donné, quel que soit le montant des droits acquis. D’autre part, si la création d’une caisse ne concerne que les nouveaux fonctionnaires, la réforme n’aura de plein effet que lorsque ceux-ci partiront à la retraite, ce qui ferait coexister deux statuts pour un même poste, avec probablement des rémunérations majorées pour ceux qui se verraient appliquer le système de cotisation. Et si la réforme concerne tous les actifs, cela pose la délicate question des régimes transitoires pour les fonctionnaires ayant déjà une certaine ancienneté. Les obstacles techniques, financiers et juridiques sont donc très importants. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement 8720, de supprimer le II de cet article.

M. Maxime Gremetz - L’article 53 présente l’avantage de prendre en compte le vécu professionnel et la pénibilité du métier d’enseignant. Le rapport Vallemont de juin 2001 a bien identifié ce qui caractérise cette profession : répétitivité, remise en cause, parfois, de l’autorité du maître par les élèves et les parents, stress, fatigue, lassitude. Le métier d’enseignant a considérablement évolué. Les problèmes auxquels la société est confrontée ne s’arrêtent pas à la porte de l’école. Les tensions sont réelles et les exigences de plus en plus fortes. La question de la retraite se pose dans un contexte particulier. Avant la création du corps des professeurs des écoles, ceux qui entraient dans l’enseignement primaire pouvaient cesser leur activité à 55 ans après 15 ans de service actif. Cette spécificité est passée à la trappe, alors que la pénibilité n’a pas diminué pour autant. L’âge de la retraite des professeurs des écoles recule jusqu’à 62 ans et plus encore. Ils pensent qu’ils ont pourtant déjà beaucoup donné. L’âge moyen de départ à la retraite des professeurs des écoles est aujourd’hui de 56 ans. Les enseignants du second degré n’ont qu’une hâte : partir dès qu’ils atteignent 60 ans et ce, quel que soit le nombre d’annuités. Les professeurs certifiés, en 2002, sont partis à 60,3 ans ; seuls un tiers d’entre eux totalisait trente-sept annuités et demi. Le COR a constaté qu’en 2000, 64 % des professeurs du second degré avaient atteint les 60 ans sans réunir les conditions d’une pension à taux plein et que 90 % sont partis à la retraite à 60 ans plutôt que de prolonger leur activité. Ce sont eux qui ont le plus utilisé les dispositifs du CFA et du CPA. Envisager une seconde carrière pour les enseignants implique d’accroître leur mobilité professionnelle, d’augmenter les dispositifs de réadaptation et de reclassement, de maintenir les droits acquis par des agents publics qui ont quinze ans de services actifs. L’article 53 est purement déclaratif. Nous attendons de connaître les garanties que le Gouvernement entend apporter dans l’application de cette mesure.