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En direct de lâAssemblée nationale à partir du 10 juin
Débat parlementaire sur les retraites
12 juin 2003
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La journée de 12 a vu la poursuite et la fin de la discussion générale sur le texte. A la fin de cette discussion générale, Alain Bocquet, Président du groupe communiste et républicain, sâest insurgé contre lâattitude du gouvernement qui a brandi lâarticle 40 pour refuser un quart des amendements du groupe communiste et républicain sans même les mettre en débat. Lâarticle 40 prévoit de refuser tout amendement qui entraîne soit une diminution des ressources publiques, soit une augmentation des dépenses (ce qui nâest pas le cas des amendements en question qui portent tous sur le fond, câest à dire sur un autre financement des retraites). Voir à ce propos lâAnnexe 1 ci-dessous. Lâaprès-midi, après la fin de la discussion générale, est venue la motion de renvoi en commission proposée et défendue par le groupe socialiste. Vous trouverez lâexplication de vote du groupe communiste (Jean-Pierre Brard) en annexe 2. Enfin, en séance de nuit est venu le début de la discussion des amendements avec ceux portant sur le préambule du texte (avant lâarticle 1). Vous trouverez en annexe 3 le compte-rendu du débat sur les amendements proposés par le groupe communiste portant sur le principe de la répartition, de la solidarité entre génération et sur les principes mêmes de la retraite instituée après la guerre. Ces amendements ont été défendus par Jean-Claude SANDRIER, Jacques DESSALANGRE, Jacqueline FRAYSSE, Muguette JACQUAINT, Maxime GREMETZ et Jean-Pierre BRARD. Ensemble de la discussion disponible sur le site de lâAssemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr au chapitre « Compte-Rendu des débats » et sur le site de la section de Bourges du PCF : www.pcf-bourges.org Pour tous ceux que cela intéresse, je rappelle le débat organisé par les communistes de Bourges, dans le cadre de leur fête, 14 juin à 17h30, au 45 rue Théophile Lamy, débat qui portera sur le thème « Retraites, décentralisation, dâautres choix sont possibles », qui se déroulera en présence de Jean-Claude Sandrier, de retour de lâAssemblée Nationale. Jean-Michel GUERINEAU Attaché parlementaire de J-C SANDRIER Annexe 1 Séance du 12 juin. Matin. M. Alain Bocquet - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Depuis hier, plus dâun tiers des amendements déposés par les députés communistes et républicains se sont vu opposer lâarticle 40. M. Denis Jacquat - Les nôtres aussi ! M. Alain Bocquet - Câest un véritable massacre. La commission des finances se conduit comme la commission de la hache. Tout y passe : nos amendements de propositions alternatives, de suppression, de demandes dâanalyses, dâétudes et de rapports. Et M. le Premier ministre, la main sur le coeur, nous parle dâun débat démocratique... Vous parlez de concertation et vous refusez la négociation, vous vous prétendez impatients de débattre et vous éliminez tout ce qui peut alimenter la discussion. En réalité, nous assistons au sabotage du travail parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) digne du bal des faux culs ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je vous demande, Monsieur le Président, une suspension de séance ainsi que la réunion du Bureau de lâAssemblée nationale pour examiner cette situation. M. le Rapporteur - La commission des finances fonctionne toujours de la même façon. Lâensemble des amendements de lâUMP a connu le même sort quâune bonne partie de ceux du groupe des députés communistes et républicains. Mme Muguette Jacquaint - Câest un 49-3 déguisé ! Câest scandaleux ! M. le Rapporteur - Lâarticle 40 de la Constitution sâimpose à tous. Les amendements déclarés irrecevables par la commission des finances avaient été adoptés à lâunanimité de la commission des affaires sociales. Nous regrettons dâautant plus leur rejet quâils apportaient de réelles avancées. Mme Muguette Jacquaint - Raison de plus ! M. le Rapporteur - Au nom des commissaires de la commission des affaires sociales, jâai moi-même demandé au Gouvernement de bien vouloir examiner attentivement ces amendements, afin quâil en reprenne certains à son compte, nous lâespérons. La quasi-totalité des amendements déposés par nos collègues de lâUMP a été déclarée irrecevable. Dès lors que les dépenses de la nation, à lâévidence, allaient être alourdies, câétait prévisible. Sous la précédente législature, nous avons connu les mêmes déceptions. M. Jean-Pierre Brard - Donnez des exemples ! M. le Rapporteur - Même si les règles de notre Constitution limitent les marges de man_uvre de lâAssemblée nationale, nous les acceptons et les respectons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Jâapplique avec impartialité lâarticle 40 qui sâest appliqué de la même façon, jadis, lors du débat sur la retraite à soixante ans. Si je ne lâappliquais pas, le Conseil constitutionnel remettrait en question certains amendements et certains articles. Jâaurais pu, par exemple, appliquer lâarticle 40 sur lâamendement concernant votre proposition de référendum. Pour quâil y ait débat, je ne lâai pas fait. Je vous demande de croire que nous travaillons sérieusement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Alain Bocquet - M. le rapporteur apporte de lâeau à notre moulin. Le groupe communiste et républicain, je le rappelle, avait proposé la création dâune commission spéciale émanant de lâensemble des commissions de lâAssemblée au vu de lâimportance de ce dossier. En quoi lâarticle 40 sanctionnera-t-il des amendements de suppression ou de demandes dâétudes et de rapports ? M. le Président de la commission des finances - Cela a toujours été le cas. M. Alain Bocquet - Votre méthode-couperet tend à évacuer le débat. En haut lieu, on propose de discuter et la commission des finances fait le sale boulot. Je demande une suspension de séance de quinze minutes pour réunir mon groupe et jâexige la réunion du Bureau de lâAssemblée pour quâil examine les conditions dâune vraie discussion. Jâai apprécié, hier, la réponse de M. Fillon à lâargumentaire que jâavais présentée. Nous souhaitons continuer un travail constructif. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cette après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 12 heures 40. La séance est ouverte à quinze heures. Lâordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration dâurgence, du projet de loi portant réforme des retraites. Mme Jacqueline Fraysse - Rappel au Règlement ! M. Méhaignerie a affirmé avoir fait des efforts pour que certains de nos amendements échappent au couperet de lâarticle 40, notamment ceux tendant à lâorganisation dâun référendum. Or, jâai sous les yeux lâamendement 51, jugé irrecevable au titre de ce même article, et qui visait les enjeux de la réforme, à soumettre ce texte au peuple français par voie de référendum. Lâapplication de lâarticle 40 nous paraît pour le moins excessive. M. Philippe Auberger - Le référendum a un coût ! M. Jean-Pierre Brard - Je soumets à votre sagacité, mes chers collègues, cette phrase de Montesquieu : « Le ciel peut faire des dévots, le prince fait des hypocrites ». En lâespèce, le ciel pourrait être le Premier ministre, qui promet que la discussion « sera libre » et durera « le temps nécessaire », et le prince le président de la commission des finances, qui livre à la guillotine nos amendements. Ainsi en ai-je déposé deux, relatifs à la CNRACL qui prévoient justement des recettes nouvelles et auraient donc dû échapper à lâarticle 40 ; or, il a été considéré que lesdites recettes étaient susceptibles dâengendrer des dépenses dans trente ou quarante ans - pour ceux auxquels Dieu aura prêté vie jusque-là... Câest tromper les médias et lâopinion que de promettre de prendre « le temps quâil faudra » et de jouer les Ravaillac en éliminant nombre de nos amendements. Mais à ceux qui veulent nous empêcher de nous exprimer, je dis : Prenez garde, car le Règlement a de nombreuses interprétations, comme dâailleurs les saints évangiles chers à M. Barrot... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Auberger - Câest lâheure des vêpres ! M. Jean-Pierre Brard - Ainsi, nous pourrions prendre le temps de discuter et dâexpliquer notre vote sur chaque amendement, ce qui nous mènerait bien au-delà du 14 juillet... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Paul Garraud - Encore une menace ? M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Permettez-moi de rappeler à nos collègues communistes... M. Jean-Pierre Brard - Et républicains ! M. le Rapporteur - Câest, il est vrai, une évolution récente de votre part, mais qui nâa pas modifié votre attitude envers lâéconomie de marché... Tous les groupes politiques ont déposé des amendements, et ceux-ci ont tous été examinés par la commission des finances au regard de lâarticle 40, selon les critères habituels. Quelque 2 000 ont été écartés, mais il en reste, rassurez-vous, plus de 8 000 ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Tous les amendements, je le souligne, sont examinés avec la même rigueur, quel que soit le groupe dont ils émanent, et jâen veux pour preuve quâun amendement de lâUMP a été écarté alors même quâil tendait, non à lâorganisation dâun référendum, mais à la rédaction dâun simple rapport ! (Mouvements divers) M. Jean-Pierre Brard - A cause du prix du papier ? M. le Rapporteur - Oui, et aussi du coût de son élaboration. Voyez donc quâaucun sectarisme ne prévaut ! M. Patrick Ollier - Très bien ! M. le Président - M. Méhaignerie a souligné à la fin de la séance de ce matin lâattention apportée par sa commission à lâexamen des amendements, et, de fait, lâamendement 51, jugé hier irrecevable, est devenu recevable aujourdâhui dans le numéro 1182... (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Il nây a pas de double langage. Le Gouvernement souhaite que ce débat soit le plus transparent et le plus complet possible, mais il entend aussi, car câest son devoir, respecter la Constitution, et donc son article 40. Je ferai tout, pour ma part, afin que soient abordés tous les sujets, ainsi que toutes les propositions faites par lâopposition ou par une partie de lâopposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je confirme ce que jâai dit ce matin, et souligne lâextrême modération avec laquelle a été appliqué lâarticle 40 : câest ainsi que lâamendement relatif au référendum nâa finalement pas été écarté, malgré son coût. Il reste, en outre, plusieurs milliers dâamendements, qui permettront aux députés du groupe communiste comme des autres groupes dâavoir le débat quâils souhaitent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mme Jacqueline Fraysse - Puisquâil vient dâêtre reconnu que lâamendement en question avait été écarté à tort, il conviendrait de réexaminer aussi les autres... Contrairement à ce que laisse entendre le rapporteur, le groupe des députés communistes et républicains nâa pas déposé 10 000 amendements (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), mais une grande partie de ceux quâil a déposés se sont vu opposer lâarticle 40. Sans contester la partialité de lâexamen auquel a procédé la commission des finances, il est permis de sâétonner quâun amendement tendant simplement à la rédaction dâun rapport tombe sous le coup de lâarticle 40 : autant renoncer à discuter ! Les règles doivent sâappliquer avec discernement, sans quoi chacun en conclura que vous cherchez à éluder le débat (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). M. Jacques Brunhes - Ce nâest pas lâarticle 40 qui est en cause, mais son application abusive ! Cela fait vingt-cinq ans que je suis député, et je nâai jamais vu tomber sous le coup de lâarticle 40 un amendement demandant la rédaction dâun rapport ! La vérité, câest que vous refusez le débat au fond Annexe 2 M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, vous êtes fort habile. En vous écoutant, je pensais que nous sommes tous ici en CDD et quâil faut penser à la reconversion. Si demain vous deviez faire un autre métier, ce serait celui de funambule (Sourires). Les économistes que vous avez cités ne sont pas ceux de la pensée unique mais ceux de la pensée atrophiée. Nous avons entendu les propos de Gaëtan Gorce : les choses bougent. Il a affirmé quâil était favorable à la taxation des revenus financiers, au départ dès les quarante annuités. Certains ont raison avant dâautres ! Nos collègues de lâUDF savent désormais quâil nâest pas toujours confortable dâêtre minoritaire dans la majorité ! Bernard Thibault face à Jean-François Copé, dans Le Monde, sâexprime ainsi : « Nous voulons que les revenus financiers subviennent aux besoins sociaux ». Jean-François Copé répond : « Mais alors, on touche très vite aux bénéfices. Que fait-on lorsque les trente premières entreprises françaises sont déficitaires, comme en 2001 ? ». Le lendemain, Le Monde lui répondait : « Le nombre de riches a continué dâaugmenter en 2002 et leur patrimoine à sâapprécier (...). En dépit du plongeon des actions, les riches ont vu leur patrimoine sâaccroître de 3,6 % en 2002. Les plus fortunés nâont pas de souci à se faire. Leur patrimoine progressera au rythme de 7 % par an dans les cinq prochaines années. En général, les plus fortunés ont tiré les leçons de trois années de baisse sur les marchés. Ils ont placé leurs économies ailleurs quâen bourse, dans lâimmobilier par exemple. Compte tenu des tensions internationales, ils ont aussi investi dans des valeurs réputées sûres, comme lâor ou le platine ». M. Denis Jacquat disait hier quâil ne fallait pas toucher aux bénéfices puisquâils varient dâune année à lâautre. On ne pourrait donc assurer de façon stable le financement des retraites. Il faut faire preuve dâun sens de lâhumour parfois involontaire ! (Sourires) Notre groupe votera la motion de renvoi en commission. Votre projet est injuste. Avec lâallongement de la durée de cotisation et la baisse des pensions, les salariés supporteront 91 % de lâeffort financier de la réforme. Les entreprises sont largement exonérées (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Aucune retraite, dites-vous, ne sera inférieure à 85 % du SMIC. Câest faux. Rien ne changera pour les quatre millions de retraités qui touchent la pension minimale. Le niveau de toutes les retraites continuera de fondre en raison de leur indexation sur la seule évolution des prix. Vous prétendez que la retraite par répartition est sauvegardée. Absolument pas ! Vous introduisez deux nouvelles dispositions pour compenser la baisse programmée du niveau des retraites (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) : le dispositif dâépargne-retraite - pour ceux qui pourront se le payer - consacre lâintroduction de la capitalisation au détriment de la solidarité ; vous inventez également les « emplois-vieux », les employeurs nâayant plus quâà verser la différence entre le montant de la retraite acquise et lâancien salaire. Sans le savoir, Monsieur le Président, vous venez de donner la parole à Bernard Thibault, dont je viens de lire en substance le lettre ouverte au Gouvernement. M. Fillon, comme dans les Évangiles, en a fait lâexégèse, moi, je vous donne lâoriginal (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). M. le Président - Je suis saisi par le président du groupe des députés communistes et républicains dâune demande, faite en application de lâarticle 61 du Règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la motion de renvoi en commission. Le vote est donc réservé dans lâattente de cette vérification. La séance, suspendue à 19 heures 40, est reprise à, 19 heures 55. M. le Président - Le Bureau de séance constate que le quorum nâest pas atteint. Conformément à lâalinéa 3 de lâarticle 61 du Règlement, je vais lever la séance. Le vote sur la motion de renvoi en commission est reporté à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30. Annexe 3 M. le Président - Nous examinons à présent lâamendement 3164 et six amendements identiques que jâappellerai les uns après les autres. M. Jean-Claude Sandrier - Lâun des principaux procès dâintention qui nous est fait consiste à nous accuser dâhérésie lorsque nous défendons lâidée quâil est possible et même souhaitable de travailler moins, afin que la fin de la vie ne soit pas un temps de relégation sociale et que les enjeux de la réduction du temps de travail soient envisagés à lâéchelle dâune vie entière. Il y a pourtant quelque paradoxe à inciter à travailler plus alors même que notre société nâest pas capable de fournir un emploi à tous ceux qui le souhaitent. Là est la véritable hérésie. Et comment ne pas tenir compte de lâeffet des gains de productivité ? Si lâon en croit les projections disponibles - même si je concède quâil est assez extravagant de prévoir à si long terme ! - 1,7 salarié en 2040 produiront autant de richesse que 4 salariés aujourdâhui ! Au reste, la position du Gouvernement et de la majorité ne vous surprend pas puisque le grand patronat et la droite nâont jamais accepté les réformes tendant à réduire la durée du travail. Nous proposons la retraite à 60 ans à taux plein pour tous ceux qui peuvent se prévaloir de 37,5 annuités de cotisation, que les périodes dâétudes, de recherche dâemploi, de contrats dâinsertion, de chômage ou de fin de droit soient validées gratuitement ; il convient dâassurer un taux de remplacement garanti de 75 %, calculé sur les dix meilleures années pour le privé et sur la totalité du dernier traitement pour le public. Nous plaidons aussi pour la possibilité de départ anticipé avant 60 ans et dès quarante annuités, pour gommer les inégalités dâespérance de vie liées à la pénibilité, à lâinsalubrité ou aux astreintes qui sâattachent à certaines professions. Nous voulons rompre avec la régression du pouvoir dâachat des retraites, en indexant les pensions sur lâévolution des salaires et non des prix, et en revalorisant le minimum contributif. Nous sommes favorables à une véritable réforme du financement : développer lâemploi, augmenter les qualifications et les salaires sont ainsi des conditions primordiales pour garantir le financement des retraites. Il faut aussi moduler les taux de cotisation en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée globale, afin de favoriser les entreprises qui créent effectivement des emplois et de sanctionner celles qui choisissent la croissance financière contre lâemploi. Il convient également dâinstaurer une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques à hauteur de la contribution des salariés. Enfin, nous proposons des mesures dâaccompagnement : intégrer tous les éléments de la rémunération dans lâassiette des cotisations sociales, augmenter la part patronale dans les cotisations, bloquée depuis 1979. Il faut aussi stopper les exonérations de cotisations sociales patronales, qui coûtent très cher et dont lâeffet, négligeable sur lâemploi et la croissance, est désastreux pour le financement de la protection sociale. Il y a lieu également de mener une politique du crédit sélective, pénalisante pour la croissance financière et la spéculation, encourageante pour lâemploi et la formation. Telles sont les motivations de cet amendement 3164. M. le Président - Les six amendements suivant étant identiques, leur présentation pourra peut-être être un peu plus rapide... M. Jacques Desallangre - Pour défendre lâamendement 3165, je compléterai les propos de M. Sandrier par quelques citations destinées à montrer que répartition et fonds de pension sont incompatibles car ces derniers laissent chacun seul face à sa retraite. Ainsi, selon le Medef, « la retraite par répartition, par le sentiment de sécurité quâelle crée, contrarie lâalimentation des marchés financiers ». Cela a au moins le mérite de la franchise... Dans lâExpress du 22 novembre 2001, soit avant les affaires Enron, Vivendi et autres, on trouve ce commentaire du directeur des études économiques de la Caisse des dépôts qui, ajoutant que la capitalisation nâest pas une garantie absolue, estime « quâà partir de 2005, le prix des actifs risque de se dévaloriser. Les fonds de pension du monde entier vendront leurs actions pour payer les pensions des baby-boomers ». Selon lâExpress, « la thèse est contestée, toutefois elle met en lumière que la capitalisation nâest à lâabri ni des caprices de la Bourse, ni de ceux de la démographie ». En 1999, sous le titre « Retraites, la fête est finie », on lit quâ « imaginer que placer de lâargent sur un compte nominatif garantit de récupérer sa mise 40 ans plus tard, agrémentée dâune plus-value, est illusoire. Un organisme gérant un fonds de pension peut faire faillite, un krach boursier, une crise financière, une affaire Maxwell, tout cela met les travailleurs à la merci de forces imprévisibles, contre lesquelles il nâexiste pas de recours. La répartition reste plus sûre en ce quâelle garantit toujours le principe dâune retraite, alors que la capitalisation reste soumise à des aléas importants que la communauté nationale ne peut maîtriser et qui peuvent aboutir à la spoliation des actionnaires ». A lâévidence, tout cela mérite réflexion. Mme Jacqueline Fraysse - Lâamendement 3167 est identique. Il vise à ce que tous les salariés bénéficient dâune retraite à taux plein au bout de 37,5 annuités de cotisation. Cela nâa rien dâarchaïque au regard de la réalité économique et sociale. Qui plus est, cela répond à lâaspiration des salariés à ne pas travailler au-delà de 60 ans. Câest, en outre, tout à fait possible grâce au progrès technique et à lâamélioration de la productivité. Alors que les mesures Balladur de 1993 produisent leurs effets négatifs sur les salariés, vous voulez aujourdâhui les étendre à tout le monde. Mais les Français savent bien que cela ne marche pas et ils vous le disent dans la rue ! Vous leur demandez à la fois de travailler plus longtemps et de gagner moins quand la retraite sera venue, en portant à 40 annuités la durée de cotisation tout en faisant passer à 25 ans la période de référence. Les plus mauvaises années seront ainsi forcément prises en compte et cela jouera au détriment de tous ceux, de plus en plus nombreux, qui auront eu une carrière courte, en premier lieu les femmes. Lâindexation des pensions non plus sur les salaires mais sur les prix sera également défavorable aux salariés, tout comme la décote dans la fonction publique. Câest pour combattre toutes ces dérives que nous avons déposé ces amendements. M. Maxime Gremetz - Très bien ! Mme Muguette Jacquaint - Lâamendement 3168, identique, réaffirme la nécessité de mener une réforme audacieuse. Il faut pour cela, comme les syndicats le demandaient tous en janvier dernier, garantir que les pensions représenteront 75 % du dernier salaire. Tel nâest pas le cas avec ce projet et câest lâinquiétude des salariés à la perspective dâune aggravation des mesures Balladur, quâexprime le puissant mouvement social qui perdure. Il convient également de garantir un taux de remplacement de 100 % pour les salariés payés au SMIC. Câest une question de justice sociale et dâéquité : comment admettre que ceux qui nâont connu tout au long de leur vie que les bas salaires et le chômage voient leurs ressources amputées de 15 % ? Ce serait indécent dans une société comme la nôtre. Qui plus est, le taux de 85 % nâest même pas assuré : il ne sâagit que dâun objectif, susceptible dâêtre atteint en 2008, et qui sera alors réexaminé « en tenant compte des perspectives financières des régimes de retraite et des réformes intervenues ». Enfin, ces faibles pensions seront, comme les autres, réduites par leur indexation sur les prix et non plus sur la croissance. M. Maxime Gremetz - Je défends lâamendement 3169, identique et important. Plusieurs députés UMP - Bien sûr... M. Maxime Gremetz - Je vous en prie, ne nous empêchez pas de débattre sérieusement. Nombre de nos amendements sont tombés sous le coup de lâarticle 40, aussi, jâavertis le Gouvernement que sâil veut jouer le jeu de lâobstruction (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous saurons utiliser toutes les armes en notre possession. Car câest bien dâobstruction quâil sâagit quand on empêche, par un artifice de procédure, que soit pleinement débattues les propositions alternatives des députés communistes. M. Patrick Ollier - Le Gouvernement nâest pour rien dans lâapplication de lâarticle 40... M. Maxime Gremetz - Mais il peut faire ce quâil veut. Là, il se contente de laisser faire. Jâen appelle donc à lui pour que le débat ait vraiment lieu car, à défaut, nous utiliserions tous les moyens pour nous opposer à cette réforme profonde de notre société. Quant à lâamendement 3 169, je nâajouterai rien à la présentation qui en a été faite. M. Jean-Pierre Brard - Je défends lâamendement 3170. Penchons-nous sur les bases historiques et théoriques de ce projet très important. Marx a fait une découverte importante : câest que les êtres humains sont capables de produire plus quâil nâest nécessaire à leur propre subsistance. Il y a donc un excédent, et tout lâenjeu, dans les sociétés modernes, est de savoir ce quâon en fait. Celui qui achète la force de travail essaie de le confisquer. Cet enjeu avait été entrevu par Sénèque, entre 49 et 55 après Jésus-Christ. « Puisque la vie est brève, disait-il, il faut lutter de vitesse avec le temps, par sa promptitude à en user ». Les hommes les plus puissants, dit-il, souhaitent la retraite, la préfèrent à tous leurs biens. « Elle est le temps des méditations vertueuses et doit être prise de bonne heure, car câest un peu tard de commencer à vivre à lâheure où il faut cesser ». M. Pierre Lellouche - Lâespérance de vie était alors de vingt-quatre ans et demi ! M. Jean-Pierre Brard - Sénèque ne parle évidemment pas encore de la retraite comme dâun droit, mais il en fait une obligation morale de la société envers chacun de ses membres. Ecoutons-le encore : « Les hommes se dépensent pour recevoir des pensions, des distributions ; ils leur consacrent leur peine, leurs soins, leur travail. Personne nâattache de valeur au temps. On en use largement, comme sâil ne coûtait rien. Mais ces gens, vois-les malades, sâils sont en danger de mort, aux genoux de leur médecin, sâils craignent la peine capitale, prêts à dépenser tout leur avoir pour vivre ! Tant les passions chez eux sont discordantes. Si lâon pouvait présenter à chacun le compte des années à vivre, comme celui des années passées, comme ceux qui verraient le peu qui leur en reste trembleraient ! Comme ils les épargneraient ! Or il est facile dâadministrer ce qui est tout petit mais sûr. Il faut conserver plus soigneusement encore ce qui te fera défaut à une date inconnue ». Dans son échange avec Jean-François Copé, Bernard Thibaud... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) M. Warsmann ignore que les dirigeants de la CGT ont parfois une culture encyclopédique : rappelez-vous par exemple Henri Krasucki. Bernard Thibaud, donc, déclare : « Lâacte politique devrait être aujourdâhui de faire reconnaître, par exemple, la pénibilité du travail par la loi, comme un des paramètres de lâéquité ». A propos de cette dernière, que M. Copé lui oppose, il dit : « Lâéquité ne nous choque pas. Cela ne veut pas dire quâelle doive se traduire par un allongement de la durée de cotisation quand il y a 10 % de chômeurs. Vous proposez une équité dans la régression ». Votre réforme, Monsieur le ministre, nâest pas peu de chose. La première régression a été opérée par M. Balladur, mais avec vous il y a, comme dirait Marx, un bond qualitatif. Ce nâest pas une simple répression : câest une rupture avec toute lâévolution de ce que Bush et Rumsfeld appellent la Vieille Europe. M. le Rapporteur - Nos collègues, sâappuyant sur les travaux les plus pertinents de Karl Marx, ont décliné des solutions qui constituent les fondements de leur « projet alternatif ». Mais nous ne partageons pas leur argumentation. Ce que propose le parti communiste, câest la liste habituelle des prélèvements de toute sorte, qui aboutiraient à la modeste somme de 100 milliards dâeuros supplémentaires chaque année... Si nos collègues pensent quâil y a là une solution, la commission ne lâa pas cru et a émis un avis défavorable. M. le Ministre des affaires sociales - Le Gouvernement est défavorable. Lâaudacieuse réforme que propose le groupe communiste ne servirait pas les intérêts du « peuple de France », comme dit lâamendement : elle lâaccablerait de charges et réduirait la croissance, donc lâemploi et le financement des retraites. Je saisis cette occasion pour préciser à M. Gremetz que le Gouvernement nâa rien à voir avec lâapplication de lâarticle 40 ; dans un pays de droit comme le nôtre, il nâa pas tous les pouvoirs... Il a le devoir de respecter la Constitution. Je nâen souhaite pas moins que le débat soit aussi transparent et intéressant que possible. Si donc, à lâoccasion de la défense de ses innombrables amendements, le groupe communiste veut interroger le Gouvernement sur les sujets quâabordaient les amendements tombés sous le coup de lâarticle 40, je me ferai un devoir dâessayer de répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les amendements 3 164 à 3 170, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Président - Je suis saisi dâune demande de scrutin public sur les amendements identiques 3 171 à 3 177 que nous abordons maintenant. M. Jean-Claude Sandrier - M. le ministre et M. le rapporteur devraient se mettre dâaccord sur les propositions du groupe communiste. Leur coût était estimé hier à 50 milliards dâeuros : M. Accoyer vient de parler de 100 milliards. Je vous saurais gré de nous expliquer ce doublement. Lâamendement 3 171, comme les six suivants, est un amendement de principe, un « amendement-solidarité ». Il vise à rappeler que la solidarité est un préalable de notre système de retraite et une valeur essentielle à toute civilisation qui entend se renforcer et durer. Ce nâest pas par hasard que ce principe sâest affirmé au c_ur de la Résistance. A la Libération, il a présidé à la construction de tout notre système de protection sociale. Câest lui qui a permis de réaliser pour tous les Français une avancée sociale sans précédent dans lâhistoire face aux aléas de la vieillesse. Ce système audacieux sâest pourtant réalisé dans un pays dévasté par la guerre. Toute à son effort de reconstruction, la France a su pourtant trouver les ressources pour créer un système dâassurance vieillesse fondé sur la solidarité, que sa richesse ne lui permettait apparemment pas de bâtir... Par quel miracle ne pourrait-on pas, aujourdâhui, avoir une retraite décente dès soixante ans ? Ce système sâest consolidé au cours des « Trente Glorieuses » - preuve que solidarité et efficacité ne sâopposent pas ; bien au contraire, la première est condition de la seconde. Câest ce que vous remettez aujourdâhui en cause, au nom de lâefficacité économique. Nous sommes pourtant une des cinq premières puissances économiques du monde et nous sommes infiniment plus riches quâau sortir de la guerre ! Mais, paradoxalement, vous voulez mettre toujours moins dâargent dans la protection sociale. Lâindividualisme monte, la solidarité décline. La part du PIB à consacrer aux retraites doit être multipliée par 1,5 dâici 2040. Or, dâaprès les projections théoriques, le PIB pendant le même temps aura doublé, ce qui ouvre tout de même certaines possibilités. Mais vous voulez faire de lâindividualisme le seul principe régulateur de nos sociétés. Face aux risques de la vieillesse, de la santé et du chômage, vous demandez toujours plus aux individus et toujours moins à la solidarité. Celle-ci est pourtant seule capable de maintenir la cohésion de notre peuple. Câest ce que nos amendements entendent réaffirmer solennellement. M. Jacques Desallangre - Défendant lâamendement 3172, je veux souligner lâaspect inégalitaire de votre projet. Aujourdâhui 8 % des personnes dont le salaire net est de 1 000 ont une épargne salariale, contre 45 % de ceux dont le salaire dépasse 3 000 . Mais, de façon plus pernicieuse encore, vous détruisez la substance même des mécanismes de mutualisation et de solidarité, parce que vous détruisez la confiance. Celle-ci est la base des régimes par répartition : les actifs cotisent pour leurs aînés, parce quâils ont lâassurance que la génération suivante cotisera pour eux. Votre projet ruine cette certitude : les jeunes actifs pensent quâils devront payer pour leurs aînés, mais assurer ensuite leur retraite par leurs propres moyens... En sapant la confiance, vous retirez la solidarité des c_urs, et vous préparez le terrain au régime individualiste de la capitalisation. Votre réforme nâest donc pas seulement injuste, reposant sur les seuls salariés et retraités ; elle est très dangereuse pour le régime par répartition, car, par idéologie, vous faites croître le germe de lâindividualisme. Mme Jacqueline Fraysse - Lâamendement 3174 est lâoccasion dâaffirmer notre volonté dâinscrire dans la loi le droit à la liquidation à taux plein pour les salariés qui, ayant commencé à travailler très tôt, ont totalisé les 40 annuités exigées avant 60 ans. Nous tenons à affirmer ce principe car vos dispositions sur ce sujet sont trop restrictives. Ce droit sâappliquerait uniquement à ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans, ce qui ne concernerait que 200 000 personnes, alors que plus dâun million de personnes ayant cotisé 40 ans et nâayant pas 60 ans pourraient y prétendre. De plus, ce droit au départ anticipé risque dâêtre amoindri puisque vous le liez au versement de cotisations à la charge de lâassuré. Câest méconnaître la réalité sociale. Il sâagit souvent de femmes qui comptent des périodes validées au titre des droits non contributifs et qui de ce fait nâauront pas accès au dispositif. Or, à nos yeux, lâexercice de ce droit ne doit subir aucune restriction. En le proclamant, nous conjuguons progrès social, lutte contre le chômage, développement de la solidarité entre les générations. Mme Muguette Jacquaint - A lâappui de notre amendement 3175, je veux montrer que votre projet contredit le principe dâégalité du citoyen devant la loi. En effet, à contribution égale, la pension ne sera pas égale. Certains citoyens le seront moins que dâautres. Ainsi la décote pénalise surtout les femmes. Près de 63 % des femmes adhérant au régime général ne comptent pas 40 années validées à 60 ans, contre environ 18 % chez les hommes. Il sâensuit que la majorité des femmes est victime de lâexploitation engendrée par la décote au profit de la majorité des hommes. Combien de femmes, en raison des circonstances de la vie, nâatteignent pas les 40 annuités ? Doit-on punir les femmes qui ont contribué aux succès français à lâexportation ? Certaines femmes ont dû interrompre leur carrière pour suivre leur mari à lâétranger. Doit-on punir ces femmes qui ont dû sâoccuper dâun parent, dâun enfant, de leur mari victime dâun accident de la vie ? Doit-on punir les femmes qui ont suspendu leur carrière pour élever leurs enfants ? Doit-on aussi punir les hommes et les femmes qui ont galéré ? Je pense à ceux qui, nâayant pas de droits suffisants à la retraite, sont conduits à demander le bénéfice du minimum vieillesse, ouvert seulement à partir de 65 ans. La retraite à 60 ans est refusée aux RMistes, aux personnes marginalisées, comme à la majorité des femmes. Il y a là une inégalité flagrante, et vos dispositions ne répondent pas aux cas précis que jâai cités. M. Maxime Gremetz - Je défends lâamendement 3176. Nos propositions, a dit le rapporteur, coûteraient 100 milliards. Hier, câétait 50 milliards. Il y a donc eu doublement dâun jour à lâautre. On ne peut pas considérer les retraites sous le seul aspect financier, même sâil existe. Vous estimez la somme nécessaire à 56,5 milliards. Dâaccord. Aussi vous ai-je indiqué que nous préconisions des solutions rapportant 56 milliards, soit juste le montant correspondant. Pour y parvenir, il suffit dâune volonté politique que beaucoup de gouvernements nâont pas eue, et que dâautres pays nâont pas non plus. Dans tous les pays, dites-vous, la réforme des retraites est à lâ_uvre. Nous avons donc cessé dâêtre originaux, comme nous lâétions en 1945 en créant la sécurité sociale. Tout le monde aujourdâhui veut appliquer les mêmes recettes avec dâailleurs les mêmes résultats. La libéralisation a pris partout le dessus. Nous ne proposons aucune source de financement, dites-vous. Mais si ! Un million dâemplois nouveaux représente 20 milliards supplémentaires mais je ne prends même pas en compte cette recette-là. En revanche, nous suggérons dâélargir lâassiette des cotisations aux revenus financiers, ce qui rapporterait 23 milliards en année pleine. Vous répondez que le produit de cette taxe additionnelle risque dâêtre aléatoire. Mais aujourdâhui, où vont tous ces milliards de profits, sinon à la spéculation ? Il faut ensuite moduler les cotisations vieillesse des entreprises selon les efforts quâelles fournissent en matière dâemploi, de formation et de salaire, ce qui ferait rentrer 15 à 17 milliards. Mettons fin aux exonérations de cotisations patronales ; le budget de votre ministère comporte en effet 16,6 milliards dâexonérations, qui profitent pour lâessentiel aux grandes entreprises et à leurs actionnaires. Nous pouvons avoir sur tous ces points un vrai débat. Vous avez cité beaucoup de prétendus experts qui, hier, conseillaient certains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et qui les conseillaient mal, puisque le 21 avril est arrivé. M. le Président - M. Brard défend lâamendement 3177, sans faire référence à Sénèque ! M. Jean-Pierre Brard - Il nây a pas que Sénèque. Il y a aussi Virgile, Pline, Platon, sans compter ceux du futur... Monsieur le ministre, vous avez cité les relaps : Bernard Kouchner... M. le Ministre - Pas moi ! M. Jean-Pierre Brard - Alors câest votre garde du corps, M. Dubernard ! Je vais faire référence à un ancien collègue, membre du forum de la gauche citoyenne, Dominique Taddéi. Vous vous êtes borné à évoquer un rapport car, lâayant lu, vous avez constaté que son raisonnement démolissait le vôtre, et vous avez jugé prudent de ne pas le citer. Je vais le faire, moi : « Pourquoi parle-t-on autant de retraite depuis une dizaine dâannées ? Parce quâun choc démographique inéluctable est en train de sâabattre sur nous. Telle est du moins la réponse des experts officiels. A y regarder de plus près, les phénomènes à venir nâont rien dâinattendu ! » Jusque-là vous êtes dâaccord. Attendez la suite. « Ils sâétendent sur plusieurs dizaines dâannées. Tout au plus doit-on prendre conscience que se présente devant nous un défi démographique. » Ainsi intervient la génération issue du baby-boom, née entre 1944 et 1974, qui partira bientôt à la retraite, et dont les derniers représentants devraient sâéteindre vers le milieu du siècle. A partir de 2005, et jusquâen 2030, les sexagénaires devraient augmenter, avant dâêtre remplacés par ceux issus de générations moins nombreuses. Monsieur le ministre, vous nâavez pas osé contester les conclusions du rapport de Dominique Taddéi, que vous savez exactes. Les baby-boomers ont eu moins de successeurs, contraception aidant, tandis que lâimmigration reculait, et le chômage de masse augmentait. Dâoù une diminution du nombre des cotisants par rapport au nombre des retraités, mais des solutions urgentes sâimposent-elles pour autant ? Si les Français pouvaient cesser de discuter, comme ils en ont lâhabitude depuis Vercingétorix, alors que vous vous chargez de penser à leur place ! Soyons francs, le prétendu constat démographique avec lequel on nous affole nâest quâune imposture, peut-être est-ce lâescroquerie du siècle ! Commençons par le commencement. M. le Président - Les développements de M. Dominique Taddéi sont longs : je préférerais que vous concluiez. M. Jean-Pierre Brard - Les démographes se trompent souvent. Voyez Alfred Sauvy qui, dans les années 1930, prévoyait, pour la France, une population de 40 millions dâhabitants en 2000 ! Aujourdâhui, en lâabsence de prévision démographique relative à la population française, on peut se demander dâoù sortent les chiffres que lâon nous assène. La réponse est simple : ils viennent de la direction de la population de lâINSEE, qui nous dit et nous répète quâil ne sâagit pas de prévisions, mais de projections des tendances passées. A la majorité de 135 voix contre 56 sur 191 votants et 191 suffrages exprimés, les amendements 3171 à 3177 ne sont pas adoptés. M. Jean-Pierre Dufau - Monsieur le Président, jâavais, alors que mes collègues défendaient ces amendements, levé la main pour demander la parole, mais vous ne mâavez pas vu. Je souhaitais indiquer quâil serait préférable, dans les amendements en question, de remplacer « fin » par « finalité », afin dâen rendre la lecture plus aisée. Plusieurs députés socialistes - Il a raison. M. Pascal Terrasse - Nos collègues du groupe communistes et républicains avaient dâailleurs accepté en commission cette modification, qui améliorait la rédaction de lâamendement. M. le Président - Jâai saisi lâimportance du problème. Il est dommage quâun sous-amendement nâait pas été déposé. M. Jean-Marie Le Guen - On a levé la main, mais vous ne nous avez pas vus. M. le Président - Nous en venons aux amendements identiques 3178 à 3184. M. Jean-Claude Sandrier - Lâamendement 3178 vise à placer la répartition au c_ur de notre système de retraite. En effet, la répartition est le mécanisme qui décline concrètement le principe de la solidarité : les actifs cotisent pour les retraités et lâindividuel passe après le collectif. Lâassurance vieillesse est considérée comme un revenu de transfert, assuré par la communauté nationale, et elle est beaucoup plus solide que des placements à la Bourse ou une assurance individuelle. Au contraire, lâallongement de la durée de cotisation, la capitalisation, quelque nom quâon lui donne, et la disparition de toutes les solidarités collectives développeront lâindividualisme. Dans votre projet, seule la capacité contributive du salarié tout au long de sa carrière déterminera le montant de sa retraite. En bénéficieront les hauts revenus, les personnes qui ont eu la chance de travailler toute leur vie et qui ont les moyens financiers de partir avant terme. Comment un smicard pourrait-il épargner pour sa retraite ? Le principe de la répartition est simple. La richesse créée est partagée entre les actifs et les retraités. Quand la proportion de ces derniers augmente, la part des richesses qui leur est consacrée doit croître également. Il sâagit donc de créer de nouvelles richesses, grâce à lâemploi, à la formation, et aux salaires. Un million dâemplois représentent tout de même vingt milliards dâeuros. La situation économique est bien meilleure quâà la Libération et depuis vingt ans les profits boursiers se sont accumulés, le PIB a plus que doublé et il doit encore doubler dâici quarante ans. Et vous prétendez que nos systèmes sociaux sont devenus trop chers ! En réalité, vous voulez libérer toujours plus dâargent pour les marchés financiers, et atteindre les objectifs que la Banque mondiale avait définis dans un rapport en 1994 : continuer à baisser, voire supprimer, les cotisations patronales, et dégager de lâargent frais pour le capital. Vous assimilez lâefficacité économique à la richesse de quelques élites. Les valeurs que vous prétendez défendre sont anéanties dans les faits par les lois que vous promulguez. Le jour est proche où, face à une compétition sans partage, vous renoncerez à défendre le principe de la solidarité. M. Jacques Desallangre - Défendant lâamendement 3179, je dirai que la répartition est le seul moteur efficace de la solidarité intergénérationnelle, et seule à même dâassurer un revenu décent à chacun face aux aléas de lâexistence. Vous mettez en danger la répartition au nom de lâévolution démographique. Certes, le rapport du nombre des retraités à celui des actifs augmentera, passant pour dix actifs, de quatre à sept, entre 2000 et 2040. Le vieillissement de la population aggravera le taux de dépendance. Mais en raisonnant ainsi, on aurait pu, en 1945, prédire que 50 ans plus tard, notre pays traverserait la crime alimentaire la plus dramatique depuis le Moyen Âge. Pourtant, nous ne manquons pas de denrées, grâce à lâaugmentation spectaculaire de la productivité. Il en va de même pour la productivité au travail : moins dâactifs, mais qui produisent plus. Ainsi, dans ma circonscription 250 ouvriers remplacent les 2 000 dâil y a trente ans, pour produire dix fois plus de tôles électrozinguées pour le compte dâUsinor. Mais il est vrai que ce sont autant de cotisations en moins que dâemplois disparus pour la caisse des retraites et la caisse de sécurité sociale. Selon un rapport Charpin, avec une croissance annuelle de la productivité du travail de lâordre de 1,7 %, la charge par actif devrait même diminuer jusquâen 2020 pour retrouver son niveau actuel en 2030. Entre 2000 et 2040, le rapports actifs-retraités sera ainsi divisé par deux, et lâon passera de deux actifs pour un retraité à un pour un. Or, ce rapport a déjà été divisé par deux entre 1960 et 2000, ce qui nâa pas empêché les pensions de progresser. Pourquoi ? Parce quâune part suffisante de la richesse nationale a été consacrée à leur financement. Dâici 2040, il faut accroître cet investissement social que refuse le patronat. Le maintien du système par répartition est possible pour peu que notre société continue dâêtre solidaire. Mme Jacqueline Fraysse - Lâamendement 3181 est identique. Nous sommes attachés au principe de retraite par répartition, avec un niveau de pension décent pour ceux qui ont travaillé toute leur vie. La suppression de lâindexation des pensions sur les salaires, en 1993, contenait déjà en soi les germes dâune remise en cause du statut même des retraites. La retraite est un revenu du travail, un acquis de la Libération. Supprimer lâindexation, câétait reconnaître un statut dérogatoire au revenu des inactifs, multiplier les catégories pour opacifier le système et dénouer la solidarité. La diversification des contrats de travail et lâencouragement de lâopposition public-privé font partie de la même logique. Selon des chiffres officiels, le pouvoir dâachat des retraites a baissé de 10 % en dix ans. Le taux de remplacement des revenus moyens dâactivité est aujourdâhui de 76 %. Au rythme actuel, il devrait descendre à 64 % dâici 2040. Lâinstitution, en 1993, de lâindexation sur les prix a rompu la solidarité entre les générations qui est la base du système par répartition. Les accords AGIRC et ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993, 1994 et 1996 ont fortement amplifié cette tendance. Les prélèvements sur les retraites - cotisations maladie, CSG, CRDS - ont au total été multipliées par 2,5 entre 1993 et 1997. Ils représentent un mois de retraite net par an ! Les retraités ne sont donc pas des nantis. Ce sont les oubliés de la croissance et il est urgent de déterminer des garanties pour le rattrapage du pouvoir dâachat perdu. Mme Muguette Jacquaint - Lâamendement 3182 est identique. La retraite par répartition répond à un souci de justice et dâefficacité sociale. Le ministre a rappelé lui-même que beaucoup de pays de lâUnion nous lâenvient. Elle est la reconnaissance de la communauté à ceux qui ont contribué toute leur vie aux avancées de la société. La retraite par répartition est en danger, même si vous ne cessez dâaffirmer solennellement que vous voulez protéger cet acquis social inaliénable. Il est indispensable dâinscrire son principe dans la loi si vous voulez que les petits salaires continuent à y avoir droit, et surtout quâils puissent partir à 60 ans à taux plein. Sans cela, votre projet de loi ne vaudra que pour les hauts revenus, ceux qui pourront se payer une retraite complémentaire. De nombreuses solutions existent pour assurer une retraite à taux plein à 60 ans. Vous nâavez voulu étudier aucune des options de financement qui vous étaient proposées. Si vous nâinscrivez pas ce principe dans la loi, vous briserez lâégalité des citoyens devant les risques de la vieillesse. Alors que les détenteurs de hauts revenus auront une totale liberté de choix, ceux qui ont des petits salaires nâauront quâà décider entre partir avec une retraite misérable ou continuer à travailler après 60 ans, voire 65... Peut-être ne verront-ils pas la retraite du tout ! Mettre en péril la retraite par répartition, câest donc creuser les inégalités. M. Maxime Gremetz - Lâamendement 3183 est identique. Le Gouvernement multiplie les contrevérités dans une campagne de communication sans précédent. Il proclame quâil veut sauver le système par répartition. Il cherche surtout à faire oublier que la réforme, pour les salariés du privé, est enclenchée depuis 1993, et quâil lâa confirmée et même aggravée sur plusieurs points ! Nous discutons en fait dâune réforme Fillon-Balladur, qui professe une extrême sévérité à lâégard des salariés, et en particulier de ceux du privé. Lâégalité dans la régression ! Le Gouvernement table sur lâallongement de la durée dâactivité. La durée moyenne validée de travail est aujourdâhui de 35 ans dans le privé et de 32 ans et demi dans la fonction publique. Peut-on penser que les salariés travailleront 42 ans en 2020 ? Certainement pas, et les pensions ne seront donc pas servies à taux plein. La réforme est un marché de dupes. Le Gouvernement prétend garantir le pouvoir dâachat des retraites. Câest également une illusion : les retraites sont indexées sur les prix, dont lâévolution sur le moyen terme est moins favorable que celle des salaires. Les retraités du privé ont déjà perdu 10 % de pouvoir dâachat depuis le changement dâindexation ! Enjeux sociaux et financiers sont étroitement liés. Alors quâil faudrait 90 milliards pour maintenir les retraites sur la base antérieure à la réforme de 1993, le Gouvernement a voulu faire des économies. Il ne peut pas dire quâil sauve le régime par répartition ! Il prévoit dâailleurs lui-même le cumul dâun emploi avec la retraite : ce sera le sort des salariés dont la pension sera si maigre quâelle devra être complétée. Le Gouvernement entend en outre développer une épargne-retraite, amorce des fonds de pension. Je vois encore notre ancien collègue Jean-Pierre Thomas... Il est vrai que ses positions ne lui ont pas porté chance aux élections. Plusieurs députés UMP - Et Robert Hue ? M. Maxime Gremetz - Il nous a fallu quatre ans dâacharnement pour faire abroger la loi Thomas. Vous ne pouvez pas revenir dessus directement, alors vous baissez les pensions en donnant des pistes pour les compléter. Vous amorcez la pompe... M. Jean-Pierre Brard - Lâamendement 3184 est identique. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme que la nation garantit à lâenfant, à la mère et au vieux travailleur la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui se trouve dans lâincapacité de travailler a le droit dâobtenir de la collectivité des moyens convenables dâexistence. Mais ce projet de loi rompt avec une évolution séculaire. Câest en effet la première fois, depuis 1944, que lâon réduit la durée de la retraite et les revenus qui vont avec. Nous multiplierons les exemples précis jusquâà ce que lâopinion en soit pleinement convaincue, ce qui ne devrait pas être trop difficile si lâon en juge au nombre de Français qui battent le pavé depuis des semaines. Vous rompez avec une tradition qui plonge ses racines dans la Révolution française. Songez à lâabbé Mably qui, en 1794, fait de la commercialisation des produits de première nécessité et de la protection des conditions dâexistence une obligation de lâEtat et une propriété sociale appartenant à tous les citoyens : « si les pauvres sont citoyens comme les riches, si de trop grandes richesses dâune part, et une trop grande pauvreté de lâautre, multiplient les vices dâune société et la plongent dans de trop grands malheurs, qui sera lâhomme assez raisonnable pour prétendre quâune saine politique ne peut prescrire aux riches les conditions auxquelles ils jouiront de leur fortune et les empêcher dâopprimer les pauvres ? » Et citons encore quelquâun qui vous donne encore de grands frissons, plus de deux siècles après : Maximilien Robespierre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Robespierre et Saint-Just sont des symboles de lâintégrité morale, de la justice et de lâégalité ! En avril 1791, Robespierre dénonce « lâaristocratie la plus insupportable de toutes, celle des riches » et il ajoute : « Le peuple ne demande que le nécessaire ; il ne veut que justice et tranquillité. Les riches - et vous en connaissez, Monsieur le ministre ! Au reste, M. Copé me reproche de ne faire la promotion que de Mme Bettencourt mais il y en a dâautres ! Jâai là une liste de cinq cents... M. le Président - Veuillez poursuivre. M. Jean-Pierre Brard - « Les riches prétendent à tout, continuait Robespierre. Ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont lâouvrage et le domaine des riches. Ils sont les fléaux du peuple. Lâintérêt du peuple est lâintérêt général ; celui des riches, lâintérêt particulier ». Et le 2 décembre 1792, Maximilien Robespierre ajoutait : « Quel est le premier objet de la société ? Câest de maintenir les droits imprescriptibles de lâhomme. Quel est le premier de ces droits ? Celui de subsister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens dâexister... M. le Président - Il faut conclure ! M. Jean-Pierre Brard - ...toutes les autres sont subordonnées à celle-là. La propriété nâa été instituée et garantie que pour la cimenter. Câest pour vivre dâabord que lâon possède. Il nâest pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes ». M. Jean-Marie Le Guen - Fondamental ! M. le Rapporteur - Sur ce bloc dâamendements, les références se succèdent et nos collègues font dans la nuance et dans la délicatesse : Marx tout à lâheure, Robespierre à présent... Il est vrai quâavec les méthodes de Robespierre, le problème des retraites ne se posait guère ! En particulier pour ceux qui croisaient son chemin ! (Sourires sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Brard - Vous préférez Barras ! M. le Rapporteur - Tout ce qui a été évoqué par nos collègues communistes est dans le texte du Gouvernement, quâil sâagisse de sauver la répartition, dâassurer un bon niveau de remplacement ou de résister à la tentation dangereuse de ne rien faire. Ces amendements sont donc inutiles. M. le Ministre des affaires sociales - Même avis. Ils reprennent, dans une rédaction beaucoup moins bonne, lâarticle premier, en répétant que la répartition est le principe de base de notre système de retraite. Je nâai pas eu lâoccasion de répondre à la question posée tout à lâheure par M. Gremetz sur le chiffrage du projet du groupe communiste et républicain. Je le fais donc bien volontiers. Les seules mesures supplémentaires quâil propose représentent un coût de 56 milliards dâeuros. Et elles ne comblent pas le besoin de financement initial de 15 milliards : on en arrive donc à 71 milliards, auxquels sâajoutent les 28 milliards de besoin de financement des retraites de la fonction publique - jâimagine du reste quâil sâagit là dâun montant sous-évalué compte tenu de lâimagination dont ne manquerait pas de faire preuve le groupe communiste pour améliorer les retraites des fonctionnaires ! En tout cas, on arrive au moins à 99 milliards dâeuros en 2020 pour que le régime général et les régimes de la fonction publique soient équilibrés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Les amendements 3178 à 3184, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
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PCF Bourges
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