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En direct de l’Assemblée nationale à partir du 10 juin
Débat parlementaire sur les retraites
19 juin 2003








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Débat parlementaire sur les Retraites 9 ème journée 19 juin 2003

La journée de 19 juin a vu la poursuite de la discussion sur l’article 4 celui-ci étant adopté puis sur l’article 5.

Vous trouverez en annexe 1 la séance de matin. Les amendements du groupe communiste portaient sur le montant des pensions (Jacqueline Fraysse, Jean-Pierre Brard, Maxime Gremetz, François Liberti, André Chassaigne).

En annexe 2, la séance de après-midi avec les éléments concernant les interventions des députés communistes qui portent sur le montant des pensions (Janine Jambu, Muguette Jacquaint, Jean-Pierre Brard) la question du salaire de référence pour le calcul des pensions (Janine Jambu), la référence aux manifestations de la journée (Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard) et enfin la question de la durée de cotisation (Marie-George Buffet, Muguette Jacquaint, Maxime Gremets et Jean-Pierre Brard).

En annexe 3, la séance de jeuedi en soirée, avec les amendements défendus par les députés communistes qui portaient sur la question de l’âge de départ en retraite (Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz), des personnes handicapées (Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Jean-Claude Lefort), de l’équité (Jean-Claude Lefort, Maxime Gremetz) de l’emploi des plus de 50 ans (Muguette Jacquaint), de la situation de l’emploi (Maxime Gremetz), de ladurée des cotisations (Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz).

Ensemble de la discussion disponible sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org

Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER


Annexe 1 18 juin Matin.

Mme Jacqueline Fraysse - A grand renfort de publicité, le Gouvernement répète que d’ici à 2008, nul retraité ne percevra moins de 85 % du SMIC. Je regrette de devoir dire qu’il s’agit d’une contrevérité tout à fait inadmissible. On accuse les organisations syndicales de jeter de l’huile sur le feu et on les traite de tous les noms mais le Gouvernement s’honorerait à dire la vérité, pour dure qu’elle soit. Aujourd’hui, la pension minimale se compose du minimum contributif de 533 € mensuels, versé par le régime général, auquel s’ajoute le cas échéant une retraite complémentaire faisant l’objet d’un calcul individualisé. Demain, des millions de retraités se verront servir une pension plus basse que l’objectif affiché. D’abord parce que l’objectif de 85 % du SMIC net doit être entendu comme un minimum non garanti puisqu’il est apprécié au moment de la liquidation. Deux conséquences : les quatre millions de prestataires du minimum contributif ne verront pas leur pension revalorisée en proportion ; quant aux futurs retraités, leur pension s’effondrera immédiatement après la liquidation, du fait du décalage persistant entre l’évolution des prix et celle des salaires. Or vous avez toujours refusé d’indexer les retraites sur les salaires !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Et vous ?

Mme Jacqueline Fraysse - Nous parlons de votre projet. Restons dans le sujet, vous nous avez suffisamment reproché de nous en éloigner. Après quinze ans de retraite, la pension pourra ne plus représenter que 65 % du SMIC net. Je n’ose pas vous demander comment on vit avec cela. Les 85 % annoncés ne constituent en rien une garantie, mais un objectif. Le risque est grand que le Medef justifie par la hausse programmée du minimum contributif une baisse des retraites complémentaires. Si vous étiez honnêtes, il faudrait fixer un minimum garanti de retraite complémentaire, complétant le minimum contributif. Mais cela n’est pas dans le texte et j’ai le sentiment que le Medef n’est pas prêt à l’accepter. Par ailleurs, vous portez de 150 à 160 trimestres la durée sur laquelle est calculé le minimum contributif et vous restreignez les bonifications. Les femmes seront particulièrement pénalisées, elles qui peuvent rarement justifier d’une carrière complète. Actuellement, six retraitées sur dix sont au minimum contributif. La garantie des 85 % du SMIC n’a donc pas de réalité. Je ne dirai pas que c’est un mensonge d’Etat...

M. Jean-Pierre Brard - Encore que !

Mme Jacqueline Fraysse - Encore que, en effet... Il es très difficile de vivre avec un SMIC. Essayez pendant un mois, pour voir ! Or les retraités auront moins de 85 % du SMIC. Vous allez plonger des millions de personnes dans la misère. Il faut le dire, puisque c’est votre choix. C’est pourquoi nous nous opposons résolument à ce projet et nous demandons qu’au minimum, les pensions les plus basses soient à 100 % du SMIC.

M. Jean-Pierre Brard - Cet article constitue une hypocrisie inacceptable. Il faut dire que vous êtes très fort dans le maniement du vocabulaire - le gouvernement de M. Raffarin se consacre d’ailleurs surtout à la communication, comme en témoigne le texte qu’il a adressé à tous les Français, sans pour autant leur donner un droit de réponse. Curieusement, l’objectif de 85 % du SMIC est reporté à 2008, alors que les autres dispositions du texte n’impliquant pas de progressivité s’appliquent dès 2004. Quand on sait combien il est difficile de vivre avec le SMIC, il est totalement déplacé de limiter les pensions à 85 % de cette somme et de reporter de cinq ans l’application de cette mesure. Mais il y a pire : pour être honnête il aurait fallu compléter cet article par une clause d’indexation sur le SMIC. Cela serait d’autant plus justifié que les salariés rémunérés au SMIC sont souvent ceux qui accomplissent les travaux les plus pénibles et ont l’espérance de vie la plus faible. Mais bien que vous affirmiez vouloir prendre en compte la pénibilité des métiers, je rappelle que la loi de 1975 permettant aux ouvriers de prendre une retraite anticipée n’a jamais été appliquée. A 60 ans, l’espérance de vie est de 14 ans pour un ouvrier, contre 21 pour un cadre supérieur et cela tient pour une bonne part aux conditions de travail. Que nous propose-t-on sur cette question sensible ? Une vague promesse d’accord interprofessionnel dans les trois ans. Quand on connaît le peu d’enthousiasme du Medef pour les avancées sociales, on peut être dubitatif. Dialoguer avec M. Seillière, M. Sarkozy - l’autre ! - et M. Kessler, c’est discuter avec des bornes kilométriques ! Pourquoi ne pas inscrire dans la loi des bonifications ou un départ anticipé pour les métiers pénibles ? Malgré un affichage séduisant, cet article traduit une logique profondément critiquable, qui justifie notre refus. Je terminerai par un exemple concret. Dans ma commune les ordures ménagères sont ramassées principalement par la société SITA. Si vous vous êtes retrouvé bloqué derrière une benne à ordures, vous avez dû observer l’intensité du travail et l’effort physique exigé, pour un salaire de misère et une retraite à l’avenant. Alors pensez au mauvais coups que vous préparez à ces éboueurs.

M. Maxime Gremetz - Il faudrait afficher les chiffres et les arguments pour répondre à la plaquette du Premier ministre... C’est pure propagande ! « Si vous avez commencé à travailler entre 14 et 16 ans », écrit le Premier ministre, « la réforme vous permet de partir à la retraite à taux plein avant soixante ans », et l’on prétend d’ailleurs reprendre l’une de nos propositions, constamment rejetée par le précédent gouvernement. Mais, est-il précisé, ce sera « sous certaines conditions d’âge », et avec 42 annuités ! Les gens savent faire leurs comptes, et verront bien ce qu’il en est.

M. François Liberti - Il y a un instant, ma collègue Jacqueline Fraysse se demandait si cet article n’était pas un « mensonge d’Etat ». La question se pose d’autant plus que le minimum contributif est l’une des mesures qui vous permettent de vous prévaloir de la signature de M. Chérèque. Que dit l’article 4 ? « La nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 [...] 85 % du SMIC net. » Mais un objectif reste un objectif : il peut être atteint ou non. Si le tract du Premier ministre n’hésite pas à proclamer que « la réforme garantit une pension égale à 85 % du SMIC », vous vous gardez bien d’employer le verbe « garantir » à l’article 4. Et pour cause ! Le tract du Premier ministre ne dit pas la vérité. Il faut donc bien le qualifier de mensonge, et quand celui-ci est fait au nom de l’Etat, c’est grave. Comment ne pas évoquer, à propos de cet article, la réforme Balladur de 1993, dont nous avions dénoncé les conséquences sur le pouvoir d’achat des retraités ? Non seulement elle n’a pas permis de réduire les cotisations, mais les pensions et les retraites ont diminué, tandis que le taux de remplacement se dégradait. Si rien n’est fait, la tendance va se poursuivre pour les pensions les plus modestes. En juillet dernier, nous avons déploré qu’aucun effort ne soit consenti en faveur du SMIC, au moment même où des mesures étaient prises en faveur des plus hauts revenus. Avec des pensions indexées sur les prix, l’écart avec le niveau du SMIC ne peut que s’accroître. Il en va de même de l’allongement de la période de référence pour le calcul des droits à pension, qui atteindra 25 années en 2008 pour les salariés du secteur privé. La réforme Balladur a donc provoqué l’effondrement de la part des retraites dans la richesse créée, alors même que celles-ci constituent un élément non négligeable du revenu des ménages - 20 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu. L’indexation des pensions sur les prix et l’allongement de la période de référence pour le calcul des droits à pension sont des facteurs de nivellement par le bas des pensions du régime général. Le résultat en est que les pensions ont diminué de plus de 10 % depuis 1993. Il faut revenir sur ce dispositif discriminatoire. Nous préconisons pour notre part d’améliorer la qualité et le montant des pensions servies.

M. André Chassaigne - Je reviens sur la démonstration pertinente de notre collègue Gilles Cocquempot sur le sens du mot « objectif ». L’article 4 fixe en effet un « objectif ». Ce choix lexical est-il délibéré, Monsieur le ministre ? Pour le Petit Robert, un objectif est « un dessein, une visée, un résultat que l’on se propose d’atteindre ». Autant dire qu’il n’y a là aucune garantie ! Dès lors, n’y a-t-il pas, en effet, tromperie, mensonge d’Etat ? Le Littré, plus ancien, s’en tient au registre militaire : un objectif est « un but où l’on se propose d’arriver ». C’est un terme de stratégie. Voilà donc la stratégie politique du Gouvernement ! Comme le dit l’expression auvergnate, on veut nous faire acheter « un âne dans un sac » ! (« Ah ! » sur divers bancs) Ce terme est vide de contenu, et la suite de l’article le confirme, puisqu’il est prévu de réexaminer cet objectif dans cinq ans ! J’en viens au taux de remplacement, en me fondant sur un article de la Lettre de l’OFCE du 23 mai 2003. La réforme Balladur de 1993 et l’accord de 1996 relatif aux régimes complémentaires aboutiront à terme, y est-il écrit, à une baisse de 20 % du niveau des retraites du secteur privé. Le taux de remplacement brut d’un ouvrier type, déjà passé de 72 % à 65 % entre 1990 et 2000, ne sera plus que de 57,5 % en 2040. La seule réforme Balladur entraîne donc une baisse de 14,5 %, et si l’on fait la comparaison avec le salaire net, on passe de 87 % en 1990 à 77 % en 2000 et à 68 % en 2040, soit une baisse mécanique de 19 %. De même, votre refus d’indexer les retraites sur l’évolution des salaires constitue un moyen aussi détourné que peu justifiable de réduire le niveau des pensions. Il est inéquitable que le pouvoir d’achat des retraités ne bénéficie pas de l’élévation générale du niveau de vie et qu’il baisse avec le temps, au moment même où surgissent les situations de dépendance. Cela pèsera d’autant sur les comptes sociaux ou sur les familles, compte tenu des coûts induits par la prise en charge de la dépendance.

Annexe 2 18 juin Après-midi

Mme Janine Jambu - Notre collègue André Chassaigne a rappelé ce matin toute l’ambiguïté qu’il y avait à ne parler dans la loi que « d’objectifs », ceux-ci risquant d’être des v_ux pieux. Notre amendement 3540 vise précisément à demander qu’une pension minimale soit « garantie ». Le terme a toute son importance. On pourrait considérer cela comme un amendement de repli, après que nous n’avons pas obtenu la suppression de l’article 4. Mais il s’agit d’une mesure d’une extrême importance, notamment pour les smicards, et surtout les smicardes, puisque ce sont les femmes, hélas, qui perçoivent les salaires les plus bas. Il est dommage que Mme Zimmermann ne soit pas là cet après-midi... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) car elle aurait pu approuver cet amendement, de nature à améliorer la situation des femmes en particulier. Si nous sommes tous d’accord sur ce point, pourquoi refuser cette proposition ? L’objectif d’une pension minimale équivalente à 85 % du SMIC pourra être révisé, dites-vous, en cas de décalage entre le montant des cotisations perçues et celui des pensions servies. Qui fera les frais d’une telle révision à la baisse, si ce n’est les retraités les plus modestes ? Dans la mesure où votre projet, fondé sur une approche purement comptable et malthusienne, ne comporte aucune mesure permettant de garantir véritablement l’avenir du système de retraite par répartition, cet amendement est indispensable. D’autant que les retraites, indexées sur les prix, ne bénéficient pas du coup de pouce éventuellement accordé au SMIC en fonction de la croissance. Il faudra bien revenir sur cette question essentielle puisqu’ainsi le décalage s’accentue entre revenu d’activité et revenu de remplacement, sans que l’indexation des retraites sur les prix ne se traduise pour les salariés par un allégement de cotisation. Il convient donc, comme nous le proposons, de garantir un taux de remplacement de 85 % pour les anciennes smicardes et anciens smicards.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends l’amendement 3539. Il se confirme que les v_ux formulés par les membres de la délégation aux droits des femmes - dont je suis - ne sont pas nécessairement suivis par le Gouvernement... Les femmes retraitées ont une pension moyenne de 850 € mensuels et nombre des pensions qui leur sont versées sont inférieures à 700 €. Si l’on prenait comme base dans cet article le SMIC brut et non le SMIC net, on arriverait à une pension minimale de 980 €. Pour l’ensemble des autres prestations sociales ayant le caractère d’un revenu de remplacement, c’est sur la rémunération brute que se fonde le calcul des droits ; c’est également sur cette base qu’est calculée la cotisation des smicardes et des smicards. Il serait donc logique de retenir le même mode de calcul pour les pensions.

M. Jean-Pierre Brard - Je défends l’amendement 3541. Monsieur le ministre, j’ai senti tout à l’heure un peu de tension dans hémicycle. Pour détendre l’atmosphère, je voudrais vous citer André Pieyre de Mandiargues : « L’amour sort du futur avec un bruit de torrent et il se jette dans le passé pour le laver de toutes les souillures de l’existence »... Vous-même êtes promis, lorsque vous ne serez plus ministre, à une belle carrière d’homme de lettres car vous avez une grande aptitude à faire dire aux mots l’inverse de leur sens commun, même si Guy de Maupassant disait que « Quelle que soit la chose qu’on veut dire, il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer, qu’un adjectif pour la qualifier ». La pédagogie - j’ai appris cela à l’école normale d’instituteurs de la rue d’Auteuil - passant toujours par des exemples concrets, je vous donnerai pour mieux me faire comprendre l’exemple d’Aurélie, 36 ans, professeur des écoles dans le Cantal. Diplômée d’une école de commerce, elle a eu deux enfants, avant de décider, à 27 ans, de passer le concours de recrutement. Elle a débuté dans de petites écoles isolées avant de devenir directrice d’école à Saint-Flour. Son métier la passionne, mais elle se voit mal poursuivre sa carrière jusqu’à 66 ou 67 ans, âge auquel elle pourrait bénéficier d’une retraite à taux plein. Il lui faudrait d’ailleurs demander l’autorisation de l’inspecteur d’académie pour prolonger son activité au-delà de 65 ans. Injustice supplémentaire : alors que la législation actuelle lui attribue une bonification d’un an par enfant, elle la perdrait avec l’adoption de cette réforme, ses enfants étant nés avant qu’elle ne devienne professeur des écoles. Constatant la manière révolutionnaire dont vous maniez le vocabulaire, Monsieur le ministre, je vous propose de remplacer le verbe « assurer » par le verbe « garantir » afin de donner plus de force à votre volonté de protéger les retraités de demain.

Mme Janine Jambu - Depuis la fin des années 1980, et notamment le livre blanc sur les retraites de Michel Rocard, la bataille idéologique fait rage sur les effets du baby-boom de l’après-guerre et de la dégradation du rapport entre actifs et retraités. Néanmoins, les tenants des fonds de pension sont plus discrets qu’il y a quelques années ; l’éclatement de la bulle boursière n’y est pas pour rien, mais cette évolution s’explique aussi par les scandales liés aux modes de gouvernance imposés par les fonds de pension. A partir du milieu des années 1980, on a pu constater également l’inversion du mouvement, continu depuis 1945, de hausse des cotisations patronales. Celles-ci, nous dit-on encore aujourd’hui, ne sauraient être augmentées sans mettre en cause la compétitivité des entreprises. Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement Balladur a mis en _uvre pour le privé une grande partie des propositions du livre blanc de Michel Rocard : calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années et non plus sur les dix meilleures, allongement de la durée de cotisation à quarante annuités, application du passage de l’indexation sur les salaires à l’indexation sur les prix. Dans la foulée de ces décrets de 1993 qui portaient sur la retraite de base, le CNPF a réussi à imposer en 1993 et 1996 des accords sur les retraites complémentaires. L’accord AGIRC est beaucoup plus draconien que celui de l’ARRCO : les syndicats ont calculé que le taux de remplacement pourrait passer de 51 % en 1998 à 37 % en 2040. Une aubaine pour les fonds de pension ! Les mesures Balladur ont des effets particulièrement désastreux pour les femmes. La proportion des femmes n’ayant pas cotisé ou ayant effectué une carrière incomplète tendait à diminuer, mais le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années et l’allongement de la durée de cotisation ont de nouveau creusé l’écart entre les hommes et les femmes. Ce sont les femmes qui se retrouvent le plus longtemps au chômage, qui subissent le temps partiel, qui interrompent leur carrière pour élever leurs enfants. Or les avantages qui leur sont accordés en contrepartie vont être réduits. La montée en puissance de la CSG, dont le taux est passé de 2 à 7,5 %, a pénalisé les retraités.

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Janine Jambu - C’est tout de même un rappel intéressant. Le congrès du PS comme les propositions de l’UMP ont montré que ces deux partis sont d’accord pour augmenter la CSG, qui frappe uniformément les plus pauvres à partir du SMIC.

M. Fillon ne se prive pas d’observer que la gauche n’a pas annulé les décrets Balladur. Mais n’est-il pas temps de tirer les leçons de cette période ? (Sourires sur les bancs de l’UMP)

M. Maxime Gremetz - Si je bous, c’est qu’il fait chaud dehors, mais aussi qu’il y avait beaucoup de monde à la manifestation. Or les manifestants m’ont mandaté pour vous rendre compte des exigences de la rue. Je sais bien que ce n’est pas la rue qui gouverne, mais le peuple est souverain (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le ministre, le message des manifestants est clair. Vous pouvez faire voter ce projet par votre majorité aux ordres, mais ne pensez pas que tout ira bien ensuite. Il est évident que votre projet ne passe pas. Vous allongez la durée de cotisation alors que notre pays compte 3 millions de chômeurs. Vous prétendez rétablir l’équité entre le public et le privé alors qu’elle n’a été rompue que par la réforme Balladur : avant, tous les salariés avaient pour obligation de cotiser pendant trente-sept années et demie. Vous prétendez ne pas remettre en question la retraite à soixante ans, mais voyez Le Parisien d’hier. On y trouve la démonstration que des millions d’hommes et de femmes n’atteindront pas les quarante annuités. Vous leur en demandez pourtant quarante-deux ! Si j’avais cité L’Humanité, vous m’auriez dit : l’article est partial. Mais Le Parisien ! (Sourires) Serait-il devenu un journal de gauche ? Ce serait la preuve que les idées libérales reculent et que les idées progressistes avancent. En outre, vous réduisez les pensions. Le Parisien cite le cas de ce manutentionnaire qui devra travailler jusqu’à l’âge de 67 ans pour toucher une retraite à taux plein. Oui, il faut une réforme. Mais 65 % des Français souhaitent que les négociations reprennent. Les organisations syndicales y sont prêtes, pour éviter que vous augmentiez les cotisations salariales après avoir accordé 142 milliards d’exonérations aux entreprises. Quant aux fonds de pension, vous n’osez les appeler par leur nom, préférant parler d’épargne-retraite. Mais les salariés ont bien compris de quoi il retourne. C’est pourquoi ils ont apprécié notre proposition de référendum sur ce projet de loi. Mais je doute que vous l’acceptiez car vous savez bien que votre texte serait rejeté !

M. Jean-Pierre Brard - Mieux vaudrait une parité au sein de la gauche... et une parité gauche-droite ! Il serait invraisemblable que mes collègues de droite, qui sont élus pour représenter les citoyens, n’aient rien à dire ! (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP). L’article 5 instaure un mécanisme de rapport constant et rigide entre la durée de cotisation et la durée moyenne de retraite dont peuvent bénéficier les salariés. Il s’agit au fond de prélever une rançon sur l’allongement de la durée de vie. C’est un mécanisme d’ajustement comptable, un simple calcul d’épicier à la Balzac - à ceci près que nous parlons de la vie d’hommes et de femmes. Nous voilà plus proches de Gogol ! Vous avez cité tout à l’heure un auteur que nous ne connaissons pas. Est-ce un ouvrage de jeunesse que vous auriez lu au temps de la gloire du réalisme socialiste ? Dans ce cas, je vous serai reconnaissant de bien vouloir me donner la référence... L’aspect humain et le progrès social sont benoîtement évacués derrière une froide formule mathématique. Peu importent la pénibilité et la dangerosité du travail, qui vont croissantes avec l’âge - ce que confirmeront sans doute les nombreux médecins qui siègent sur les bancs de la majorité. Pour toutes les professions comportant une dimension physique ou un impératif de vigilance, cette disposition posera des problèmes majeurs qui toucheront les salariés les plus modestes. Cela n’ira pas sans risque pour les métiers impliquant une responsabilité à l’égard des usagers - infirmières, conducteurs de transport en commun... On ne peut reléguer les salariés concernés à des tâches mineures. Il faut offrir un poste de travail aux actifs prolongés, sauf peut-être dans le secteur privé, qui saura bien se débarrasser de ses travailleurs insuffisamment rentables ; vous avez concédé une petite ouverture concernant les enseignants. Le Gouvernement serait bien inspiré de substituer à une vision comptable une vision humaniste : le partage des richesses sociales peut et doit permettre que nos concitoyens bénéficient de retraites plus longues sans avoir à faire du présentéïsme jusqu’à soixante-dix ans au nom d’une fantasmatique restauration de la valeur travail. J’ai fait le calcul pour mon fils de treize ans : je crains le pire. Devra-t-il travailler jusqu’à soixante-onze ans ?

Mme Marie-George Buffet - Je défends mon amendement 3542. Le I de cet article tend à lier durée de cotisation et durée des prestations, comme si l’ouverture des droits à la retraite consistait en l’utilisation d’une épargne accumulée qu’on consommerait progressivement, à la manière d’une rente viagère. C’est là une conception étroite de la retraite par répartition. Dans les années 1970, Francis Bouygues avait institué pour ses ouvriers un système de départ anticipé dès l’âge de 60 ans. Ses motivations étaient simples : « Leur espérance de vie est limitée. L’âge moyen de décès, pour un maçon ou un terrassier, est de 62 ans ». Dans la même logique, vous pensez qu’il faut cotiser plus longtemps quand la durée de la vie s’allonge. Drôle de France que cette France d’en bas qui voudrait profiter des progrès de la médecine pour vivre plus longtemps et qui a l’outrecuidance de ne pas vouloir se tuer à la tâche. Il faut supprimer ce dispositif, qui témoigne d’une conception inquiétante du travail.

Mme Muguette Jacquaint - L’un des objectifs du projet serait de maintenir l’activité professionnelle des seniors : c’est là une démarche qui pourrait être louable si elle ne dissimulait pas les véritables attendus de la réforme. Dans le prolongement de la réforme Balladur de 1993, vous voulez faire contribuer toujours plus les salariés, comme d’ailleurs les non-salariés qui ne vivent que de leur travail, au financement de retraites toujours plus modestes. On comprend pourquoi, sous le fallacieux prétexte de favoriser le travail des seniors, le projet comporte un certain nombre d’incitations au cumul emploi-retraite. C’est bien parce que les pensions versées seront de plus en plus modiques qu’on invitera les personnes concernées à prolonger leur activité. Des mauvaises langues diront peut-être que certains seniors ont encore une grande capacité de travail : les sénateurs n’ont-ils pas une moyenne d’âge élevée ? (Sourires) Si on veut vraiment inciter les seniors à travailler au-delà de 60 ans, pourquoi ne pas leur accorder une bonification d’un trimestre par année, ce qui permettrait à ceux qui n’ont pas une durée suffisante de cotisation de l’atteindre plus rapidement ?

M. Maxime Gremetz - Avant de défendre l’amendement 3547, je voudrais vous informer qu’on m’a interrogé sur les propos du Premier ministre : « Je fais le choix de l’apaisement social ». J’ai répondu que M. Raffarin jouait au pompier pyromane : après avoir mis le pays en transes par un projet provocateur, il joue l’apaisement... Le paragraphe 3 de l’article 5 prévoit un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite à taux plein. Si on retenait le principe posé par cet article - un trimestre supplémentaire par année civile -, on aboutirait en 2040 à une durée de cotisation de cinquante annuités ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Cela, vous ne l’avez pas trouvé dans vos fiches !

M. Maxime Gremetz - Je crois que le rapporteur est fatigué et aurait besoin d’une suspension de séance... (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Cet allongement de la durée de cotisation est en rapport direct avec l’allongement de l’espérance de vie : paradoxalement, ce progrès que constitue l’allongement de la durée de la vie devient pour vous un facteur de recul social ! Cela correspond à l’idéologie individualiste qui sous-tend ce projet et cela va accentuer les inégalités devant la retraite. On sait que l’espérance de vie varie selon les secteurs et l’activité effectuée : les députés de la majorité devraient ainsi cotiser plus longtemps que nous car étant nombreux ils sont beaucoup moins fatigués que nous ! (Exclamations et sourires) Ce n’est qu’un exemple... Allonger la durée de cotisation, c’est le meilleur moyen de priver les ouvriers du BTP, les travailleurs « postés » et ceux de l’agriculture de tout véritable droit à la retraite car leur espérance de vie est plus faible que celle des autres catégories professionnelles. C’est organiser la solidarité à l’envers puisque les cotisations de ces ouvriers serviront surtout à financer les pensions du personnel d’encadrement. C’est aggraver les inégalités devant la retraite. Vous comprendrez donc que nous préconisions la suppression de ce paragraphe 3 et que nous demandions un scrutin public sur cet amendement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - J’informe M. Fillon que Valentin Petrovitch Kataïev est né en 1897 à Odessa, non loin du grand escalier rendu célèbre par Eisenstein, et mort à Moscou en 1986... (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

L’article 5 est extrêmement important, tout le monde en convient : mais vous, vous cachez pourquoi ! En effet, vous allongez non pas la durée effective du travail, mais le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une retraite à taux plein. Cela n’a pas échappé au public et aux medias, qui relèvent que le Medef, lui, veut continuer à renvoyer les travailleurs chez eux bien avant 60 ans et que l’âge réel de cessation d’activité est de 57 ans. En apparence, il faudra cotiser plus longtemps. En réalité, on ne cotisera pas plus longtemps, mais vous avez passé ainsi les retraites à l’amincisseur et vos amis des assurances MM. Bébéar, Kessler et consorts, pourront offrir leurs services pour compléter ces pensions - même si vous leur avez trouvé un autre nom car vous êtes imbattable en sémantique, Monsieur Fillon ! Vous dites qu’il faut faire des efforts. Mais les patrons des sociétés du CAC 40 - vous connaissez le CAC 40, c’est là où vos valeurs sont cotées, les nôtres sont plutôt d’ordre moral (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) - ces patrons ont vu leurs revenus augmenter de 13 %, alors que l’indice boursier a chuté de 33 %. M. Jean-Marie Messier a touché en 2002 5,7 millions d’euros pour six mois de présence !

M. Jean-Luc Warsmann - Qui était au pouvoir ?

M. Jean-Pierre Brard - Vous taxez les pauvres gens et laissez les riches s’engraisser davantage. Ce ne sont pas nos choix.

Annexe 3 19 juin Soirée

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 3854 supprime le premier paragraphe de l’article 5, lequel tend à déplacer le curseur de l’âge de départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie par profession, en sorte que la durée de cotisation soit prolongée pour tenir compte de l’allongement potentiel de la durée de versement de la retraite. Arrêtons-nous sur la question de l’espérance de vie à soixante ans. En 2000, elle était de 20,9 ans pour les hommes et de 25,6 ans pour les femmes. En 2020, elle aura gagné trois ans - 23,2 ans pour les hommes, 28,5 ans pour les femmes - et s’allongera de trois années supplémentaires en 2040 pour atteindre 25,9 ans pour les hommes et 31 ans pour les femmes. Si la logique du Gouvernement s’applique, les travailleurs devront cotiser 43 ans en 2020 et 49,5 ans en 2040 pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Cela revient, dans un avenir plus ou moins lointain, à inviter certains salariés à travailler au-delà de soixante-dix ans ! Le dispositif de cet alinéa I remet en cause le droit à la retraite à soixante ans ainsi que la quotité des pensions, ouvrant le champ à la financiarisation des retraites à travers l’épargne individuelle à laquelle les salariés seront contraints de souscrire. C’est pourquoi l’amendement 3854 tend à le supprimer.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 3855 a le même objet. Je viens de prendre connaissance des déclarations de M. Sarkozy.

M. René Couanau - Lequel ?

M. Jean-Claude Lefort - Celui du Medef !

M. Maxime Gremetz - Il est très content, car ce qui lui importe est le « réalisme » des Français, qui voient, dit-il, que tous les pays réforment dans le même sens, allant parfois même beaucoup plus loin. Par sa bouche c’est le Medef - Jean-Claude Lefort avait bien deviné (Sourires) - qui exprime sa satisfaction, et l’on comprend pourquoi. Cela montre bien le choix de classe qui a présidé à cette réforme. On comprend aussi pourquoi les salariés ont une appréciation différente, de sorte que - contrairement à ce que pense M. Sarkozy - l’affaire est loin d’être bouclée. A travers nos amendements, nous affirmons que d’autres solutions sont possibles. Vous avez choisi de tout faire reposer sur la durée des cotisations, évacuant le débat sur la répartition des richesses qui seront produites dans les années à venir. Pourquoi ce qui a été possible dans le passé deviendrait-il catastrophique demain ? Depuis des années notre pays a su dégager une part croissante du PIB pour les retraites. On ne voit pas pourquoi notre économie ne pourrait supporter de porter cette part à 18,5 % du PIB, contre 12,5 % aujourd’hui, alors que, dans le même temps, ledit PIB va doubler. Mais le Gouvernement fait le choix d’attribuer tous les futurs gains de productivité aux seuls détenteurs du capital, comme l’écrit l’économiste Jean-Marie Harribey dans Libération du 26 mai. Assumez donc ce choix, au lieu de le masquer en invoquant une équité qui se ramène à une harmonisation par le bas.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 4037 tend à supprimer, d’une part, l’allongement de la durée de cotisation et, d’autre part, la notion de rapport entre temps passé au travail et temps de retraite, invoqué pour organiser cet allongement. Prendre prétexte de l’allongement de la durée de la vie pour justifier celui de la durée du travail, du point de vue philosophique et humain, il fallait le faire ! Personne n’y aurait jamais pensé, si le besoin d’arguments fallacieux n’était pas si pressant. Ecoutez plutôt votre maître à penser : « Au vu de mes contacts avec les Français, déclare-t-il, et des indications que me donnent les parlementaires de la majorité, il est clair » - ne riez pas ! - « qu’il y a une réelle adhésion à notre projet »... Là encore, il fallait oser le dire, alors que 65 % des Français jugent le projet mauvais et seulement 32 % bon... C’est vous, les parlementaires de droite, je le comprends maintenant, qui induisez en erreur le Premier ministre ! Cela vous jouera des tours. N’essayez pas de justifier l’injustifiable. Votre réforme est construite pour faire plaisir à MM. Seillière et Sarkozy, et en effet ils sont très contents : pas d’augmentation des cotisations patronales, poursuite des exonérations... Que demanderait de plus le Médef ? Une seule chose, cependant : pouvoir mettre les gens dehors avant l’âge de la retraite mais là c’est un peu compliqué. Nous proposons donc de supprimer le premier alinéa du I de l’article 5. Et comme je vois que des forums privés se tiennent dans l’hémicycle, je demande une suspension de séance.

Mme Muguette Jacquaint - Il ne me paraît pas inutile de revenir sur un de nos amendements qui, comme beaucoup d’autres, s’est heurté à l’article 40 : il tendait en effet à donner aux personnes reconnues handicapées par les COTOREP le droit de demander la liquidation de leur pension de retraite dans des conditions dérogeant au droit commun. La rédaction était certes perfectible, mais cette disposition particulière nous semblait plus qu’opportune : les handicapés parviennent difficilement à occuper des emplois en milieu ordinaire, l’obligation d’emploi n’étant que très imparfaitement mise en _uvre, y compris dans le secteur public. D’autre part, le code du travail ne contient aucune disposition en vue de leur faciliter l’accès à la formation professionnelle. Ces personnes sont davantage que les autres affectées par la pénibilité de certaines tâches ; or les entreprises ne sont que rarement tenues d’adapter les postes ! Enfin, même si leur espérance de vie augmente, elle est en général moindre que celle des autres Français. Autant de raisons pour que les années de travail sous statut d’handicapé soient prises en compte de façon spécifique pour l’appréciation des droits à retraite. Vous serez sans doute d’autant plus sensibles à ces arguments que le Président de la République a fait de l’amélioration de la situation des handicapés un des grands chantiers de son quinquennat. Ne vous contentez pas de bonnes intentions et de promesses ! Cela s’impose d’autant plus que cette réforme, augmentant le nombre d’annuités requises pour bénéficier d’une retraite à taux plein, touchera durement cette catégorie de travailleurs. Adoptez donc cette mesure d’élémentaire justice sociale !

L’amendement 4043 est défendu.

M. Maxime Gremetz - Il est en effet difficilement compréhensible qu’on refuse d’aborder cette question en cette année internationale du handicap ! On déclare ce dernier grande cause nationale mais, réformant la retraite, on oublie purement et simplement les handicapés et les parents d’enfants handicapés ! Manqueriez-vous de sensibilité et d’humanisme ? Je ne sais, mais cet oubli me bouleverse quelque peu. Si vous regardez les handicapés comme des personnes à part entière, il faut veiller à leur insertion professionnelle et, dès lors, s’occuper de leur retraite. Opposer l’article 40 à notre amendement était en tout cas parfaitement injustifié ! J’en viens à l’amendement 4044 : le gouvernement se fixe un objectif contestable en voulant maintenir un équilibre entre temps passé au travail et temps passé à la retraite mais, de plus, il envisage de remettre cet équilibre en cause, à terme. C’est pourquoi nous demandons la suppression des mots : « jusqu’en 2020 ». Comment peut-on ainsi anticiper ?

M. Jean-Claude Lefort - Comme mon ami Maxime Gremetz...

M. Jacques Myard - Camarade !

M. Jean-Claude Lefort - Je ne comprends pas la remarque. Comme mon ami Maxime Gremetz, qui est mon camarade par ailleurs...

M. le Président - Et notre collègue à tous !

M. Jean-Claude Lefort - Comme mon ami Maxime Gremetz, qui est par ailleurs mon camarade et notre collègue à tous, je demande par l’amendement 4039 la suppression des mots « jusqu’en 2020 ». Le deuxième alinéa du I contient en effet une disposition qui remet directement en cause le droit de prendre sa retraite à taux plein à 60 ans. Aujourd’hui, le montant des pensions est relativement modeste : il est en moyenne de 1 200 € par mois - mais de 850 pour les femmes, beaucoup ne pouvant effectuer une carrière professionnelle complète. Dans les générations de l’immédiat après-guerre, qui vont arriver à l’âge de la retraite, les carrières complètes sont au contraire fréquentes, ce qui entraînera une certaine élévation du montant des retraites - 850 000 salariés âgés de moins de 60 ans totalisent déjà le nombre de trimestres ouvrant droit à la pension complète. Cependant, depuis la potion du docteur Balladur, cette évolution est contrariée par les modalités de calcul du salaire de référence et par l’indexation de la retraite sur les prix. Les pensions ont ainsi été réduites de 10 % en dix ans ! D’autre part, dans les années à venir, l’allongement de la formation initiale fera que les salariés devront, pour totaliser 160 trimestres, poursuivre leur activité au-delà de 60 ans. Devrons-nous nous plaindre alors de ce que permettent les progrès de la science et de la santé ?...

M. Jean-Claude Lefort - Allonger la durée de cotisation, c’est inciter les jeunes à entrer le plus tôt possible dans la vie active, fût-ce au détriment de leur formation initiale. C’est dénier le droit à un fils ou une fille de paysan ou d’ouvrier de s’engager dans des études longues comme celles pouvant les conduire à un doctorat de sociologie ou de sciences économiques. C’est dénier le droit à un enfant de salarié handicapé à la suite d’un accident du travail de préparer le concours de l’ENS dans les prestigieuses classes d’hypokhâgne et de khâgne - dont je ne sors pas, Monsieur le Président, étant modestement « bac moins trois »... (Sourires). C’est proportionner, selon une arithmétique très dangereuse, période d’activité et période de retraite, comme si la seconde n’était qu’un droit limité en fonction des efforts consentis durant la première. Pour toutes ces raisons, nous proposons par notre amendement 3864 de supprimer le deuxième alinéa du I de l’article 5.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 3869 est identique. Nous n’avons pas du tout la même conception de l’équité que le Gouvernement. S’il doit y avoir harmonisation des durées de cotisation entre public et privé, celle-ci ne doit se faire que par le haut, en revenant sur la réforme Balladur. L’augmentation de la productivité et l’élargissement de l’assiette des cotisations patronales permettraient tout à fait de financer le retour à 37 annuités et demie de cotisation dans le privé. Le COR évalue à 0,3 point de PIB le coût d’une telle mesure à l’horizon 2040. L’effort ne serait donc pas insurmontable pour notre économie. A vous suivre au contraire, pour stabiliser, comme vous dites, « le ratio entre temps de travail et temps de retraite », chaque fois que l’espérance de vie augmentera de trois mois, les salariés devront en consacrer deux de plus à travailler. Vos considérations sont exclusivement financières, au mépris des profondes disparités entre retraités, au regard notamment de leur espérance de vie.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends les amendements 3584 à 3590. Dans La Tribune du 10 juin, le Premier ministre déclarait : « Ce qui est important, c’est que la réforme des retraites définisse, pour une longue période, une méthode permettant d’ajuster les moyens financiers aux besoins des retraités. » Mais ces propos dissimulent une volonté très différente : utiliser les retraités en fonction des besoins du capital. C’est tout le sens des mesures prises par ce gouvernement. Pour relever le taux d’activité des plus de 50 ans, le Premier ministre dit vouloir « redynamiser le contrat initiative-emploi, qui faciliterait l’embauche de chômeurs âgés. » Cette mesure s’accompagne de la création du revenu minimum d’activité, voté par le Sénat pour remplacer le RMI, de la baisse des pensions et de la mise en place d’un système d’assurance emploi formation tout au long de la vie. Vous allez ainsi rendre le marché du travail totalement flexible et précaire. En lançant une « mobilisation nationale » auprès des entreprises pour qu’elles embauchent des travailleurs de plus de 50 ans, le Premier ministre compte fournir aux employeurs des salariés à bon marché. Le CIE, en effet, les exonérera de charges patronales pour toute la durée du contrat. Couplé à un RMA très faible - la moitié du SMIC net -, il permettra donc aux employeurs d’utiliser une main-d’_uvre presque gratuite. Quant à la création du compte personnel de formation, elle obligera les salariés à financer eux-mêmes leur formation pour se rendre « employables ». Comme aux Etats-Unis, les personnes âgées devront accepter des « petits boulots » pour survivre. Cette réforme, en outre, intervient dans le contexte d’une prétendue décentralisation qui va mettre les régions en concurrence pour attirer les capitaux et les qualifications. Le pacte de stabilité réduit déjà la portée de la péréquation. Faire de la TIPP un instrument de dynamisation des collectivités locales et refondre le système des dotations, c’est dissimuler que la concurrence se fera sur le coût du travail. C’est pourquoi nous refusons cette réforme.

Mme Muguette Jacquaint - Raisonnant à partir de présupposés idéologiques, vous ne proposez que deux solutions : augmenter le montant des cotisations et allonger la durée d’activité. Comme l’a écrit l’économiste René Passet dans Libération, vous ignorez les mutations liées au temps de travail et à la productivité. Votre réforme supposerait un marché de l’emploi beaucoup plus dynamique et un changement culturel radical dans les entreprises, qui devraient cesser d’éjecter prématurément les salariés de plus de 50 ans, comme le fait Aventis à Romainville, où des salariés de 52 à 54 ans ont été licenciés. Comprenez donc que nous soyons plus que sceptiques ! Avec les préretraites, les entreprises peuvent faire payer par la collectivité le licenciement déguisé de leurs salariés âgés. Il ne suffit donc pas d’en appeler à une « mobilisation nationale » pour que les entreprises acceptent de relever le taux d’activité des quinquagénaires. Le COR a beaucoup insisté sur ce point, appelant de ses v_ux une grande politique nationale définie par l’Etat et les partenaires sociaux. Or on ne trouve rien dans le projet, sinon une révision des règles interdisant le cumul entre emploi et retraite. Nous souhaitons que des mesures différentes puissent être discutées : c’est le sens de notre amendement 3591.

M. Maxime Gremetz - Quelques observations sur la situation de l’emploi dans notre pays. Il faut en finir avec l’exclusion par l’âge, en aidant les jeunes à accéder à un emploi stable et les plus de cinquante ans à se maintenir dans l’emploi. Malgré un pilonnage médiatique tous azimuts, l’action du Gouvernement est dévastatrice : suppression des CES et des CEC, lachâge des associations de lutte contre l’exclusion, suspension de la loi de modernisation sociale, limitation des 35 heures, passivité à l’égard des patrons voyous, abrogation de la loi Hue. L’_uvre accomplie n’est pas négligeable, mais elle a frappé toujours les mêmes. Résultat, pour la première fois depuis 1996, l’emploi salarié recule, au préjudice des comptes sociaux et de la viabilité de votre réforme, assise sur l’hypothèse d’un taux de chômage à 5 % hélas bien peu réaliste. Dans le commerce, l’emploi salarié a reculé de 0,3 % - 49 000 emplois supprimés en trois mois -, cependant que 22 000 postes disparaissaient dans le secteur tertiaire et que l’industrie en a perdu 89 000 en un an. La commission des comptes de la sécurité sociale prévoit pour l’année un « trou » de 7,9 milliards, soit plus du double du montant prévu dans la LFSS pour 2003. Face au risque d’une nouvelle vague de restriction des dépenses, nos propositions en vue de dégager de nouvelles ressources sont plus pertinentes que jamais. La situation de l’Unedic n’est pas plus reluisante. Elle escomptait la création de 131 000 emplois - soit 2,4 milliards de ressources supplémentaires. A l’évidence, l’objectif ne sera pas réalisé. Toutes ces raisons justifient mon amendement 3610.

Mme Muguette Jacquaint - L’amendement 3889 vise à compléter le contenu du rapport prévu au deuxième paragraphe de l’article 5. Il s’agit d’apprécier si, dans les années à venir, les retraités seront plus souvent qu’aujourd’hui en situation de présenter des carrières complètes. Examinons la situation actuelle. Le montant moyen des pensions demeure relativement modeste : 1 200 €-1 461 € pour les hommes et 848 € seulement pour les femmes. ette distorsion est due au fait que la plupart des femmes retraitées n’ont pas effectué une carrière complète, une part des prestations qui leur sont servies étant de surcroît constituée par les pensions de réversion de leurs conjoints décédés. Et l’écart ne va pas se réduire, du fait notamment des inégalités de salaire entre hommes et femmes, y compris dans la fonction publique où les primes ne sont pas réparties équitablement entre les sexes. L’écart de salaire entre les hommes et les femmes reste de 14 %. Dans les années à venir, il est probable que la part des retraités ayant effectué des carrières complètes progressera continûment, d’autant que les classes d’âge de l’après-guerre n’ont pas toutes été concernées par l’allongement de la scolarité, lequel a touché de manière plus sensible les classes nées entre 1960 et 1970, dont le départ n’interviendra que dans le courant des années 2020. Il y a d’ailleurs tout lieu de penser que la réforme du Gouvernement vise aussi à amortir l’effet de la montée en puissance des carrières complètes dans le calcul des pensions. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement. L’amendement 3889, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 3946 procède d’une lecture attentive du projet, qui fait apparaître qu’il malmène sérieusement le droit à une retraite à taux plein à 60 ans. Il est clair qu’avec une vie professionnelle qui commence à 21 ou 22 ans, 40 annuités conduisent à 61 ou 62 ans... sauf rachat éventuel de points, mais dont le coût sera si élevé que cette possibilité est hors d’atteinte pour nombre de salariés. Nous devons donc nous interroger sur l’âge moyen du départ effectif en retraite. Si nous sommes appelés à légiférer à nouveau en 2008, il faut que le Parlement soit informé des conditions dans lesquelles s’exerce le droit à la retraite. Nous prendrions comme un recul de société - un de plus - une tendance à la hausse de l’âge effectif de départ. Nous apprécierions en revanche le fait que certains salariés, ayant commencé à travailler précocement, puissent faire valoir plus rapidement leur droit à pension. La lecture de cet indice sera au c_ur de notre débat dans quelques années. Nous devons donc l’inscrire parmi les critères pris en compte dans le rapport, et c’est l’objet de notre amendement.

L’amendement 3946, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L’amendement 3938 porte également sur le contenu du rapport que le Gouvernement sera appelé à fournir au Parlement en 2008. Il vise ce qui sera une des questions importantes de la situation économique et sociale à ce moment : la réalité de l’activité des salariés âgés de 50 à 60 ans. Des centaines de milliers de salariés sont privés d’activité professionnelle avant l’âge qui leur donnerait droit à la liquidation de leur pension. La majorité des actifs sont sans activité vers l’âge de 57 ans et demi. Le dernier recensement situe aux environs de 57 ans l’âge du basculement dans l’inactivité pour les tranches d’âge nées entre 1939 et 1944. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène, mais le plus fondamental est la gestion des entreprises. Combien de salariés âgés sont-ils victimes de plans sociaux ? La gestion du déficit est alors renvoyée au fonds national pour l’emploi, ou aux diverses formules de préretraite progressive. Nous avons eu ces dernières années plusieurs discussions législatives à ce sujet. L’une d’elles a conduit à la création d’une aide spécifique pour les anciens combattants d’Afrique du Nord qui étaient licenciés avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. Cette mesure fut approuvée par beaucoup, sur tous les bancs. Mais il faut observer, plus généralement, que de nombreux salariés âgés quittent prématurément l’activité en raison de maladies professionnelles, ou des conséquences d’accidents du travail. Nous ne saurions oublier cette dimension du problème, alors qu’on se demande si nous n’allons pas vers un système de mise à la retraite dès l’atteinte du nombre d’annuités requis, même après la réforme Balladur et celle dont nous débattons. Il est crucial qu’on s’interroge sur le taux d’activité des personnes qui font valoir leur droit à pension, et c’est le sens de notre amendement.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre des affaires sociales - Défavorable.

M. Maxime Gremetz - C’est un peu court !

L’amendement 3938, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Nous aimerions obtenir des réponses plus sérieuses. Vous vous installez dans la quiétude ! Il faut vous réveiller. L’amendement 3932 tend lui aussi à compléter le contenu du futur rapport du Gouvernement, qui devrait servir de matrice à un nouveau projet de loi. Les comptes sociaux font l’objet d’une fiscalisation accrue ; une part croissante des recettes de la protection sociale échappe ainsi au principe fondateur du financement conçu comme un prélèvement sur la richesse produite. Cette fiscalisation a différentes formes ; la plus connue étant la CSG, qui finance largement l’assurance maladie, et marginalement l’assurance vieillesse. C’est aussi la prise en charge par les deniers publics de cotisations normalement dues par les entreprises, en raison des dispositifs incitatifs qu’on ne cesse d’inventer. Le dernier permet de licencier un salarié, et de le réembaucher en payant simplement la différence entre la retraite et le salaire : ce sont les « emplois vieux »... Il fallait y penser ! Nous avons signalé lors du dernier débat budgétaire que les sommes consacrées au financement de l’action du FOREC dépassaient le budget du ministère du travail. Et cela ne devrait plus s’améliorer, notamment avec le projet de loi de décentralisation, qui prévoit de liquider une part déterminante des crédits d’intervention du ministère. Il est donc temps de procéder à une approche critique des politiques d’allégement du coût du travail, dont un certain nombre d’économistes annoncent du reste qu’elles vont atteindre leurs limites. Dans la perspective du rapport que prévoit l’article 5, il faut donc évaluer leur impact réel sur la situation de l’emploi. Certains dispositifs créent fort peu d’emplois directs, comme le dispositif Pons-Girardin pour l’outre-mer. Et certaines mesures incitent les entreprises à se comporter en compradores, plutôt qu’à créer de l’emploi. Ces considérations justifient notre amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Le rapport prévu au paragraphe II ne peut éluder des questions essentielles pour l’avenir de notre économie, et le devenir de notre système de retraite par répartition n’est certainement pas l’une des moins déterminantes à cet égard. Oui ou non, la nation est-elle prête à assurer un droit qui a valeur constitutionnelle depuis novembre 1946 ? Dans tous les cas de figure, c’est dans la répartition de la richesse créée par le travail - le capital seul ne pouvant créer de la richesse - que nous devons trouver les moyens d’un financement pérenne et équilibré de notre système de retraite : tous les autres modes de financement, assis sur le revenu ou appuyés sur des incitations fiscales, sont par nature insuffisants. On ne peut donc traiter de l’avenir de ce système solidaire sans se préoccuper de l’allocation effective de cette richesse, créée notamment dans des entreprises où les considérations éthiques cèdent bien souvent devant la loi de la rentabilité. Du fait de la désindexation des salaires et du développement de formes appauvries du salariat, ces vingt dernières années ont été marquées par une lente réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, ce qui a d’ailleurs conduit à une situation paradoxale : alors que l’allégement du coût du travail nous ramenait au début des années 1970, le volant de main-d’_uvre inemployée ou sous-employée est sensiblement plus important qu’à cette période. Dans les faits, c’est le volume des dividendes et des charges financières diverses qui, dans de nombreuses entreprises, a connu la progression la plus importante. Raison de plus de nous interroger sur la portée des mesures visant à promouvoir l’épargne-retraite : de tels dispositifs ne peuvent à notre sens qu’aggraver la pression pesant sur les salaires. Le rapport devra donc traiter de l’utilisation faite de l’argent dans les entreprises : d’où l’amendement 3903.

L’amendement 3903, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Le financement de notre régime de retraite est étroitement lié à la qualité de l’emploi dans le secteur marchand. On observe ainsi que la situation comptable des organismes de protection sociale s’est améliorée entre 1998 et 2000 lorsque le nombre de créations d’emplois s’est accru. On nous rétorquera que, s’agissant des retraites, l’impact des réalités démographiques est d’une autre nature, mais la démographie n’explique pas tout ! Si l’on accepte comme postulat que les salaires constituent l’élément à partir duquel sont calculées les cotisations de retraite, un bon niveau de salaire constitue évidemment le meilleur outil de financement de notre système d’assurance vieillesse. Or les dernières années ont été marquées par le développement des formes précaires du travail, au point de miner la solidarité entre générations. Depuis le développement du travail intérimaire dans les années 1970, les incitations se sont multipliées : loi quinquennale pour l’emploi de décembre 1993, loi sur le contrat initiative emploi, loi sur le contrat jeune... Aujourd’hui, des milliers de salariés de plus en plus qualifiés n’ont pas de carrière digne de ce nom. Cette situation n’est pas sans conséquences sur le financement de notre régime de protection sociale. Elle ne permet en effet de dégager que des miettes pour la protection sociale. Il est donc évident, particulièrement lorsqu’on prévoit de s’interroger sur l’évolution de l’activité chez les plus de 50 ans, qu’il faut aussi prendre en compte la question du travail partiel. Sans préjuger du reste des conclusions d’une telle analyse, nous pensons que la solution la plus fiable pour asseoir le financement de nos régimes de retraite ne réside pas dans le développement des formes précaires du travail, mais bien plutôt dans une politique qui viserait à les faire reculer. Nous estimons notamment nécessaire de revenir sur la majoration de la prime pour l’emploi et sur les exonérations de cotisations sociales. D’où l’amendement 3911. L’amendement 3911, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Claude Lefort - Je commencerai par une bonne nouvelle : le groupe de parlementaires UMP demandant un relèvement des cotisations patronales vient d’être renforcé de trois nouveaux membres. Le consensus approche ! Par l’amendement 3920, nous entendons poser une question à portée éthique : celle de l’inégalité devant la mort. Ce projet, visant à une équation entre durée de cotisation et durée de versement des prestations, fait l’impasse sur les conditions de vie, telles qu’elles peuvent être affectées par l’activité professionnelle. L’espérance de vie croît en France plus vite que dans la plupart des autres pays, en grande partie grâce à notre système de protection sociale et, plus particulièrement, d’assurance maladie - les pays qui ne disposent pas de tels systèmes de solidarité ne peuvent en effet se targuer de résultats similaires. Mais l’inégalité devant la mort n’a pas pour autant disparu : des catégories socioprofessionnelles entières échappent en effet à ce mouvement général de notre société. Les ouvriers du bâtiment, de la métallurgie ou de l’agriculture vivent en moyenne moins longtemps que ceux qui exercent des professions intellectuelles, par exemple. Le phénomène exige d’être appréhendé globalement, car il touche aussi bien le secteur public que le secteur privé et il affecte l’allocation des pensions. Cette étude devrait permettre d’établir que, dans certaines branches d’activité ou certains métiers, des dispositions dérogatoires au droit commun seront nécessaires : en facilitant ainsi l’exercice anticipé du droit à pension, on ajouterait à la solidarité entre générations une solidarité entre professions, indispensable pour restaurer une égalité aujourd’hui mise à mal. L’amendement 3920, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L’article 5 allonge la durée de cotisation pour les fonctionnaires et, pour tous, fixe un calendrier en vue d’accroître le nombre de trimestres requis à partir de . Afin de tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie, le nombre d’annuités exigées devrait ainsi passer à 41 en , à 42 en 2016 et à 43 en 2020. Ce plan n’étant pas financé, d’autres régressions sont à attendre. Pourtant, dans un entretien donné à La Tribune, le Premier ministre se flatte d’avoir défini pour une longue période une méthode permettant d’ajuster les moyens financiers aux besoins des retraités ! Non seulement le Gouvernement a confisqué le débat en ne soumettant aux syndicats aucune donnée relative au financement, mais vous avez de surcroît écarté le Parlement de tout véritable débat et refusé de consulter nos concitoyens, alors même que l’avenir de notre système de retraite constitue un enjeu de société fondamental. Le Gouvernement s’entête à vouloir faire passer sa réforme en force. J’en appelle une nouvelle fois à sa responsabilité en lui demandant, par l’amendement 3917, de surseoir à statuer.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre des affaires sociales - Même avis.

L’amendement 3917, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Dans un entretien accordé au journal La Tribune, M. Seillière souligne « l’anormalité » (sic) de la situation française où l’âge moyen de cessation d’activité est de 58 ans alors qu’il s’établit entre 63 et 65 ans dans les pays européens voisins. Mais ce que M. Seillière ne dit pas, ce sont les raisons de cette situation ! Multiplication des plans de licenciement, recours massif aux préretraites pour restructurer des pans entiers de l’industrie comme la sidérurgie, la métallurgie, les chantiers navals, tous les jours de nouveaux dégraissages d’effectifs - il n’est que de voir Metaleurop, et j’en passe ! -, et ce en toute liberté, puisque le Gouvernement et sa majorité, aujourd’hui si silencieuse à l’Assemblée comme au Sénat, ont suspendu les dispositions de la loi de modernisation sociale qui tentaient de faire obstacle à ces licenciements. Alors que la France connaît le taux d’activité des plus de 55 ans le plus bas d’Europe, on culpabilise les salariés, leur reprochant de ne pas vouloir travailler assez et de ne pas prendre leur courage à deux mains pour sauver leurs retraites ! Ce n’est, hélas, pas la première fois que le patronat critique une situation qu’il a lui-même contribué à créer.

Pour toutes ces raisons, nous proposons, par l’amendement 4051, de supprimer le dernier alinéa du II de l’article 5.